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Internet et ses réseaux sociaux, une arme de destruction massive des cultures, originalités et intelligences des peuples

par Hassan Taki El Benaissi*

Internet, n'est pas une propriété collective, ni un patrimoine édifié, adopté et partagé par les peuples, quoique on en pense, une large majorité d'entre nous ! Principal organe et moyen pénétrant de la Mondialisation économique et de la vassalisation des petites économies périphériques à la puissance majeure du moment, elle agit en véritable Rouleau compresseur de nivellement des esprits, des modes de vie, des expressions culturelles et des intelligences, alors auparavant authentiques et fécondes, des peuples de toute la planète.

«Adieu, veau, vache, couvée...», Nous tous, comme Pierrette et son pot de lait, narrée par Jean de la Fontaine, vivons aussi avec les fausses illusions de ces nouvelles technologies, dites porteuses de liberté et de progrès. La gentille fermière emportée par ses rêveries, fait un mauvais pas et renverse le pot de lait, qu'elle devait vendre au marché et craint de se faire corriger par son mari. Et nous, individus, peuples et cultures, que pouvons-nous risquer, quand on se réveillera des conséquences de nos atteintes, de la perte de nos intégrités individuelles et collectives, de l'abdication de nos protections et libertés fondamentales ? Accepterions-nous de nous fesser, nous-mêmes, de nos erreurs, en pleurnichant comme des enfants fautifs ou coupables d'avoir été complaisamment bernés ?

Celui qui possède, cette arme de destruction massive des cultures et gouvernances authentiques, ou encore autonomes, des peuples de la planète, domine déjà économiquement, militairement, politiquement et commercialement ; et demain culturellement. Les fameuses GAFA, sont toutes abritées derrière le bouclier économique et politique de la première vraie puissance occidentale. Même les nations, qui lui sont vassalisées aujourd'hui, rechignent un peu, mais, en général, se taisent, pour ne dire ?'ferment leurs Gueules'' !

Que dire de l'influence négative, et du manque fragrant de responsabilité morale, ni éthique de ces systèmes d'information et de communication aujourd'hui, planétarisés mais malheureusement toujours ethno centrés, dans la déculturation, la manipulation et la désorientation des jeunesses des Pays du Sud. En particulier de cette jeunesse africaine, autrefois seul espoir de sursaut et de prise en charge du destin de ce continent martyr de 5 siècles de déshumanisation, d'inféodation et d'assujettissement presqu'animalier !

Internet et ses réseaux sociaux, ne sont pas une Institution et autorité publique, avec ses règles, sa morale, ses garde-fous, une éthique, et bien-entendu avec un contrepouvoir, international, ni même national, qui lui fait face et qui pourrait la questionner, la contrôler, la juguler au besoin ou même rêver de l'Humaniser. Il faudrait savoir accepter, et ne pas occulter, cette vérité où restent engagées et associés nos responsabilités morales nord et sud confondues, que les centaines de milliers de jeunes africains qui tentent chaque année , au péril souvent tragique de leur vie, n'en sont en fait que les victimes rendus schizophrènes et instables par les flots d'images merveilleuses et tentantes , souvent mensongères de cet occident de bonheur, de justice et de rêves ensorceleurs. Bien avant la domination et la popularisation accrue et mondiale d'Internet, les phénomènes d'immigrations clandestines et leurs drames, n'étaient pas si intenses. Internet et ses réseaux sociaux ont fini le travail de destruction de l'Afrique mené durant 5 longs siècles. Internet et ses réseaux sociaux participe à faire de nos jeunes africains, et autres, de véritables Zombies sociaux et politiques dans leurs propres pays, qui ne s'investissent que dans l'idée et projet de quitter leurs pays et rejoindre, à n'importe quel prix, l'Europe ou l'Amérique du Nord, au lieu de s'engager et d'être mobilisés vraiment dans la construction de leurs vies et l'édification et libération de leurs Etats.

Que peuvent des réalités nationales rendues insupportables, contraignantes et tellement indigentes par des mal gouvernances compromises ou souvent corrompues, devant le poids des images et vidéos magnifiées de sociétés occidentales apparemment repues de biens, de moyens et d'espaces de liberté paradisiaques. Pas de communes mesures, ni de contrepoids à ces réalités nationales tellement inégales ! C'est Goliath contre, non un David ; mais contre des ?'Davids'' divisés et nanifiés, virtuellement, certes, mais à l'extrême. De toutes les façons, pour les tenants et suprématistes d'Internet et ses réseaux sociaux, nous ne sommes plus des Humains, mais seulement des détenteurs de Comptes... Pour eux, toute réussite et progrès ne peut être qu'une question de Comptes et d'argent. C'est encore du Business et de la liberté d'entreprendre ; n'est-ce pas ? Sauf que là, on compte, annuellement, les chiffres macabres de centaines de milliers de morts naufragés et de millions de victimes indirects.

Avant de clore notre présent propos, que pensez-vous et comment analyseriez-vous ce phénomène récent et, particulièrement interpellant et tellement choquant, de ces jeunes et moins-jeunes, militants ?'climatiques'' qui s'adonnent à des actes de vandalisme et de détérioration volontaire d'objets et de toiles de maitres historiques exposés dans des musées, souvent, de renom dans certaines capitales européennes... ? Est-ce anodin, à vos yeux, et entendement ? Ou est-ce le signe d'une nouvelle schizophrénie sociale et pathologie apparues, que dans notre siècle, et le siècle donc d'Internet et de ses réseaux sociaux et du formatage des esprits jusqu'à en faire des personnes inintelligentes, inconséquentes et, peut-être Demain, de potentiels candidats intolérants, inadaptés et asociaux par excellence... pouvant aller jusqu'à user de violence arbitraire et tellement abjecte !

Internet et ses réseaux sociaux, une machine qui met à nu, insidieusement, les individus, les peuples et communautés avant de les soumettre ; puis, si besoin, les détruire

?'Le secret est un véritable pouvoir'', nous ont confié, sous le sceau de la confidence, nos parents, instruits par la résistance anticoloniale et l'organisation clandestine de la lutte contre l'occupant et sa puissante Armada de répression. En effet, le moyen de lutte, des plus pauvres et démunis en moyens, est par excellence la Guérilla. Et la Guérilla, n'est rien d'autre que la culture de l'utilisation intelligente et stratégique du secret. D'où, celui qui te connait, sous toutes tes coutures, te Tient et te possède !

Déjà, les individus et les peuples, sont vastement écoutés, filmés, et ?'dénudés''. Leurs dires, leurs messages, leurs informations, et même leurs localisations géographiques et topographiques, sont analysés et stockés dans des data centres sanctuarisés dédiés à tous besoins éventuels futurs ou immédiats. Summum du comble, et véritable aberration de cette perte d'autoprotection flagrante et de cette surexposition de soi et livraison des données personnelles et communautaires se fait gratuitement, et par les individus eux-mêmes Et ce, d'une manière volontaire, complaisante, libre et parfois même enthousiaste. Deux pays qui possèdent d'énormes moyens ont tenté de faire face à cette dépendance et moyen d'intrusion en développant des systèmes comparables d'Internet mais internes à leurs Etats et contrôlables surtout (Hudong, Baidu en Chine et rusnet en Russie). Ces pays, n'ont pas décidé d'en faire face pour minimiser les risques de nivellement culturel de leurs populations, mais essentiellement pour des impératifs sécuritaires de protection de leurs propres gouvernances. Pour l'immense démographie chinoise, le nivellement culturel et sociétal occidental est déjà là, depuis une trentaine d'années ; depuis que leur pays a accepté de devenir l'Usine de sous-traitance du monde nécessaire à la globalisation et division économique du travail. Et le rêve, non dévoilé, mais certain, de beaucoup de Jeunes Loups chinois est de devenir riche, libre et vivre comme un américain...Pour l'anecdote, le jeune soldat américain qui avait escaladé la statue de Saddam, à Bagdad, pour accrocher la bannière étoilée, s'appelait Chin... C'était un Green-card, probablement, d'origine chinoise !

Ces techniques détenues, labélisées et brevetées par une puissance, à la plus faible émanation historique et recul civilisationnels, et connue pour ne pas disposer de beaucoup de résilience et de respect pour les autres nations du monde. En effet, ces innovations, aujourd'hui effectives et globalisées, viennent d'un unique centre arrogant et prétentieux qui ne veut pas du bien aux autres nations, même petites et pacifiques. D'où, par prudence élémentaire, il ne serait pas recommandable de leurs prêter une confiance aveugle, ni sans réserve...

N'oublions pas que le beau chef apache Geronimo1, au regard vif et étincelant d'intelligence, a fini ses jours, exposé comme une bête curieuse dans les foires de cette puissance de l'heure. Et, dans la continuité logique et historique de cette prédisposition, l'opération et assaut qui a servi à la liquidation sommaire et sans jugement, ni procès, d'un chef terroriste au Pakistan, fut baptisée, curieusement, Opération Géronimo.

Même leurs citoyens, suffisamment conditionnés par 250 ans d'arrogance contagieuse, quand ils leurs arrivent de vouloir se solidariser avec des causes ou évènements touchant les autres peuples et nations (Cf. africains ou Haïti), ils ne peuvent s'empêcher de s'affirmer comme une Totalité agissante qui se suffit à elle-même. Voire cette chanson et grand succès de 1985, conçue comme hymne de solidarité avec l'Afrique, et intitulée WE ARE THE WORD2 ... NOUS SOMMES LE MONDE... Rien que ça !

Internet et ses réseaux sociaux, c'est la première puissance de l'heure voulant devenir, à elle seule, le Monde. Cela rappelle étrangement cette fable de Jean la Fontaine, nous parlant de cette grenouille qui rêvait de se transformer en vache. En effet, pas un vers, pas une phrase, ni même un simple mot d'évocation de l'Afrique ou de ses malheurs, dans un long texte et chanson, qui se voulait pourtant, un élan de solidarité et d'aide, pour ces trois grandes célébrités afro-américaines à l'origine de ce show devenu mondial depuis 37 ans.

Seulement, un refrain, fort affirmatif, qui ne cesse de marteler cette prétention démesurée de : ?'Nous sommes le monde''... Ils veulent, prétendent et l'affirment fortement d'être, à eux seuls, le monde. Pour eux et d'une manière subliminale, nous autres, ces multitudes muettes, restons les Enfants du monde, seulement bons à être secourus et protégés, des enfants irresponsables de leurs sorts, victimes malheureuses tellement éprouvées par la pauvreté et le sous-développement, qu'il s'agirait de protéger, presque par charité ! Revendiquant, ainsi, sans vergogne, la paternité et responsabilité du monde, pendant que les jeunes et jeune-enfants d'Afrique continuent, dans une indifférence mondiale généralisée, à mourir dans les traversées assassines de la Méditerranée.

Rappelons-nous que le peuple indien n''a pas été décimé que par le Colt, la Winchester et a mitrailleuse Gatting, mais surtout ; et peut être essentiellement, par le système génocidaire de l'assistanat forcé dans les réserves, l'exclusion systématique de la terre et de son travail et l'exposition aux illusions, évasions artificielles et rêveries anesthésiantes et mensongères par l'accès et entrainement à l'alcool. Bizarrement, l'Afrique d'aujourd'hui comporte un certain nombre des critères de cette déchéance en marche : une jeunesse, exclue de la terre (par, entre autres, des lois scélérates de non gestion démocratique du statut du foncier agricole), qui finit par se retrouver à grossir, jour après jour, les immenses bidonvilles, dernières zones de transit avant la tentative de migration transméditerranéenne, dans des embarcations de fortune, au péril de sa propre existence.

(*) Professeur des universités

Sources et bibliographie :

1- Géronimo : (1829 -1909), Chef Apache symbole de la résistance amérindienne.

Le proverbe amérindien « Quand le dernier arbre aura été abattu - Quand la dernière rivière aura été empoisonnée - Quand le dernier poisson aura été pêché - Alors on saura que l'argent ne se mange pas. » est attribué à Géronimo, au chef sioux Sitting Bull ou au peuple algonquin des Cree.

2- WE ARE THE WORD (à écouter avec le lien : https://www.youtube.com/watch?v=p34sK9AYQN4), chanson caritative, ayant récoltée plus de 100.000 Dollars, au profit de certains pays d'Afrique (Ethiopie) et de Haïti, sur une idée d'Harry Belafonte, co-écrite par Lionel Richie et Michael Jackson.

Chanson ayant été distinguée à l'Americain Awards de 1986.

Texte et traduction en Français :

Et la vérité, tu sais, l'amour est tout ce dont nous avons besoin

[Refrain]

We are the world, we are the children

Nous sommes le monde, nous sommes les enfants

We are the ones who make a brighter day

Nous sommes ceux qui feront un meilleur avenir

So let's start giving

Alors commençons à donner

There's a choice were making

Il y a un choix à faire

We're saving our own lives

Nous sauvons nos propres vies

It's true we'll make a better day

C'est vrai nous allons construire un meilleur avenir

Just you and me

Juste vous et moi

Send them your heart

Envoyez-leur votre coeur

So they'll know that someone cares

Alors ils sauront que quelqu'un s'intéresse à eux

And their lives will be stronger and free

Et leur vie sera plus forte et libre

As God has shown us by turning stones to bread

Comme Dieu nous a montré en changeant la pierre en pain

Alors nous devons tous tendre une main secourable

[Refrain]

When you're down and out, there seems no hope at all

Quand vous êtes déprimé, il vous semble qu'il n'y a plus du tout d'espoir

But if you just believe there's no way we can fall

Mais si vous croyez simplement, vous ne pouvez pas tomber

Well, well, well, well let us realize that a change can only come

Un changement ne peut survenir

When we

Qu'en nous réunissant

stand together as one

Réunissant [Refrain]

Géronimo (1829 ? 1909) Chef de tribu apache, symbole de la résistance amérindienne