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Risque de guerre nucléaire en Europe: Des concessions raisonnables mettront fin à la guerre en Ukraine

par Medjdoub Hamed*

Le 6 mars 2022, sur le site du quotidien financier français la Tribune.fr, on lit : « Le président russe Vladimir Poutine a souligné samedi que la Russie considérerait comme cobelligérant tout pays tentant d'imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine, une revendication de Kiev que l'OTAN a rejetée, et a affirmé que les sanctions imposées à son pays s'apparentaient « à une déclaration de guerre ».

Poutine a également mis en garde contre une éventuelle perte par l'Ukraine de son « statut d'État » si les autorités ukrainiennes ne changent pas de politique.

« Les autorités actuelles (ukrainiennes, ndlr) doivent comprendre que si elles continuent de faire ce qu'elles font, elles mettent en question l'avenir du statut d'État ukrainien. Et si cela se passe, elles en seront entièrement responsables », a déclaré le maître du Kremlin.

« Ces sanctions qui sont mises en place, cela s'apparente à une déclaration de la guerre », a estimé Vladimir Poutine. « Mais Dieu merci, on n'en est pas encore arrivé là », a-t-il ajouté.

De Paris à Londres, Rome ou Zurich, des dizaines de milliers de manifestants sont de nouveau descendus samedi dans les rues de grandes villes européennes, pour dire « stop » à la guerre et protester contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Sur l'emblématique Times Square à New York plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées pour réclamer une intervention en Ukraine. » (1)

Comprendre comment l'Occident et la Russie en sont arrivés là ? Qui pouvait s'imaginer que la Russie qui a amassé 150 000 hommes allait envahir, le 24 février 2022, l'Ukraine ? Malgré l'annonce répétée du président américaine d'une invasion imminente de l'Ukraine par la Russie, il faut le dire, personne n'y croyait réellement. La pensée allait plus à une tactique de pression, à une invasion partielle limitée à la région du Donbass puisque les deux républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk ont été reconnues officiellement des « républiques indépendantes » par la Russie qu'à une invasion totale qui change complètement l'équilibre géostratégique en Europe, avec des répercussions sur l'équilibre de puissance mondiale.

Aujourd'hui, la guerre fait rage en Ukraine ; l'Ukraine est sous les bombes ; malgré la forte défense de l'armée ukrainienne, l'armée russe progresse inexorablement. Des pertes qui se comptent en milliers de vies humaines et qui concernent enfants, femmes, vieillards et pas seulement les soldats, des destructions qui rappellent les avancées des armées alliées et soviétique contre l'Allemagne nazie, à la fin de la deuxième guerre mondiale. Ou encore plus proche de nous la guerre civile qui s'est internationalisée et détruit les villes syriennes. Et étrangeté de la marche du monde, ce qui était inimaginable en Europe, avec le déploiement de l'OTAN en Europe, et même si l'Ukraine n'en faisait pas partie, la promesse de son intégration aurait dû faire reculer tout adversaire, y compris la Russie. Or, ce qui est incroyable, la Russie ne l'entendait pas de cette oreille, et, faute que des exigences stratégiques adressées à l'Otan, et donc à l'Europe et aux États-Unis n'ont pas été satisfaites, la Russie n'a pas hésité et a envahi l'Ukraine. Depuis une guerre atroce se déroule en Ukraine. Et malgré l'avalanche de sanctions occidentales, la Russie poursuit son plan d'invasion, l'Ukraine est la première en ligne de mire. Cependant relevons une phrase que le président Vladimir Poutine a ajouté dans sa déclaration publique (1) : « Ces sanctions qui sont mises en place, cela s'apparente à une déclaration de la guerre », a estimé Vladimir Poutine. « Mais Dieu merci, on n'en est pas encore arrivé là », a-t-il ajouté.

On doit comprendre que dans ce « Mais Dieu merci, on n'en est pas encore arrivé là », ce qui signifie que les sanctions occidentales s'apparentant à une déclaration de guerre, la guerre pourrait s'étendre aux autres pays d'Europe. Et force de le dire, la Russie, en procédant à l'invasion de l'Ukraine, a certainement dans son plan de guerre intégré tous les cas de figure de guerre qui pourraient survenir. L'objectif de l'armée russe comme d'ailleurs est l'objectif de toute armée qui entre en guerre est de s'assurer que ses objectifs soient atteints. Et le problème avec la Russie est qu'elle est la première ou la deuxième puissance nucléaire au monde, elle détient le plus grand nombre d'ogives nucléaires dans le monde pouvant être lancées avec un système MIRV. Comme son nom l'indique, le M.I.R.V. (Multiple IndependantlytargetableRe-entry Vehicle) permet, avec un seul lanceur, de guider indépendamment l'une de l'autre vers divers objectifs ennemis une série d'ogives nucléaires qui peuvent être soit des têtes nucléaires, soit des leurres, soit combinés, destinés à attirer les engins antibalistiques ou plus simplement à saturer les défenses adverses.

Dès lors, il est clair que toutes les options de guerre ont été étudiées conjointement entre l'état-major russe, les politiques et ceux qui ont la charge de l'économie russe, et le dernier mot revient évidemment à la défense qui prend en considération le politique et l'économique. Pourquoi la défense russe ? Parce que c'est elle qui a la charge des opérations de guerre, et à elle revient la suite des événements face à la puissance de l'Otan (30 pays alliés sous un seul drapeau otanien) et la puissance américaine. Ne perdons pas de vue que l'Otan regroupe 30 pays dont 12 pays de l'Europe de l'Ouest, les États-Unis, le Canada, l'Islande, la Turquie, et 14 pays de l'Europe de l'Est (l'ex-aire soviétique), et, par conséquent, ce sont les États-Unis qui sont le vrai ressort de la force otanienne. Ce qui signifie que la Russie vise avant tout ce que sera la réponse des États-Unis sur la guerre en Ukraine et bien entendu aussi la réponse des principaux pays de l'Otan, au niveau européen, essentiellement la France et l'Allemagne.

En partant du principe que deux discours règnent sur le théâtre de guerre ukrainien ; l'Europe, par les voyages et appels téléphoniques du président français et du nouveau chancelier allemand Olaf Scholtz au président russe ; ils veulent garder le contact avec Vladimir Poutine parce qu'ils ont peur, devant l'assurance de la partie russe, que le conflit armé en Ukraine dérape et soit étendu à d'autres États limitrophes comme les pays baltes (Lituanie, l'Estonie, Lettonie), la Pologne, la Roumanie qui a frontière avec l'Ukraine. Et ces pays font partie de l'Otan. La situation de la guerre en Ukraine changera alors fondamentalement.

Les forces de l'Otan pourront-elles intervenir contre la Russie ? Ont-ils des chances de renverser l'équilibre des forces ? Parce que la guerre se passera dans les airs, sur terre et sur mer. La France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Canada voudront-ils défendre les nouveaux pays limitrophes comme la Lituanie, l'Estonie, la Lettonie, la Roumanie... ? L'Otan pour se lancer dans la guerre contre la Russie sur les pays limitrophes à l'Ukraine doit avoir le feu vert des États-Unis. Sans les États-Unis, la puissance de l'Otan ne pourra pas contrer l'armée russe.

Donc, la Russie dans son plan d'invasion a étudié en détail tous les cas de guerre qui peuvent se présenter. Il est clair qu'elle ira jusqu'à l'accomplissement de ses objectifs politiques par la voie de la guerre. Elle ne reculera pas d'autant plus qu'elle n'a pu opérer ce volte-face dans son attitude face à l'Occident que par les graves événements qui se sont déroulés depuis une décennie montrant aujourd'hui l'échec des campagnes militaires menées par les forces américaines et otaniennes au Moyen-Orient et en Asie centrale.

En Syrie, l'intervention de l'armée russe, à partir de septembre 2015, a remis en cause toute la stratégie de l'Europe et des États-Unis pour renverser le président Bachar el-Assad. De même en Afghanistan, après plus d'une décennie de guerre, la force de combat de l'Otan, l'ISAF, met un terme à sa mission, le 28 décembre 2014. Au 1er janvier 2015, une nouvelle mission de l'Otan appelée « Soutien résolu » a pris le relais pour aider et former l'armée afghane.

Même situation d'échec, la mission de l'Otan de « soutien résolu » n'est pas du tout un « soutien résolu », puisque les États-Unis et l'Otan ont vécu une humiliation à l'échelle mondiale. Le journal Le Monde du 23 août 2021 écrit :

« L'humiliation infligée à la première puissance militaire mondiale, les erreurs d'évaluation et opérationnelles commises par les Etats-Unis soulèvent une série de questions de fond sur leur rôle dans le monde.

« Débâcle » : le mot est le même en français et en anglais, et il est omniprésent dans les récits de Kaboul depuis le dimanche 15 août. « Débâcle » : « Déroute d'une armée. Débandade » (Larousse), « Grand désastre, échec total. Fiasco » (Merriam-Webster).

Rares sont ceux, en revanche, qui parlent de « défaite » à propos du retrait chaotique des Etats-Unis de l'Afghanistan, à l'issue de leur plus longue guerre ? vingt ans. A quel moment une débâcle tourne-t-elle à la défaite ? » (2)

Dans une autre analyse du même journal Le Monde, qui revient sur les événements d'Afghanistan d'août 2021, qui a pour titre « Après la débâcle en Afghanistan, l'OTAN à l'heure des doutes », on lit :

« Le retrait des troupes américaines n'a jamais été vraiment débattu entre alliés, alors que 1 100 soldats allemands, 800 britanniques et 750 italiens étaient encore présents.

Certaines relectures sont cruelles, comme celle de la longue déclaration commune des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN réunis le 14 avril, consacrée à l'Afghanistan, ce pays où l'Organisation transatlantique était présente depuis les attentats anti-américains de 2001. Il s'agissait, cette fois, d'acter le retrait des forces internationales à la suite de l'accord de Doha, signé, en février 2020, par les Etats-Unis et les talibans. [...]

Vingt années de présence continue dans le pays n'auraient donc pas permis de jauger l'état exact des forces en présence, de mesurer l'échec patent du nation building, la reconstruction d'un Etat défaillant. Ni même d'estimer la faiblesse d'une armée et d'un appareil sécuritaire formés, à coups de milliards de dollars, depuis 2015, dans le cadre de la mission Resolute Support de l'Alliance atlantique.

En juin, une semaine avant un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui devait, à Bruxelles, confirmer la décision du retrait des troupes, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'organisation, était à Washington pour rencontrer le président Joe Biden. A cette occasion, il ne formulait, semble-t-il, aucune objection au retrait envisagé, qui n'avait pourtant jamais été vraiment débattu entre alliés.

Impréparation générale

Lors d'une réunion des ministres de la Défense, en février, la délégation américaine avait en effet soutenu qu'elle n'était « pas prête » pour cette discussion, qui, finalement, n'aura jamais lieu, laissant les Européens à leurs questions, alors que 1 100 soldats allemands, 800 britanniques et 750 italiens, notamment, étaient encore présents en Afghanistan. Le mantra otanien « in together, out together » ? « tous ensemble au début, tous ensemble à la fin » ? avait, apparemment, vécu. » (3)

Bien avant cette situation lamentable vécue par les forces américaines et de l'Otan, après 20 années de guerre en Afghanistan, le président français Emmanuel Macron, dans une déclaration publique, juge l'Otan obsolète. Et cette déclaration, comme l'écrit la chaîne de télévision française d'information internationale en continu, France 24, le 8 novembre 2019, soit une année et huit mois avant la débâcle américaine et de l'Otan, en Afghanistan.

« Le président français Emmanuel Macron a dressé, jeudi, un tableau sombre de l'Otan, déplorant notamment le comportement de la Turquie en Syrie. Au passage, il a également plaidé pour une « Europe de la défense ».

Déplorant le manque de coordination entre les États-Unis et l'Europe mais aussi le comportement unilatéral de la Turquie en Syrie, le président français Emmanuel Macron a jugé l'alliance en état de « mort cérébrale » dans un entretien publié jeudi 7 novembre dans l'hebdomadaire britannique The Economist.

Un jugement qui s'explique d'abord par la méfiance croissante de la France envers les États-Unis, comme le souligne notre journaliste, Baptiste Fallevoz. Si la relation transatlantique était autrefois la force de l'Otan, les paroles et les actes de Donald Trump n'ont fait que détériorer l'alliance. Le retrait d'une grande partie des forces américaines en Syrie ont laissé le champ libre à une offensive turque contre les forces kurdes. Une décision américaine qui a été prise sans aucune coordination, souligne Emmanuel Macron. » (4)

Précisément, à la lecture des événements récents qui se sont opérés au Moyen-Orient et en Asie centrale, en 2021, on comprend pourquoi la Russie impose ses exigences à l'Occident, concernant son proche immédiat de ses frontières. Une prise de conscience du pouvoir russe dans leur nouvelle position géostratégique qui est à lier à la sécurité de leur environnement immédiat frontalier et au recul de l'Otan et de la puissance militaire des États-Unis dans des théâtres de guerre éloignés où le rapport des forces est sans commune mesure entre les armements et l'organisation dont disposent les forces de la coalition internationale (forces Otan comprises) menée par les États-Unis et ceux des forces autochtones des régions envahies qui luttent contre eux. Des décennies de guerre pour se terminer par une débâcle militaire.

Ce que l'on doit souligner sur l'échec des plans occidentaux dans leur objectif de domination, c'est que les peuples qui les ont combattus, que ce soit, dans les années 1960 et 1970, au Vietnam, ou plus récemment, en Irak, en Syrie, en Afghanistan et ailleurs, le processus est le même ; ces peuples sont aidés par les puissances adverses ; ce qui signifie que la combativité d'un peuple n'est pas la même que la combativité d'un occupant malgré le fort décalage dans les armements ; se comprend alors l'usure due aux années de guerre, l'absence de résolution du conflit armé, et ces facteurs s'éternisant dans la durée finissent par affaiblir la puissance occupante et in fine la pousser à dégager ses forces de ce théâtre de combat, à battre alors en retraite. La puissance occupante ainsi que la coalition n'enregistreront aucun gain dans cette guerre.

On comprend dès lors que tous ces facteurs ne peuvent qu'être pris en compte par l'état-major de l'armée et du pouvoir politique russe, et donc l'invasion de l'Ukraine mûrement réfléchie concerne la « situation sécuritaire immédiate aux frontières de la Russie » qui ne peut être ignorée par le pouvoir russe. Ce n'est pas comme, dans les années 1980, l'URSS avait envahi l'Afghanistan, et après pratiquement une décennie de guerre, se retirant, laissant un pays dans la désolation, un pays détruit, l'URSS a cependant enregistré un échec magistral en Afghanistan, qui l'a marqué dans son histoire.

Par conséquent, aujourd'hui, après 12 jours de guerre, et demain, 20 jours, un mois ou plus, tout laisse penser que les plans russes dans l'occupation de l'Ukraine vont se poursuivre et se réaliser. L'objectif premier est d'abord la prise de la capitale ukrainienne et des principales villes, ports ou centres de sécurité ukrainiens, qui n'est en fait que le plan initial, ou plan A.

La guerre donc va continuer jusqu'à l'atteinte de cet objectif. Cependant, pour la Russie comme pour l'Europe et les États-Unis, c'est précisément par l'occupation de Kiev que commenceront les vrais problèmes, en matière de difficultés et de dangers dans la paix en Europe de l'Est, en Europe de l'Ouest et même dans le monde. En effet, la Russie va chercher à démilitariser l'Ukraine, mais à voir les mesures prises par les pays d'Otan et les États-Unis, qui sont en train de renforcer les pays de l'Otan limitrophes à l'Ukraine, dont la Pologne, la Roumanie, les pays baltes, sur le plan des armements, tout laisse penser que la guerre en Ukraine va s'enliser. Ce que le Kremlin non seulement n'acceptera pas, mais les plans B, C... d'état-major, qui suivent le plan initial A seront certainement mis en œuvre ; pour le pouvoir russe, il lui est impossible de rééditer la guerre que l'ex-URSS avait menée en Afghanistan.

Par conséquent, tout sera entrepris par le pouvoir russe pour éviter un enlisement de son armée en Ukraine. Une telle situation affaiblirait les forces russes et pousserait le pouvoir russe à se dégager de l'Ukraine. Ce qui ne serait pas acceptable pour la Russie qui cherche à sécuriser ses frontières immédiates, ce qui passe par son exigence première la « démilitarisation » de l'Ukraine. Un pays qui ne doit pas donc être intégré à l'Otan, ce que les États-Unis et l'Otan n'acceptent pas.

Le principe poursuivi de l'Otan est qu'il est ouvert à tous les pays qui veulent se joindre. Or, si l'on croit les informations données à l'époque, la Russie de Boris Eltsine a voulu être intégrée à l'Otan, mais n'a pas reçu un avis favorable. Probablement du fait qu'en tant que première puissance nucléaire mondiale, la crainte est qu'elle remettrait en question les rapports de force et qu'elle ait la prééminence sur les États-Unis au sein de l'organisation de l'Otan.

De même, les sanctions économiques et financières ne devraient pas être insupportables ; dommageables, elles remettraient en cause le rapport des forces sur le plan interne et externe de la Russie. Certes, elles seront probablement en grande partie compensées par l'explosion du commerce avec la Chine qui, d'ailleurs par la voix du ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi, assure que l'amitié entre Pékin et Moscou est « solide comme un roc ». Comme on le lit sur Yahoo monde :

« « L'amitié entre Pékin et Moscou est « solide comme un roc » a assuré lundi le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en dépit de la condamnation internationale de l'invasion russe de l'Ukraine.

« L'amitié entre les deux peuples est solide comme un roc et les perspectives de coopération future sont immenses », a affirmé devant la presse M. Wang, précisant que la Chine était prête à participer « en cas de besoin » à une médiation internationale pour résoudre le conflit en Ukraine. » (5)

Donc si l'enlisement va commencer après l'occupation de l'Ukraine par la Russie, des combats s'ensuivront par l'infiltration de forces extérieures ainsi que les effets des sanctions occidentales dans l'international, le cours du rouble en dollar sur le marché des changes a déjà fortement chuté, la valeur de la monnaie russe a perdu 45% depuis janvier 2022, et probablement baissera encore. De même, le gouvernement ukrainien provisoire installé par la Russie ne sera pas reconnu par l'Occident, la situation politique et sécuritaire en Ukraine deviendra extrêmement instable. En clair, la paix ne reviendra pas d'autant plus qu'un pays de 40 millions d'habitants et plus de 1,5 million d'Ukrainiens ont fui la guerre pour se réfugier en Pologne, en Roumanie et dans d'autres pays d'Otan, sera difficilement gérable par le pouvoir russe tant l'opposition occidentale sera omniprésente.

Précisément, c'est cette situation qui va amener une situation encore plus grave dans la guerre en Ukraine. Et les déclarations du président russe concernant les sanctions où il énonce que « Ces sanctions qui sont mises en place, cela s'apparente à une déclaration de la guerre », a estimé Vladimir Poutine. « Mais Dieu merci, on n'en est pas encore arrivé là. » » (1) Cela signifie qu'un stade de sanctions extrêmement dommageables pour l'économie russe pouvant influer sur le cours de la guerre serait considéré comme une « déclaration de guerre » par l'Occident.

Une autre mise en garde de Moscou qui a tout son sens dans les développements de la guerre qui pourraient survenir où il est clairement énoncé :

« Alors que l'Ukraine demande aux Occidentaux des avions de chasse, la Russie a mis en garde les pays voisins de l'Ukraine qui accueilleraient des avions de combat ukrainiens, estimant que cela pourrait les impliquer dans le conflit. Une menace qui intervient au moment les Etats-Unis ont indiqué « travaillent activement » sur un accord avec la Pologne pour l'envoi d'avions de chasse à l'Ukraine. Pour autant, la Pologne n'est pas nécessairement d'accord avec la proposition américaine. [...]

« L'utilisation du réseau d'aérodromes de ces pays pour servir de base à des avions militaires ukrainiens et leur utilisation subséquente contre les forces armées russes pourraient être considérées comme une implication de ces pays dans un conflit armé », a déclaré ce dimanche le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov. [...]

« Zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine »

Les pays occidentaux refusent d'accéder à cette requête, complexe à mettre en œuvre, au motif que cela entraînerait un risque important de conflit direct avec la Russie. Vladimir Poutine a d'ailleurs souligné samedi que la Russie considérerait comme cobelligérant tout pays tentant d'imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine.

« Nous entendons qu'il serait nécessaire de mettre en place une zone d'exclusion aérienne au-dessus du territoire ukrainien. Mais il est impossible de faire cela depuis le territoire ukrainien, c'est seulement possible de le faire depuis le territoire de pays voisins », a déclaré le président russe, lors d'une rencontre avec des employées des compagnies aériennes russes.

Mais toute mesure en ce sens serait considérée par Moscou « comme une participation au conflit armé de tout pays » dont le territoire serait utilisé pour « créer une menace envers nos militaires », a-t-il ajouté. » (6)

Aussi comment peut-on se préfigurer la suite des événements dans la guerre en Ukraine qui est très incertaine compte tenu de l'impact qu'elle aurait en Europe et dans le reste du monde. Des suites de ce conflit découlera certainement un nouvel état de puissance mondial. En fait, la guerre que la Russie mène en Ukraine est une confrontation indirecte avec l'Otan, c'est-à-dire l'alliance de pays d'Europe et l'Amérique du Nord (États-Unis, Canada). Une confrontation totale au cas où la guerre s'étendrait aux autres pays d'Europe, membres de l'Otan, est totalement à exclure. La Russie comme les États-Unis, qui sont le maître du jeu nucléaire mondial, « ne sont pas suicidaires ». Ce n'est pas à cause d'un conflit armé localisé qu'ils vont provoquer une guerre nucléaire en Europe voire mondiale dont ils ne réchapperont pas.

En revanche, l'Otan ne s'avouera pas vaincu et continuera à aider l'Ukraine, en octroyant un soutien matériel et moral à la population ukrainienne, de l'étranger, essentiellement des pays qui ont des frontières avec l'Ukraine. Le pari espéré de l'Occident est que l'Ukraine, plus grand pays d'Europe de l'Est, pourrait devenir un bourbier pour la Russie. Et l'enlisement des opérations militaires et l'usure de la guerre finirait par saper le moral des troupes russes et remettrait en question tous les objectifs russes de la guerre.

Précisément, comme il s'agit dans cette guerre en Ukraine « l'avenir même de la Russie qui se joue » si elle venait à perdre la guerre, ce qui signifierait que la Russie sera encerclée par les forces de l'Otan, les pays limitrophes à la Russie n'étant que des plateformes territoriales où seraient installés tous types d'armes de guerre, des systèmes anti-missile aux vecteurs nucléaires. Il est évident que le pouvoir russe va faire bloc et refuser cette éventualité. En fait, par éventualité, on doit entendre une question de vie ou de mort pour la Russie en tant qu'une des plus grandes puissances nucléaires du monde. Ces puissances sont au nombre de trois, la Russie, les États-Unis et la Chine, qui décident de l'avenir du monde.

Dès lors, le plan de guerre élaboré par Moscou dans le plan d'invasion de l'Ukraine aura à répondre à toutes menaces qui peuvent survenir de l'extérieur et porter atteinte aux forces russes en Ukraine. La mise en garde du président russe contre tout pays dont le territoire serait utilisé pour « créer une menace envers nos militaires » aura alors tout son sens. La Russie n'hésitera pas à procéder à une riposte par des bombardements massifs sur des concentrations militaires comme représailles militaires contre un pays de l'Otan s'il est confirmé pour les Russes que ce pays menacerait les forces russes.

Dès lors, la guerre dépasserait les frontières en Ukraine. L'Otan se doit alors à réagir pour défendre le pays attaqué par la Russie. La question qui se pose : « Les membres de l'Otan le voudront-ils ? Le pourront-ils ? » La Russie est une puissance nucléaire avérée, capable de prendre les décisions les plus graves si elle venait à être obligée à les prendre. D'autre part, même avec des armements conventionnels, les forces des pays de l'Alliance atlantique pourront-ils s'opposer à la Russie par voie de terre, air et mer, avec des dizaines de milliers de morts de part et d'autre. Le conflit n'est plus comme en Irak ou en Afghanistan où les forces armées occidentales affrontaient une guérilla qui ne disposait pas de moyens lourds, ni de navires ni d'aéronefs.

Ce sera l'heure de vérité pour l'Otan d'autant plus que la menace nucléaire brandie par le président russe Vladimir Poutine a tout son sens, et probablement fait partie des plans d'invasion ? sur Yahoo, lit-on : « La mallette nucléaire est décachetée », affirme un général russe. Cela signifie que la Russie « acculée » pourrait utiliser des armes tactiques nucléaires de faible puissance de quelques kilotonnes de TNT contre des cibles de fortes concentrations de forces militaires dans les pays voisins de l'Ukraine.

Aussi, peut-on dire que si l'Otan « surréagit » et entre en guerre contre la Russie pour défendre comme c'est inscrit dans la charte de l'Alliance atlantique un de ses membres ou ses membres attaqués, il est évident que toute l'Europe serait en danger de guerre. Il est impossible pour la Russie de s'arrêter, ce sera une « question de vie et de mort » pour la Russie. Alors que pour les États-Unis, ce n'est pas une question de vie et de mort, ni pour les principales puissances européennes de l'Otan (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie).

Les grands pays de l'Otan qui ont le pouvoir décisionnel vont certainement trouver la parade et éviter un affrontement direct avec la Russie lorsque la situation commence réellement à se détériorer et la Russie répéter les mises en garde contre les pays de l'Otan concernés par leur participation indirecte dans le conflit ukrainien. Pour éviter qu'une guerre éclate avec la Russie ou qu'il laisse sans appui un pays membre de l'Otan impliqué dans le conflit ukrainien, l'Occident fera appel à un pays tiers médiateur pour mettre fin à ce conflit qui pourrait embraser l'Europe.

Le pays médiateur sera certainement la Chine, le plus en vue de mener le dialogue entre les États-Unis-pays d'Europe de l'Otan et la Russie. Et certainement une solution diplomatique va être trouvée parce qu'il n'y a pas d'alternative militaire à la guerre en Ukraine. On peut alors préjuger que ce que demande la Russie sur l'Ukraine, une « démilitarisation de l'Ukraine » sera certainement acceptée par les États-Unis, avec bien sûr un contrôle que cette démilitarisation soit effective, ce qui concernerait l'armée ukrainienne et la non-ingérence de l'Otan dans les affaires militaires ukrainiennes. La levée des sanctions occidentales contre la Russiesera aussi acceptée par l'Occident. Quant à la reconnaissance officielle de la Crimée, en tant que territoire de la Russie, et des républiques de Donetsk et de Lougansk, la voie sera ouverte à des négociations diplomatiques.

Ce qui ressort dans la médiation de la Chine, c'est qu'elle va plaider en faveur des « préoccupations légitimes de la Russie, en matière de sécurité ». Et l'Occident constatera qu'en fait élargir l'Otan jusqu'aux frontières de la Russie est contre-productif puisque, quel que soit le scénario de défense de l'Europe atlantiste contre la Russie, cet élargissement n'est pas et ne peut être viable ni fiable ; transformant ces pays en plateforme de forces de l'Otan, il ne fera qu'augmenter le risque d'une guerre qui embraserait l'Europe, dont le principal instigateur serait l'Alliance atlantique qui se targue d'être au-dessus des grandes puissances nucléaires sans qu'elle prenne conscience qu'elle pourrait au contraire provoquer une guerre nucléaire.

Aussi peut-on dire qu'après avoir évité d'exacerber la guerre en Ukraine et éviter son extension aux autres pays d'Europe, mettre fin aux souffrances du peuple ukrainien qui s'est trouvé « otage » dans les conflits entre puissances, des concessions raisonnables seront prises pour mettre fin à la guerre. Et probablement le processus de guerre et de négociations va s'accélérer pour mettre le plus rapidement, dans les mois à venir, fin à la guerre en Ukraine, et procéder à la résolution du conflit armé.

Il n'y a pas d'autres solutions. Certes l'hégémonie américaine prendrait un coup sur le plan stratégique mondial. Mais, en 2021, n'a-t-elle pas pris un coup en Afghanistan ? Elle permettrait aussi d'ouvrir les yeux aux membres européens de l'Otan sur les risques potentiels que peut faire peser l'Otan sur la paix en Europe et dans le monde. Toute grande puissance est progressivement rattrapée par d'autres puissances, et l'objectif visé, dans un monde multipolaire, à l'ère nucléaire, n'est-il pas la paix mondiale et qui doit être le souci de tous. Aussi peut-on dire qu'à la fin définitive des hostilités en Ukraine, cette guerre fera date dans l'histoire ; elle constituera un tournant majeur dans l'équilibre de puissance mondiale.

*Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective

Notes :

1. « Guerre en Ukraine : nouvelles menaces de Poutine envers l'Europe », par le quotidien français La tribune. Le 6 mars 2022

https://www.latribune.fr/economie/international/guerre-en-ukraine-nouvelles-menaces-de-poutine-envers-l-europe-905496.html#xtor=AL-13

2. « L'onde de choc géopolitique de la débâcle en Afghanistan », par le journal Le Monde. Le 23 août 2021

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/23/l-onde-de-choc-geopolitique-de-la-debacle-afghane_6092081_3232.html

3. « Après la débâcle en Afghanistan, l'OTAN à l'heure des doutes », par le journal Le Monde. Le 4 septembre 2021

https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/04/apres-la-debacle-en-afghanistan-l-otan-a-l-heure-des-doutes_6093364_3210.html

4. « Pourquoi Emmanuel Macron juge l'Otan obsolète », par France24. Le 8 novembre 2019

https://www.france24.com/fr/20191108-otan-emmanuel-macron-obsolete-turquie-syrie-etats-unis-defense-europe

5. « Guerre en Ukraine: Pékin assure que l'amitié entre la Chine et la Russie est « solide comme un roc » », par Yahoo monde. Le 7 mars 2022

https://fr.news.yahoo.com/guerre-ukraine-p%C3%A9kin-assure-lamiti%C3%A9-074150106.html

6. « Les alliés de l'Ukraine planchent sur une aide à l'armée de l'air ukrainienne : Poutine les met en garde », par la Tribune.fr. Le 6 mars 2022

https://www.latribune.fr/economie/international/les-allies-de-l-ukraine-planchent-sur-une-aide-a-l-armee-de-l-air-ukrainienne-poutine-les-met-en-garde-905532.html#xtor=AL-13