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Une histoire entre colons

par Hamid Dahmani

Jadis, l'offense se lavait dans le sang. Quand on touchait à l'honneur d'une personne, on savait à quoi on pouvait s'en tenir. Le ridicule et l'affront tuaient tragiquement au cours d'un combat engagé entre deux hommes. L'histoire nous apprend que durant l'occupation de l'Algérie, dans les années 1900, les duels aux pistolets ou à l'arme blanche (épée) pour défendre l'honneur étaient légion et très courants. On s'affrontait jusqu'à la mort pour un oui ou un non. Naguère, on ne badinait pas avec l'honneur quand on était blessé publiquement. Paul Robert, le fougueux maire de l'ex-Orléansville (Al-Asnam), est mort le 07 avril 1910, lors d'un duel sur les hauteurs d'Hussein Dey à Alger, atteint d'une balle tirée par le pistolet de son adversaire, André Houbet, directeur du journal le «Cri d'Alger», qui lui avait porté des accusations dans un article de presse dans son journal.

La genèse de cette histoire remonte au milieu de l'année de 1910, lorsque Paul Robert, grand propriétaire terrien, banquier, meunier, maire et conseiller général de la ville d'Orléansville, était candidat à la députation. Il avait été pris à partie par le propriétaire du journal le «Cri d'Alger» qui lui reprochait des actes et une conduite indécente, critiquant son ascension politique.

Corruption, magouilles et argent sale. Se sentant diffamé et offensé, le maire d'Orléansville a demandé à l'auteur de l'article de se rétracter publiquement sur ses écrits, sinon il lui lancerait un défi pour un duel à mort pour défendre son honneur. Ainsi, le 7 avril 1910, le maire Paul Robert, l'oncle paternel du lexicographe Paul Robert auteur du dictionnaire «Le Robert», était sur les lieux du duel, à Hussein Dey, en présence des témoins chargés d'assister et de diriger le combat. Une détonation, comme au Far West, s'est faite entendre, après que le directeur du combat eut prononcé les mots : «Attention, feu !». Paul Robert s'écroula mort sans avoir eu le temps de tirer. Atteint à l'abdomen, il mourra quelques heures plus tard à l'hôpital Mustapha Pacha d'Alger.

Il sera ramené par train le lendemain pour être enterré au cimetière d'Orléansville. Aujourd'hui, les duels ne sont plus d'actualité pour régler les différends et laver son honneur, par contre, le déshonneur, le ridicule et la moquerie font le plein et ne tuent plus personne «kima bekri». Seul le désespoir, le désarroi et la misère tuent aujourd'hui par le suicide des pauvres gens vivant dans la détresse. L'ambition démesurée des autres, la corruption et tous les autres vices qui vont avec, ne reculent devant rien dans le présent pour atteindre des objectifs visés, quitte à être la risée de tout le monde et même si les chiens aboient sans arrêt, la caravane passera et il n'y aura pas de duel pour laver le «Aar» (Le déshonneur).