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Incertitudes sur le projet Peugeot

par Houari Saaïdia

Une comparaison inconvenante, venue quelque part de l'assistance, a provoqué une forte riposte du haut de la tribune. Bien mal lui en a pris cet investisseur qui a cru bien dire de vanter le cas de «Casa» en le suggérant comme exemple d'inspiration pour les ZI algériennes. De quoi stimuler la fibre nationaliste du wali. Mais pas seulement.

«Je te coupe, tu as choisi un bien mauvais exemple», l'a interrompu le représentant le l'Etat et délégué du gouvernement, Saïd Sayoud. «Il n'y a pas matière à comparaison. On ne fait pas d'analogie, sous quelque angle que ce soit, entre deux systèmes qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Le pays auquel tu fais référence n'est pas souverain, y compris dans sa politique économique. On sait qui investit en quoi chez eux. C'est un domaine réservé à peu de frais pour ceux qui portent un couvre-chef sur leurs têtes (dans une double allusion aux lobbys de l'entité sioniste et autres businessmen de certains pays du Golfe). Nous, en revanche, nous sommes un Etat souverain, qui n'agit que selon sa propre volonté. Celle du peuple. Les Algériens ont tous le droit d'investir en leur pays, qui leur accorde des avantages préférentiels. Vous, investisseurs ici présents, en êtes un bel exemple. Je ne dis pas que tout va bien, que ça marche comme sur des roulettes. Loin de là. Les problèmes, il y'en a à foison.

LA MISE AU POINT DU REPRESENTANT DE L'ETAT

C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on est là. Mais il y a, croyez-en moi, une vraie, saine et sincère volonté politique au sommet de la hiérarchie de l'Etat pour relancer l'économie nationale et faire décoller l'investissement, dont vous êtes le moteur propulseur. Pour le reste, on peut se chamailler, se télescoper, s'entredéchirer... Nous, au moins, on n'est pas soumis et asservi, mais libre, indépendant et fier de notre algérianité. Ceci dit, encore une fois, ne comparez pas l'incomparable». Cette remarque à double usage (une mise au point et un message en interne et en externe, à la fois) étant dite, le chef d'exécutif local a aussitôt relancé l'échange interactif axé sur «les problèmes rencontrés par les investisseurs». Mais un peu plus loin, M. Sayoud a dû ouvrir une autre parenthèse pour les besoins d'une autre précision, à consonance politique celle-là encore. Répliquant à un opérateur économique domicilié à la nouvelle zone d'activités (ZA) de Tafraoui qui au cours de son propos a évoqué, en guise de point de repère, la future usine de Peugeot, le wali lui a rectifié : «Peugeot ? Rien n'est encore fait. Projet d'usine de montage automobile Peugeot à Oran, dites-vous ? Rien n'est moins sûr...». Ce à quoi le même investisseur local a répondu : «Oui, il y a bien à Tafraoui un grand terrain de 120 hectares affecté à ce projet et qui a été délimité, aménagé et relié par une servitude...». Mais le wali, à l'évidence bien au fait sur ce dossier qui de plus touche à son territoire, a insisté en hochant la tête de gauche à droite : «Rien n'est sûr, je sais de quoi je parle... Suez est partie, Total est partie, Peugeot pourrait les suivre».

USINE PEUGEOT : «RIEN N'EST ENCORE SUR»

Il est vrai que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis l'interview donnée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, au magazine français «Le Point», le 3 juin dernier, où il avait évoqué l'avenir du projet de «Peugeot Citroën Production Algérie», en affirmant que «c'est un dossier en cours de maturation. Le mérite de Peugeot, c'est de ne pas avoir accepté de verser de pot-de-vin. Et pour cette raison, nous avons beaucoup de respect pour ce partenaire». Il s'est passé beaucoup de choses depuis. L'Algérie qui a, début octobre, rappelé pour consultations son ambassadeur à Paris suite aux propos d'Emmanuel Macron, portant atteinte à l'histoire et aux institutions de l'Etat algérien en les qualifiant d'«ingérence inadmissible» dans ses affaires intérieures, exige aujourd'hui «le respect total de l'Etat algérien» comme condition pour le retour de son ambassadeur à Paris. Forcément, cette crise diplomatique entre Alger et Paris, provoquée par les déclarations inamicales et irresponsables du locataire de l'Elysée qui, ce faisant, aura mis le feu aux poudres, ne pouvait qu'avoir de graves répercussions sur le partenariat économique entre les deux pays. Et c'est incontestablement Paris qui est le grand -voire le seul- perdant dans cette histoire. Soit dit en passant, le wali d'Oran a pris acte de nombreuses réclamations d'investisseurs dont le point commun était les carences déplorées au niveau des ZI et des ZA en matière de réseaux d'alimentation en eau, gaz et électricité mais aussi d'internet. En somme, il s'agit d'une question de défaut de VRD (voies et réseaux divers) et de réseaux d'amener.

LES HYPERSTRUCTURES «ZI» et «ZA» : UN CASSE-TETE

Tous les sites seront visités et un «plan de mise à niveau» sera mis au point pour remédier à cet état de fait, qui sera exécuté de «manière progressive» et par «ordre de priorités», a indiqué en substance le wali, qui n'a pas exclu le recours à «un montage financier Etat-opérateurs pour certaines opérations». «Notre problème, c'est d'avoir mis en place de grandes zones industrielles de 400, 500 hectares et plus. Généralement, tout ce qui est trop grand est problématique. Nous n'avons ni les moyens ni les instruments de gestion pour de telles hyperstructures». Pour M. Sayoud, et cela est envisagé par le gouvernement, «il est plus pratique et plus rationnel d'aller vers de petites/moyennes plateformes industrielles». Solution qui a été, en tout cas, conçue et sera concrétisée à court terme pour les micro-entreprises version ANSEJ-ANGEM. L'Algérie dispose d'atouts attractifs, voire des facteurs clés pour l'émergence rapide, lui permettant d'attirer le maximum d'investisseurs algériens et étrangers. Notamment, sa situation géographique stratégique, la disponibilité de la main-d'œuvre et des ressources énergétiques à moindre coût. Néanmoins, l'émergence économique de l'Algérie traîne toujours et les causes sont multiples. L'une des solutions très pratiques : les petits/moyens sites industriels clés en main. Une alternative qui permet de raccourcir les délais, d'anticiper les procédures administratives, d'optimiser les coûts et ainsi offrir aux investisseurs une disponibilité immédiate pour produire. Et tous ces avantages qu'offrent ces petites ZI permettent en conséquence de réaliser des gains de productivité. À savoir, réaliser des valeurs ajoutées permettant aux opérateurs économiques d'optimiser, de moderniser et de pérenniser leurs investissements.

LOI SUR L'INVESTISSEMENT : UN TEXTE TRES ATTENDU

Cette solution permettra aux promoteurs économiques nationaux et étrangers d'avoir accès aux sites industriels aménagés et dotés de toutes les commodités, répondant aux normes internationales. La réalité est là, le modèle économique prôné par l'Algérie depuis l'indépendance est obsolète en termes de coûts d'investissement et de délais de réalisation. L'investisseur est obligé d'établir une étude technico-économique, puis la déposer auprès de l'ex-Calpiref qui décide après délais de lui attribuer ou pas un terrain. C'est-à-dire que la problématique du foncier industriel constitue le nerf de tout investissement. Et, pour cela, il doit attendre une ou plusieurs années pour avoir l'autorisation. Ces lenteurs font que les délais de réalisation, initialement accordés, se trouvent consommés. En conséquence, pas mal de projets ne trouvent pas concrétisation à cause de cette politique dévastatrice qui n'a jamais donné impotence au temps. Un système d'investissement obsolète qui impose d'établir des études, attendre les décisions puis construire les hangars. Alors, il faut renverser l'équation pour rationaliser les délais et les coûts de réalisation. De ce fait, l'intervention du gouvernement actuel étant plus qu'impérative pour débloquer cette situation. Mais pour ce faire, nécessité oblige : il faut revoir toute la législation inhérente à l'acte d'investir. Et c'est là toute la finalité du projet de loi relative à l'investissement qui devra être très prochainement adopté.