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Prêcheurs en eau trouble

par Abdelkrim Zerzouri

En décidant de fermer la porte aux imams envoyés par des pays tiers pour officier dans des mosquées en France, un important pas a-t-il été accompli dans le cadre de la concrétisation de «l'Islam de France» ou tout simplement un coup d'épée dans l'eau ? Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé le vendredi 29 décembre, à travers une missive envoyée aux pays concernés, qui ont des communautés musulmanes en France, dont l'Algérie, la fin des «imams détachés» à partir de janvier 2024. Pour rappel, la décision a été prise en 2020, avec un préavis de trois ans, qui arrive à terme en ce début d'année 2024.

La France cherche à se prémunir contre l'influence d'imams détachés par des pays étrangers, recevant leurs salaires de fonctionnaires de pays étrangers et officiant dans des mosquées en France qui accueillent des fidèles issus de l'émigration et des Français de confession musulmane. Les autorités françaises parlent d'ingérence politique et théologique, et ont dans ce sens lancé un programme de formation d'imams en France pour combler localement le besoin en imams. On ne sait pas combien d'imams ont été formés durant ces trois dernières années en France, ni si leur nombre arriverait vraiment à occuper toutes les tribunes des mosquées en France, mais le fil a été coupé entre les imams détachés qui se trouvent encore en France et leurs tutelles. Car, les imams détachés qui n'auront pas quitté le territoire français à la date du 1er avril 2024 devront changer de statut. Est-ce que cela signifie que la France cherche à garder quand même une partie de ces imams détachés sur son sol sous un «autre statut» ?

Pour le ministère français de l'Intérieur, l'essentiel est de s'assurer qu'aucun d'entre eux ne percevrait son salaire par un pays étranger. C'est ce qui dérange les autorités françaises, plus que la crainte de propagation par ces imams détachés d'un discours religieux radical, ou «séparatiste», selon l'expression du président français. D'ailleurs, aucun d'entre eux n'a jamais été inquiété sur ce plan. Les autorités françaises savent bien que la radicalisation et le discours séparatiste poussent au niveau des cités périphériques voire d'un profond malaise social né d'une discrimination ressentie par les habitants et exploitée par les prêcheurs en eau trouble.