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Faut-il «épingler» la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) ?

par Khelil Mahi *

Le financement des collectivités locales constitue actuellement l'un des aspects importants et un passage obligé de toute réforme globale de la fiscalité algérienne et de ce fait ne peut être ni ignoré, ni dissocié, ni négligé.

Par ailleurs compte tenu de la sensibilité de cette question, il ne peut en aucun cas être envisagé une réforme brutale, mais plutôt une approche prudente murement réfléchie et progressive, car la prédominance des budgets des collectivités locales est essentiellement caractérisée par les ressources fiscales dont leur produit est estimé à près de 93% de l'ensemble des ressources et seulement 7% des produits locaux.

Le système fiscal actuel s'échelonne sur trois niveaux tels que consacrés par l'article 15 de la Constitution : l'Etat, les Wilayas, les Communes. Depuis 1984 il existe : 48 wilayas et 1541 Communes .Chaque Wilaya et chaque commune a son propre budget ; par ailleurs le Fonds Communs des Collectivités Locales (FCCL), qui est un établissement public alimenté par des ressources fiscales, joue un rôle de redistribution et de péréquation entre les Wilayas et les Communes.

Les budgets des collectivités locales sont alimentés par diverses ressources :

-la fiscalité : affectée à telle ou telle collectivité ou partagée avec l'Etat et/ou le FCCL et les Fonds spéciaux (voir tableau ci-après).

- le produit des services locaux : il s'agit le plus souvent des recettes patrimoniales, de droits ou tarifs pour services rendus.

- les dotations de péréquation qui proviennent du FCCL qui redistribue une part de la fiscalité qui lui est affectée.

- en cas de nécessité par les subventions : d'équilibre du budget de fonctionnement allouée par le FCCL, d'équipement allouées par le même FCCL ou par l'Etat selon le type de projet ou de priorité.

- les emprunts : ressources pratiquement pas utilisées à l'heure actuelle.

Parmi ces ressources la TAP représente plus de 71%, et la TVA près de 20% des recettes fiscales locales soit à eux deux plus de 90%.

ALORS FAUT-IL AMENAGER OU SUPPRIMER LA TAP COMME LE SOUHAITE LE FCE DANS SES 50 PROPOSITIONS ?

Il faut rappeler que la Taxe sur l'Activité Professionnelle (TAP), instituée par l'article 21 de la Loi de Finances pour 1996 était fixée à un taux de 2,55%. Actuellement elle est à 2% .Elle résulte de la fusion de la Taxe sur l'Activité Industrielle et Commerciale(TAIC) et de la Taxe sur l'Activité Non Commerciale (TANC). Ces dernières datant de l'ère coloniale ont survécu plus de 45 ans (Dn 53-03 art.15 et T.C ?A.9/11/54 ART.242). La TAP n'en est en fait que le prolongement.

Bien qu'établie à raison du chiffres d'affaires ou des recettes et due aussi bien par les entreprises déficitaires que par les entreprises bénéficiaires, la TAP ne peut être considérée comme un impôt sur la dépense comme la TVA proprement dite ; En effet, elle ne doit pas être répercutée par l'entreprise sur le consommateur et plus particulièrement, ne peut être répercutée par l'entreprise en sus du prix de vente ou de la rémunération du service rendu.

La TAP, demeurant à la charge de l'entreprise, représente donc en quelque sorte un complément de l'impôt sur les bénéfices.

En fait sa véritable raison d'être, comme c'est relaté plus haut, réside dans la nécessité de fournir des ressources aux budgets des collectivités locales puisqu'elle est intégralement répartie entre :

-Commune 29,50 %

-Wilaya 65,00 %

- FCCL 5,50 %

100 %

La TAP pose effectivement, sur le plan de la logique, des problèmes en raison de ce que :

-cet impôt (ou taxe ?) qui figure dans le Code des Impôts Directs (art 217) doit être considéré comme un impôt sur le Revenu et en tant que tel, même s'il n'est pas un élément constitutif du prix (notamment en cas de prix homologués), il est un élément constitutif du coût comme les autres charges d'exploitation tout en étant déductible du résultat.

-malgré son assimilation juridique à un impôt sur le revenu, son assiette repose paradoxalement sur le chiffre d'affaires et pas sur le bénéfice brut.

-son assiette sur le chiffre d'affaires le distingue également de la TVA qui est assise sur la valeur ajoutée.

-Il est extrêmement productif et qu'il a le statut d'impôt local puisqu'i alimente uniquement les budgets des collectivités locales.

Un tel impôt doit-il ou non être maintenu ? Peut-il être intégré à l'impôt sur les bénéfices ou l'impôt sur la consommation ?

LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE SA SUPPRESSION :

- en plus des arguments développés ci-dessus, son assiette et son mode de perception font qu'il se rapproche tellement de l'impôt sur la dépense (TVA) qu'il semble préférable de fondre ces impôts. Ainsi la TAP intégrée à l'impôt sur la consommation de façon générale ne serait conservée que pour les activités non redevables de la TVA.

- il n'existe aucune finalité de régulation qu'un tel impôt soit susceptible d'atteindre de façon plus efficace ou plus efficiente qu'un autre.

- une réflexion sur la réforme de la fiscalité locale dont le but serait de trouver d'autres ressources qui pourraient plaider quant à la révision de cette taxe ou tout simplement aboutir à sa suppression.

LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE SON MAINTIEN :

-Fondre la TAP avec l'impôt sur les bénéfices s'avère difficile voire impossible car la recette actuelle exigerait une augmentation considérable du taux de l'impôt sur les bénéfices (pour prélever en plus 2% du chiffre d'affaires.

-fondre la TAP avec la TVA dénaturerait cet impôt qui d'une part doit rester un impôt sur le revenu et non se transformer en impôt sur la dépense (ce qui fait qu'elle ne doit pas être ?' répercutable'' sur les prix), d'autre part rester assis sur le chiffre d'affaires et non sur la valeur ajoutée.

-la TAP qui a la caractéristique de pouvoir être perçue de façon locale (c'est d'ailleurs pour ce motif que cette taxe sert intégralement à alimenter les ressources des collectivités locales) est l'une des principales ressources de ces collectivité locales.la finalité purement financière pour ces collectivités justifie à bien des égards son maintien et son affectation à celles-ci. Déjà la diminution de la TAP de 0,55%(taux ramené de 2,55% à 2%) ainsi que la suppression du Versement Forfaitaire ont sensiblement affecté les budgets des collectivités locales dont les déficits de certaines d'entre elles n'ont été comblés que grâce au concours financier de l'ETAT.

CONCLUSION

A l'issue de cette présentation sommaire du pour ou contre la suppression de la TAP, il convient à mon sens avant tout changement dans la structure actuelle de cet impôt, engager une véritable réforme de la fiscalité locale dans la réforme fiscale globale et qui toucherait entre autres :

- la révision de l'assiette de la Taxe foncière (tenir compte de la valeur locative et non la superficie qui ne tient pas compte de la nature de la construction ni des matériaux utilisés (villas taxées presque de la même manière que les immeubles collectifs-?.)

- la répartition de la TVA.

- la répartition de la vignette automobile dont les produits, au moment de son institution, étaient destinés à l'entretien des routes intra et extra muros.

- la classification des communes en tenant compte de leur implantation géographique, des infrastructures existantes et du nombre d'habitants.

- l'évaluation de la performance des collectivités locales par des indicateurs de gestion.

- l'institution d'un code de la fiscalité locale.

- la création d'une banque de développement intercommunale.

-enfin revenir au système du recouvrement de la taxe foncière (TF) par les recettes des impôts et non les receveurs communaux rattachés au trésor qui n'ont pas les moyens de l'action coercitive.

En attendant et avant toute décision radicale, les pouvoirs publics se doivent- pour une meilleure assiette et collecte de l'impôt destinée aussi bien au Budget de l'Etat qu'au collectivités- de maitriser la sphère économique actuelle du pays caractérisée par :

- un marché parallèle incontrôlable générateur de valeur ajoutée non perceptible,

- des activités non déclarées mais productives de revenus considérables,

- l'instabilité des activités qui a permis à de nombreux redevables potentiels d'échapper totalement à l'impôt dont une grande partie doit profiter aux budgets des collectivités locales.

Il est également primordial d'insister pour une valorisation des ressources patrimoniales et d'exploitation qui constituent en tant que produits communaux un apport très appréciable pour la commune qui en plus des produits fiscaux constituent l'essentiel des ressources communales.

Enfin il est plus qu'urgent de mettre en pratique les propositions découlant des chantiers tenus conjointement par le Ministre de l'Intérieur et des Collectivités Locales et le Ministère des Finances dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale.

Ce n'est qu'à ce prix que le problème de la TAP pourra alors être posé.