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Longue chaîne létale

par Abdou BENABBOU

En connaissance de cause, le président Tebboune a insisté samedi qu'il était indispensable de mettre le doigt dans l'inouïe plaie qui fait barrage au développement du pays. Il a été surtout question d'investissement industriel, mais en homme très bien avisé il a une connaissance pointue, comme de nombreux Algériens d'ailleurs, de la genèse et de la profondeur du phénoménal blocage qui annihile tout effort d'avancée. L'énorme gangrène certainement était en passe de faire écrouler l'Etat lui-même en s'incrustant y compris dans les institutions pour qu'elles perdent tout leur sens n'ayant plus qu'un rôle décoratif et de faire-valoir.

Quand en effet un mandat de représentant du peuple se monnaye à coups de milliards au vu et au su de tout le monde, il n'était pas nécessaire de chercher midi à quatorze heures pour comprendre que le pays allait à la déroute. Quand en outre un chef de gouvernement chargé de gérer la destinée de la nation s'amuse à vendre des lingots d'or au marché informel, il n'était pas difficile de déduire qu'il était impossible pour la société algérienne de tourner rond. De telles phénoménales gerçures antipatriotiques avaient vite fait d'amplifier les secrets de polichinelle pour instaurer une culture de rapine généralisée au point où il n'était plus surprenant de constater qu'un wali de la République exigeait au grand jour, sans honte et sans gêne, à un investisseur de s'accommoder d'une offrande financière et conséquente pour que son dossier d'investissement soit libéré. Il devenait alors naturel que la chaîne de l'enrichissement avec barème imposé aux citoyens aille jusqu'à atteindre la cupidité du petit agent administratif.

Les soudards, petits et grands, connus ou anonymes, installés alors à tous les niveaux de l'activité économique et administrative rendaient totalement ridicule et simpliste l'idée généralement reçue de la bureaucratie car le risque d'une atomisation de l'Etat devenait assuré.

De fait, neutraliser cette chaîne létale pour le pays pour qu'il retourne aux normes nécessaires à son progrès et à un sain développement ne sera pas une œuvre facile. Mais connaissant la carrure morale du président de la République, on peut espérer que l'on en viendra à bout.