Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Patrick Bruel en Algérie, 60 ans après: Après Tlemcen, sa ville natale, la maison-musée de Saint-Laurent à Oran

par H. Saaïdia

Comme une mère, une ville natale ne se remplace pas. Il a beau faire le tour du monde, tout le ramène à Tlemcen. Sa ville natale, sa ville d'enfance. Il y est retourné, soixante ans après. Avec sa mère. Patrick Bruel est, depuis mercredi 1er février, en Algérie, «là où il a laissé un bout de cœur caché».

C'est là, à Tlemcen, ancienne capitale du Maghreb central qui mêle influences berbère, arabe, hispano-mauresque, ottomane et occidentale, où naquit l'artiste-interprète ce jour du 14 mai 1959. De la ville qui l'a vu naître, Patrick Bruel n'a malheureusement que de très vagues souvenirs décousus puisqu'il avait à peine trois ans lorsqu'il dut la quitter. Pour rejoindre cette France des années 1960 qui, encore gamine, s'ébahit devant les tressaillements révolutionnaires de la jeunesse printanière. Il débarqua à Argenteuil avant de déménager à Paris, où il commença à cultiver son éclectisme artistique.

En novembre 2022, il témoignait sur RTL : «Pendant que j'écrivais cette chanson (Je reviens), j'ai reçu un coup de téléphone m'informant que les autorités algériennes souhaitaient que je revienne en Algérie et qui plus est avec ma maman. C'était un signe pour moi. Donc on est en train de préparer ce voyage que j'ai fantasmé, que j'ai imaginé. J'espère le rendre réel dans les semaines qui viennent».

Deux mois plus tard, son souhait est exaucé. Son rêve est bien réel. Ce fut donc un autre «signe », comme il y en a eu tant dans sa vie, un autre «coup de fil » qui rappelle peut-être celui qu'il reçut, alors qu'il était tout jeune, au moment où il s'apprêtait à embarquer pour le Mexique où il devait être animateur dans un club de vacances.

C'était le réalisateur Alexandre Arcady, pour qui il avait passé un casting presque sans y croire quelques mois plus tôt, qui l'appelait pour lui proposer un rôle. C'est ainsi que Patrick Bruel obtint son premier rôle au cinéma dans «Le Coup de Sirocco» (1979), qui réunit près d'un million et demi de spectateurs en salle.

Patrick Bruel : Un profil «acceptable»

L'arrivée de Patrick Bruel à Tlemcen, où il a passé les deux premières journées (mercredi et jeudi) de son voyage de cinq jours en Algérie, n'est pas passée inaperçue localement et, comme on peut le voir dans plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Tik Tok, Instagram, Youtube?), l'artiste aux millions de disques vendus était chaleureusement accueilli par bon nombre de personnes venues spécialement pour le rencontrer, mais aussi par de simples riverains et autres curieux qui le saluaient dans la rue et du haut de leurs balcons. Visiblement ému, Patrick Bruel n'a pas manqué d'immortaliser ce moment en publiant sur Instagram, jeudi, une photo en compagnie de sa mère, Augusta Kammoun, 86 ans, prise dans le quartier où ils vivaient jadis.

«Je reviens, comme on s'était promis, comme tu m'avais appris, l'amour de ce pays?» a-t-il écrit en légende, reprenant les paroles de son titre «Je reviens ». Sur le cliché, on retrouve l'interprète du «Café des Délices », plus souriant que jamais, en train de tenir sa mère par le bras. Un beau moment de complicité que l'acteur n'est pas près d'oublier. Patrick Bruel, né sous le nom de famille de Benguigui d'origine juive berbère, qui n'a jamais caché son envie de renouer avec son pays natal, l'Algérie, n'a de cesse d'affirmer que ses parents et ses grands-parents l'avaient toujours élevé «dans l'amour de l'Algérie, sans mots de haine ou de revanche concernant mon pays de naissance.

Il n'y a jamais eu dans la bouche de mes grands-parents des mots de haine, de violence, de revanche».

Un élément de «bonne moralité » qui aurait fort probablement plaidé en sa faveur aux yeux des autorités algériennes dans la procédure d'acquiescement pour l'entrée sur le territoire national, et ce d'autant que Patrick Bruel s'est toujours présenté comme étant «de la gauche humaniste, universaliste, pas séparatiste» et comme étant «un homme de paix» dont les positions, notamment par rapport au conflit arabo-israélien, lui ont d'ailleurs souvent valu les remarques -parfois violentes- d'une certaine communauté juive.

Après son petit périple à Tlemcen sur les traces de sa première enfance, l'artiste, auteur notamment de nombreux tubes, à l'image de «Casser la voix», «Qui a le droit», «J'te l'dis quand même» et «Au café des délices», devait se rendre hier vendredi à Oran. Il devait notamment visiter en fin d'après-midi la maison restaurée du célèbre créateur de mode Yves Saint-Laurent au quartier de Plateau Saint-Michel et le musée qui lui est annexé, installé au sein de l'hôtel ?Liberté' Oran du même mécène de l'art et de la culture, Mohamed Afane. Enfin, Patrick Bruel devra boucler son voyage de cinq jours en Algérie par la visite d'Alger, d'où il retournera en France.