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Les amitiés illusoires...

par Kamal Guerroua

Avant, j'avais cru qu'aimer ou estimer quelqu'un me fera retourner le même ressenti de sa part, avant de me rendre à l'évidence que mes impressions sont totalement fausses. Les amitiés éternelles, m'avait-on dit pour me déterrer de ma naïveté, sont illusoires. Les aléas du temps font en sorte, poursuivent mes interlocuteurs, qu'il n'en reste parfois, que des débris. Et pour cela, il faut apprendre la vertu du détachement. Savoir lâcher prise et prendre de la distance nous permet de mesurer le degré d'attachement des autres à nous. L'amitié, ce n'est pas forcément la réciprocité et il se trouve que, par moments, ceux qui nous aiment et nous apprécient sont ceux qui cultivent le plus cette vertu du détachement. Les gens solitaires sont généralement des types très sensibles. Car, se détacher des autres, ce n'est pas du tout égoïste, bien au contraire, c'est revenir à soi et faire son périple intérieur. Se ressourcer pour mieux se découvrir, se relire pour mieux se corriger, renaître et puis rejaillir vers l'autre : rayonner de lumière. Ce passage à soi par le biais duquel on fait un pont vers l'autre, est le véritable début du printemps de l'amitié.

Ceux qui disent qu'il n'y a pas meilleur ami que soi n'ont pas tort. Aimons-nous d'abord avant d'aimer les autres. Car, si l'on ne s'aime pas, c'est presque un pari fou de prétendre aimer les autres. Ce qui justifie l'échec de la plupart des «fausses» amitiés. On aime l'argent, on aime l'intérêt, on aime profiter des autres, mais on oublie de s'aimer, de donner une importance, une dignité, un statut symbolique à notre propre personne. Un ami m'avait récemment raconté qu'il croyait à l'amitié, mais un événement l'avait fait presque se raviser. Il y a quelques années, il avait pris le bus et avait acheté un grand cadeau pour assister à la fête de son ami. Fou de joie, il avait fait des pieds et des mains pour être le premier à y arriver. Mais à sa grande surprise, il était mal reçu, complètement négligé. Pour cause, il n'avait pas de voiture et son hôte, esprit matérialiste oblige, avait comme une honte de paraître à ses côtés. Un an plus tard, le ciel avait souri à mon ami et il s'était acheté une belle voiture. Invité au même endroit pour une autre occasion, il était tombé des nues : réception première classe, photos, et discussions à bâtons rompus, avec un bon plat bien garni et un cadeau! «Tu sais pourquoi tout ça?» rigola alors mon ami. «Non», lui répondis-je l'air faussement naïf. «C'est simple, sourit-il, mon ami a trouvé une belle amie, mieux que ma propre personne» «laquelle?» «Ma voiture!»