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Enjeu énergétique

par Abdelkrim Zerzouri

Le marché pétrolier renoue avec les incertitudes à propos de l'évolution des prix à la veille de l'entrée en vigueur de l'embargo européen sur le brut russe. A partir du 5 décembre prochain, l'Union européenne va supprimer 90% de ses achats de pétrole brut en provenance de Russie, soit près de 2 millions de barils/jour que l'Union ira chercher ailleurs pour compenser les 2,2 millions achetés à la Russie. Où ira-t-on chercher ces deux millions de barils au quotidien ? Et pourquoi une flambée des prix du baril ne semble pas inquiéter outre mesure les Européens, malgré la réduction de 2 millions barils/jour de la production décidée par l'Opep+, qui a atteint durant la première quinzaine de novembre une diminution des expéditions d'un million baril/jour ? Les prix du brut sont restés légèrement en-dessous des 90 dollars, mais la situation reste très tendue à mesure que les problèmes d'approvisionnement s'intensifient, selon les analyses des spécialistes. Certes, le plus grand importateur de brut dans le monde, en l'occurrence la Chine, a baissé sa demande à la suite d'un retour à la circulation active de la Covid-19, mais une pression n'est pas à exclure, dans les prochaines semaines, après l'entrée en vigueur de l'embargo européen sur le brut russe, notamment. L'Opep+ va certainement augmenter sa production dans le cas d'une hausse de la demande mondiale, mais cela ne pourrait se faire rapidement, pas avant que le marché ne subisse les effets du déséquilibre entre l'offre et la demande, qui provoquera une forte hausse du prix du baril. Certains spécialistes estiment même que l'Opep+ ne pourra jamais compenser le manque dû à l'embargo sur le pétrole russe si Moscou décide de retirer carrément plus de 2 millions barils/jour des marchés internationaux. Alors, le baril vers une hausse plus spectaculaire que celle d'avant la guerre en Ukraine, et atteindre les 150 dollars, voire plus, dans le proche terme ? De nombreux paramètres appuient cette tendance, alors que d'autres indices incitent à ne pas miser gros sur une hausse aussi importante du prix du baril. Il est même probable que ce prix du baril baisse jusqu'à 50/60 dollars. Comment ? Il faut se tourner vers les explications qui atténuent les inquiétudes des Européens pour le comprendre. En parallèle à cet embargo contre le pétrole russe, les Américains et les Européens veulent instaurer un plafonnement des prix du baril, en créant une Opep des pays importateurs de pétrole. Dans cet esprit, un groupe de pays s'organise comme un cartel et impose une limite au prix qu'ils sont prêts à payer. Les pays exportateurs de pétrole seront, ainsi, contraints de vendre à ce prix ou ne pas trouver acheteur. Une logique qui peut se tourner contre les initiateurs de ce plan, qui ne tient pas la route quand on sait que l'Opep+ le rejette dans la forme et dans le fond, et que deux autres pays, gros importateurs de brut, la Chine et l'Inde, qui achètent eux au rabais le pétrole russe, et qui de ce fait ne sont pas du tout disposés à se joindre à ce cartel des pays importateurs qu'on cherche à créer. Mais, il ne faut pas s'arrêter à ces seules explications, car l'enjeu énergétique peut nous faire voir, demain, ce qu'on n'a jamais imaginé.