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Selon l'ambassadeur d'Algérie à Rome: L'Algérie pourrait cesser d'alimenter l'Espagne en gaz

par A.Zerzouri

L'Algérie respecte ses engagements en matière d'approvisionnement en gaz naturel de l'Espagne, mais à condition que les termes du contrat soient également scrupuleusement respectés par l'Espagne.

Tout marchait comme sur des roulettes entre les deux pays, et l'Algérie a toujours affiché toute sa bonne volonté pour assurer l'approvisionnement de l'Espagne en gaz naturel, jusqu'au jour où l'Espagne a décidé d'aider le Maroc à s'approvisionner en gaz naturel en inversant le flux du Gazoduc Maghreb-Europe (GME), à l'arrêt depuis novembre 2021 suite à la fermeture des vannes par Alger.

Dès lors, le doute s'est installé sur l'origine de ce gaz naturel qui sera exporté vers le Maroc. L'Algérie, soupçonnant que les quantités de gaz naturel algérien livrées en Espagne prennent une destination autre que celle prévue dans les contrats, a averti les autorités espagnoles que si les engagements contractuels sur ce plan ne sont pas respectés, cela pourrait entraîner une rupture du contrat liant Sonatrach à ses clients espagnols.

Depuis, la pression continue à monter. Dans une interview à l'agence italienne Nova, qui sera publiée dans son intégralité lundi, l'ambassadeur d'Algérie à Rome, Abdelkrim Touahria, a confirmé que l'Algérie était prête à couper l'approvisionnement de l'Espagne en gaz naturel si celle-ci ne respectait pas ses accords. «Si l'Espagne décide de réexporter le gaz qu'elle achète de l'Algérie vers des pays tiers, l'Algérie pourrait cesser d'approvisionner Madrid», a clairement laissé entendre l'ambassadeur Touahria.

Rappelons dans ce sens que l'Algérie a publié une déclaration officielle indiquant que si l'Espagne réexporte du gaz vers d'autres pays, l'Algérie ne respectera pas ses obligations, car l'Espagne sera la première à choisir de ne pas le respecter. Le 27 avril, le ministère de l'Energie a, en effet, annoncé que « toute quantité de gaz algérien exportée d'Espagne vers des entités autres que celles mentionnées dans les contrats serait considérée comme une violation des obligations contractuelles et pourrait donc conduire à une résiliation unilatérale des accords précédents ». Sans jamais le citer, mais le « pays tiers » en question pourrait être le Maroc, avec lequel l'Algérie a rompu ses relations diplomatiques. L'Espagne, en revanche, a récemment repris contact avec Rabat, en particulier après que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a reconnu le plan d'autonomie du Maroc pour le Sahara occidental comme «la base la plus sérieuse, crédible et réaliste» pour résoudre le conflit. L'ambassadeur est revenu sur la question en soulignant que «le Premier ministre espagnol a changé la position traditionnelle de l'Espagne (sur le Sahara occidental), nous ne savons pas pourquoi, mais nous pouvons l'imaginer. Je tiens à dire que nous n'avons aucun problème avec le peuple espagnol».

Avant-hier, la troisième vice-Première ministre espagnole et ministre de la Transformation environnementale, Teresa Ribera Rodríguez, a déclaré dans une interview accordée à Nova en marge de la 12e édition de la conférence sur l'état de l'Union dans la ville italienne de Fiesole que son pays ne craint pas un arrêt de l'approvisionnement en gaz de l'Algérie. Ajoutant que «nous aimerions avoir de meilleures relations que les relations actuelles. Nous n'avons pas peur que le gaz soit coupé, mais nous espérons certainement que les choses s'amélioreront.»

L'Espagne cherche à rassurer

Notons dans ce contexte que le gouvernement espagnol a reporté le pompage inverse du gaz vers le Maroc jusqu'à ce qu'un nouveau système de surveillance soit mis en place, après que l'Algérie ait menacé de résilier le contrat au cas où des quantités de ses exportations seraient transférées à Rabat. La ministre de la Transition écologique et du Défi démographique espagnol a demandé à Enagás, en sa qualité d'opérateur et gestionnaire du système gazier espagnol, de mettre en place un système permettant de garantir l'origine du gaz arrivant en Espagne afin que le gaz exporté vers le Maroc ne soit pas d'origine algérienne. Elle a expliqué à ce propos que l'objectif est de donner des assurances sur la source et la destination du gaz naturel liquéfié que le Maroc importe des marchés internationaux. Le gouvernement espagnol a ordonné à Enagas de travailler au plus vite sur le système des garanties d'origine pour en faire prendre connaissance à l'Algérie.

Des sources d'Enagás confirment de leur côté qu'elles travaillent déjà sur la nouvelle procédure afin que le gaz naturel liquéfié acheté par le Maroc puisse être injecté dans le réseau gazier espagnol, puis exporté vers le Maroc via le gazoduc Maghreb-Europe, sans interférence avec le gaz venu d'Algérie. Malgré sa capacité à inverser la pompe de l'Espagne vers le Maroc, Madrid n'a pour l'instant envoyé aucune goutte de gaz vers Tanger. L'Espagne attend d'obtenir les factures d'achat de gaz du Maroc sur les marchés internationaux et transfère des copies des factures à l'Algérie pour prouver que le gaz envoyé à son voisin n'est pas le sien. L'agence de presse espagnole cite des sources gouvernementales confirmant que ce qui a été fait répondait à une demande marocaine, dans un cadre purement commercial, afin de l'aider à couvrir ses besoins énergétiques en repompant le gaz qu'il achète sur le marché international. Les mêmes sources ont indiqué qu'en aucun cas le gaz algérien ne sera transféré au Maroc.