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Une contrainte de loi

par Abdelkrim Zerzouri

Y a-t-il vraiment une relation intime entre patriotisme et paiement des impôts ? Pour le Premier ministre, c'est une évidence que les conclusions dans l'esprit des deux définitions de ces mots soient indissociables. «Le patriotisme commence par le paiement des impôts et la contribution à l'effort national de développement », avait-il souligné en réponse aux préoccupations des députés, concernant le financement du déficit budgétaire de l'exercice 2022, lors des récents débats sur le projet de loi de finances (PLF) 2022. Si le patriotisme se définit comme l'attachement sentimental à sa patrie, qui se traduit par une volonté de la défendre et de la promouvoir, le paiement des impôts en est une manifestation certaine de cette volonté. Mais on se tromperait lourdement si on ne devait compter que sur le patriotisme ou titiller sa fibre sensible pour que commerçants, opérateurs économiques et toute entreprise ou personne exerçant des activités qui génèrent des bénéfices financiers, se ruent sur les guichets des directions des impôts. Comme on ne peut rien jurer à propos du patriotisme des salariés, qui paient eux à la source leurs impôts. D'ailleurs, il existe bien des opérateurs économiques et des salariés étrangers qui paient leurs impôts sans aucun brin de patriotisme.

Le Premier ministre a-t-il voulu à travers cette flèche toucher ces Algériens qui baignent dans la fraude fiscale, et qui n'ont de ce fait aucun sens du patriotisme ? C'est possible, mais au-delà de cette réalité, le paiement des impôts reste une contrainte de loi et un devoir citoyen. Le paiement des impôts, donc, n'a rien de sentimental. Où chercher, alors, l'argent pour combler le déficit budgétaire estimé à 4.175,2 milliards de dinars, prévu dans le projet de la LF 2022 ? L'Algérie a toujours misé sur la fiscalité pétrolière, les recouvrements auprès de quelques sociétés publiques et privées, et les retenues à la source opérées sur les fiches de paie des salariés pour soutenir les recettes des impôts. Et les dispositions techniques, telles les mesures qui visent à élargir l'assiette fiscale, ou la lutte contre la corruption et la bureaucratie, ne peuvent avoir l'effet escompté sans aller vers la mise en œuvre de moyens plus innovants et plus efficaces, surtout.

La création d'organes de contrôle spécialisés serait indispensable dans cette situation où la fraude fiscale est largement répandue sans ses effets logiques en matière de poursuites judiciaires, ou d'affaires traitées par les tribunaux sous le grief en question, ne soient autant perceptibles. C'est à ce niveau qu'on doit parler de patriotisme des éléments à placer dans ces organes de contrôle, qui doivent avoir le sens de la défense et la promotion des seuls intérêts de la patrie. Aux Etats-Unis, les contribuables qui cherchent délibérément à échapper à l'impôt ont plus peur d'un inspecteur du fisc que d'un policier du Fédéral bureau of investigation (FBI). Un Etat fort, c'est celui qui ne laisse échapper aucun sou imposable.