Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Réflexions sur l'assurance qualité en contexte de la formation continue en Algérie

par Lardjane Dahmane* Et Chaib Aziz **

La Formation continue (FC) est sans aucun doute l'investissement le plus sûr qui permettra d'améliorer la qualité des offres de service à la société et de rehausser le niveau des pratiques et des compétences dans tous les domaines disciplinaires et professionnels.

Pour ce faire, les organisations de formation doivent impérativement prêter une attention particulière aux impacts et retombées positives de la FC sur les pratiques des professionnels et la qualité des services offerts à la population en particulier et de la société en général d'autant que les enjeux de la compétitivité et de rentabilité socio-économique font appel à l'innovation pédagogique et technologique dans la gestion des processus qualité des FC.

De plus et quels que soient les domaines des pratiques professionnelles, la FC est au centre d'un grand débat dans les milieux universitaires, de la santé et de la formation professionnelle, car il est reconnu qu'aucun praticien ne peut prétendre exercer son métier avec les seuls acquis de sa formation initiale. Ceci est vrai pour tous les métiers et surtout dans le domaine médical et universitaire. L'exercice pratique d'un métier amène tout professionnel à constater de possibles besoins d'apprentissage complémentaire en particulier au regard de l'évolution rapide des savoirs et du développement de nouvelles techniques et compétences disciplinaires. En d'autres termes, la nécessité de compléter des apprentissages supplémentaires ne fait que débuter et être présents durant toute la carrière d'un professionnel, car ce siècle est caractérisé par un renouvellement rapide des connaissances, et il est difficile pour un professionnel de demeurer au fait des dernières données scientifiques disponibles. À cet effet, la FC est le lieu idéal pour la mise à jour des connaissances et des compétences pour favoriser le transfert des apprentissages et finalement de se tenir au fait des pratiques et techniques les plus récentes.

Par ailleurs, l'enseignement en contexte de la FC est à la base de l'amélioration des compétences professionnelles et des expertises disciplinaires centrées sur les apprenants et les apprentissages, d'autant qu'il existe une relation significative entre la qualité de l'enseignement dispensé et l'apprentissage en profondeur réalisé. Pour ce faire, chaque organisation de formation publique ou privée devrait être soumise socialement à une obligation de satisfaire les besoins pédagogiques et disciplinaires de ses apprenants et de fournir à la société des professionnels autonomes et compétents en mesure d'assurer, partout en Algérie, des offres de service de qualité. De plus, il est important de signaler que la qualité des apprentissages est la mission première de toute organisation de FC, et cela devrait être plus que jamais au cœur des préoccupations des responsables sur les plans disciplinaires, administratifs et surtout pédagogiques.

En général, la FC répond principalement à des objectifs de perfectionnement et de développement des compétences et des habiletés professionnelles requises pour assumer une ou plusieurs fonctions ou tâches. À cet effet et avant que tout professionnel s'engage en FC, il est de son droit élémentaire d'exiger de l'organisation de formation son accréditation par un organisme autonome et compétent pédagogiquement parlant, et non pas sur une simple présentation d'une autorisation administrative d'exercice comme centre formateur.

Il est également du droit élémentaire de tout apprenant en contexte de la FC de consulter les critères pédagogiques reflétant la qualité des apprentissages, des enseignements, ainsi que les compétences tant pédagogiques que disciplinaires du formateur. Il ne suffit pas au formateur d'être expert dans un domaine donné, mais également d'être doté d'expertise pédagogique pour assurer des apprentissages et des enseignements de qualité selon les normes en vigueur d'autant que les pratiques et les compétences pédagogiques ont un impact considérable sur les apprentissages.

Sans prétendre avancer qu'il existe en Algérie une grande culture de FC, cette dernière est en plein essor grâce aux multiples offres de service de FC des différentes organisations et notamment privées dans tous les champs disciplinaires. La gestion tant académique que pédagogique de cet important bassin de fournisseurs de FC pose de nombreux problèmes de reconnaissance institutionnelle et surtout pédagogique de leur programme de formation. En d'autres termes, la profusion des offres de FC donne matière à réflexion quant à la crédibilité de leur finalité pédagogique, disciplinaire et sociale. De plus, il y a également matière à réflexion quant à la qualité de conception de leurs curriculums de formation, de leurs programmes disciplinaires, la qualité des apprentissages et des enseignements et finalement de l'expertise pédagogique des formateurs. Il en est de même de l'absence d'évaluation de ces formations par un organisme autonome, compétent et doté d'expertise pédagogique reconnue en Algérie. De plus, il est important de signaler qu'aucun programme en contexte de la FC n'est reconnu, pédagogiquement parlant, ni par le ministère de l'Enseignement supérieur ni par le ministère de la Santé. À cet effet, il y a un vaste champ de réflexion pour discerner et décortiquer tous ces aspects suscités, et surtout pédagogiques de toutes les offres de FC dans notre pays.

De plus et pour la finalité de chaque session de FC, une attestation est délivrée par l'organisation de formation reconnaissant au titulaire un niveau de capacité ou de compétence, mais sans évaluation des apprentissages. Dans notre contexte professionnel et socioculturel en Algérie, une attestation de formation atteste la présence et la participation passive à une action de formation sans évaluation des apprentissages. En d'autres termes, une attestation de formation ne prouve en rien la qualité et la profondeur des apprentissages. Ces FC sont le plus souvent à titre informationnel, unidirectionnel et à sens unique sur le plan des enseignements. L'impact sur le transfert des apprentissages est souvent limité d'autant que les activités d'apprentissage sont souvent absentes. En général, une attestation de FC s'étale sur une à deux à trois journées et totalise en moyenne 6 - 18 heures de formation en présentiel.

Les attestations de FC font rarement partie d'un programme d'apprentissage qui soit cohérent, c'est-à-dire, qui réponde aux exigences d'une planification méthodique et pédagogique des enseignements, des apprentissages et surtout, qui « contextualise » adéquatement les FC en tenant compte des particularités des apprentissages de chaque discipline et domaine professionnel. À cet effet, les connaissances acquises par les professionnels lors de ces formations courtes se traduisent difficilement sur le terrain par la transformation des attitudes, des habiletés techniques et des pratiques professionnelles.

Par ailleurs, un certificat en contexte de la FC comptabilise en moyenne plus de 140 heures d'apprentissage étalé sur une période suffisante pour s'assurer de la qualité et de la profondeur des apprentissages, et du transfert des acquis ou des connaissances dans la réalité pratique ou professionnelle. De plus, un certificat de formation est parachevé par des évaluations formatives des apprentissages avec rétroaction selon les normes en vigueur. En d'autres termes, un certificat de formation certifie que l'apprentissage est de qualité et doté d'un programme selon une approche par compétence, des buts de formation claire, des objectifs d'apprentissage précis, des critères d'évaluation cohérents, d'une note finale ainsi qu'une lettre de suivi des apprentissages pour chaque apprenant. Finalement, un certificat peut faire partie d'un curriculum ou programme de formation à l'exemple des universités de l'Amérique du Nord.

En l'absence d'un organisme autonome et compétent pour l'évaluation pédagogique des programmes de FC en Algérie, les organisations et fournisseurs de formations sont confrontés à la reconnaissance académique et pédagogique de leur programme de formation. De plus, il existe un vide juridique pour la reconnaissance de ces formations au ministère de la Santé et au MESRS, et voire même l'absence ou l'indisponibilité des ressources humaines compétentes pour l'évaluation pédagogique des programmes en contexte de la FC. Pour ce faire, certains organismes de formation algériens se sont orientés vers des institutions européennes et canadiennes pour faire reconnaître et faire valoir leur programme de formation selon les normes pédagogiques en vigueur.

Selon l'AQFC (Assurance qualité formation continue), chaque programme de FC est reconnu, accrédité et validé compte tenu du respect de sept critères de qualité pédagogique et administrative. Il est exigé des organismes fournisseurs de FC de respecter les normes qualité afin d'être autorisé à émettre des crédits de formation continue (CFC). Cet organisme autonome définit CFC comme dix heures de participation à une activité de formation structurée, organisée et dirigée par une organisation accréditée, animée par des formateurs compétents et sanctionnés par une évaluation des apprentissages.

Il est important à ce que le MESRS et le ministère de la Santé comblent le vide juridique pour reconnaître et promouvoir un organisme autonome ou privé pour la reconnaissance académique et pédagogique des programmes disciplinaires, car promouvoir la culture de la FC est à la base du développement des compétences dans tous les activités et domaines scientifiques et professionnels. Il est également important pour le MESRS et le ministère de la Santé d'encourager les organismes privés fournisseurs des services de FC de se conformer aux normes et aux critères pédagogiques en vigueur selon AQFC. En d'autres termes, les processus qualité représentent le facteur essentiel à l'émergence d'une culture de FC en Algérie, mais aussi de l'émergence d'une société plus dynamique et prospère sur le plan socio-économique.

Ainsi, les stratégies pour valoriser et promouvoir la démarche d'assurance qualité en contexte de la formation continue sont nombreuses, et nous espérons que les pouvoirs publics, les ministères de l'Enseignement supérieur (MESRS) et de la Santé manifestent un écho favorable et qu'ils soient sensibles aux enjeux des mutations de la FC dans notre pays.

Finalement, on ne rappellera jamais assez que l'amateurisme dans la gestion pédagogique des FC doit cesser pour donner la chance aux ressources humaines compétentes de faire valoir leur savoir-faire et savoir agir dans le domaine de la gestion de FC. La notion de certification des organisations de formation à l'assurance qualité doit être soutenue et promue comme outil de gestion des formations tant sur le plan pédagogique que sur le plan administratif.

* Conseiller et concepteur pédagogiques -

** Consultant en gestion de formation