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Un pied à terre et dos au mur

par El-Houari Dilmi

L'Algérie s'apprête à fêter le 67èmeanniversaire de la glorieuse guerre de libération nationale, en cette année sur le point de rendre l'âme. Mais il faut dire que les Algériens auront passé une année bien éprouvante. Même si l'espoir est permis d'entamer le nouvel an du bon pied dans un pays antichoc, protégé par un peuple-bouclier, les contours généraux de l'Algérie nouvelle ne sont pas encore bien dessinés. Pour beaucoup d'entre nous, l'on continue, encore et toujours, à s'interroger s'il faut continuer à se nourrir pour vivre ou simplement vivre pour boustifailler en circuit fermé, la bouche béante, en attendant le dernier voyage de la vie éphémère vers le monde immortel du trépas.

Parce qu'à regarder de près l'avancée triomphante de l'almanach algéro-algérien, il y a au moins une bonne raison de penser à recréer le monde sans nous. Parce qu'objectivement, le pays ne peut reprendre des couleurs, tant qu'il reste trop à l'étroit dans le costume étroit de ses propres contradictions.

Mais au-delà du réveil bougrement beau mais surtout trop brutal du «gène» patriotique (longtemps mis en berne !) de plusieurs générations d'Algériens post-novembristes, faudrait-il, encore une fois, se résoudre à croire que seuls les jeunes de ce pays pourraient réussir, là où des fournées entières de politiciens ont fait un flop affligeant ? Parti des aurores novembristes, un pied à terre et le dos au mur, le pays de l'Emir Abdelkader s'imposa un arrêt d'urgence forcé, jusqu'à ce que des mains invisibles l'enfoncèrent dans le gigantesque atelier de tous les rafistolages.

Arriva le jour où le pays se fatigua et aménagea son emploi du temps à sa guise, faisant de son semi-week-end, de ses fêtes nationales, des jours fériés puis des jours sans, la sève (sur) vitale d'un calendrier sans temps ni âge. Et parce que justement il est connu et reconnu que l'âge opère des ravages là où le temps demeure indécis, l'Algérie s'est retrouvée à se reposer six mois par an, prendre congé en triple détente trois mois par an, faire la fête en petit, moyen et grand format quatre semaines par mois, et travailler une demi-journée tous les deux lustres, pour boucler la boucle avec un demi-congé national, dès l'arrivée du mois de toutes les agapes. Au point que sur la tombe de chaque Algérien fatigué de vivre, une main à sept doigts fera graver en lettres dorées : « Ici repose Larbi Ben Untel qui s'est reposé toute sa vie...».