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Une question d'honneur?

par Abdelkrim Zerzouri

On peut bien comprendre la colère des avocats face au nouveau régime fiscal introduit dans la Loi de Finances 2022, qui a supprimé l'impôt forfaitaire unique (IFU) de 12% et l'a remplacé par des taxes et impôts de plus de 50% de leurs gains, dont 19% de TVA, mais il est difficile de démêler le fil entre l'Union nationale de l'Ordre des avocats (UNOA) et le ministère des Finances. Après un passage par des relations tendues entre les deux parties, arrivant à un stade de guerre ouverte avec des accusations formulées par les avocats, sans mettre les gants, contre le ministre des Finances, qui doit « assumer sa responsabilité dans la situation actuelle puisque c'est lui qui a fermé toutes les portes du dialogue et n'a pas daigné donner suite aux nombreux courriers qui lui ont été adressés », selon les termes d'un communiqué de l'UNOA appelant, en janvier dernier, au boycott de l'activité judiciaire, la situation a évolué vers un apaisement suite à une rencontre entre les représentants de l'Union et des responsables du ministère des Finances, en présence du Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane. Cette rencontre avait débouché sur la suspension du boycottage des activités judiciaires, avec des détails de l'accord entre les deux parties, dont la mise en place d'une commission mixte pour élaborer une projet de révision du régime fiscal simplifié de sorte à ce qu'il prenne en considération les spécificités de la profession d'avocat, avec l'adoption du système de la défalcation de l'impôt à la source, sans toutefois toucher au principe de l'impôt sur le revenu, selon le même communiqué de l'UNOA qui a suspendu le boycottage des activités judiciaires. Il a été également convenu de présenter le nouveau projet relatif au régime fiscal dans la prochaine Loi de finances complémentaire. Tout indiquait que la crise avait été désamorcée, avec l'engagement du Premier ministre dans les termes de cet accord.

Pourquoi alors les avocats ont-ils renoué avec la protesta à partir du 18 avril ? Selon l'UNOA, l'administration des Impôts est « revenue sur ses engagements ». Ces engagements sont-ils tombés en désuétude après la désignation d'un nouveau ministre des Finances, qui n'a en fait rien signé avec les avocats puisque le portefeuille des Finances était naguère entre les mains du Premier ministre ? Ou l'administration des Impôts, avec le soutien de la nouvelle tutelle, a-t-elle jugé que la loi portant nouveau régime fiscal pour les avocats reste entièrement en vigueur, et que l'accord entre l'UNOA et le ministère des Finances est tributaire de l'adoption du nouveau projet relatif au régime fiscal, en discussion au sein de la Commission mixte créée par l'accord en question, lors de la présentation du projet Loi de finances complémentaire devant les deux chambres parlementaires, soit au début du deuxième semestre ? Juridiquement, donc, l'affaire n'est plus des prérogatives de l'administration des Impôts ou même du ministère des Finances. Les avocats en sont bien conscients en appelant à l'intervention directe du président de la République, qui a bien gelé plusieurs taxes contenues dans la Loi de finances 2022, dans un cadre précis de soutien au pouvoir d'achat des citoyens.

En attendant, les avocats sont dans un double rôle de défense et de victime, déterminés à défendre leur droit, devenu une question d'honneur. « Si on n'arrive pas, nous, en tant qu'avocats, à obtenir gain de cause, qui parmi les justiciables nous ferait confiance ? », raillent des robes noires.