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Croissance factice

par Abdelkrim Zerzouri

Fini les inquiétudes pour la croissance économique en Algérie ? La tendance haussière du marché pétrolier, avec un baril qui frôle les 85 dollars, qui va se maintenir durant le troisième trimestre de l'année en cours et se prolonger jusqu'en 2022, à cause d'une demande grandissante provoquée par la reprise économique mondiale, ainsi que la hausse des prix du gaz et du charbon, oblige à une révision des estimations prévisionnelles de la croissance économique en Algérie. Le Fonds monétaire international (FMI) a déjà reformulé son bilan, jugé à l'aune de cette nouvelle donnée, en considérant l'avenir un peu plus radieux dans le sillage de cette hausse du prix du baril.

De 2,9%, la croissance a été portée à 3,4%, accompagnée d'une baisse du déficit de la balance du compte courant (-5,5% pour 2022, soit très loin des 12,7% de 2020). Mais tout n'est pas rose pour le FMI, qui garde les inquiétudes intactes concernant le taux de chômage, qui devrait continuer à augmenter à la fin 2021 et 2022 pour atteindre respectivement 14,1 et 14,7%. Une inquiétude que le gouvernement compte atténuer avec le lancement de l'allocation chômage en 2022, qui viendrait remplacer l'emploi précaire, ou les contrats préemplois à l'arrêt depuis quelques années, très complexes à gérer dans le temps, en attendant des jours meilleurs en matière de création d'emplois, qu'on ne peut espérer qu'avec la relance de l'investissement, et du temps pour voir les projets se concrétiser et atteindre le stade de la production. Mais faut-il se fier, les yeux fermés, à cette hausse du prix du baril ? C'est un marché imprévisible.

Même si tout plaide aujourd'hui pour une hausse des prix du pétrole sur le moyen terme, à l'image de l'accentuation de la demande avec la reprise de croissance économique mondiale, et l'explosion des prix du gaz et du charbon, les prévisions restent très prudentes. Tout peut changer d'un jour à l'autre selon des paramètres absolument imprévisibles, comme les guerres, les changements climatiques ou l'arrivée sur le marché du pétrole iranien si on arrivait à un accord sur le nucléaire iranien.

L'inquiétude réelle pour l'Algérie, donc, c'est de dépendre encore des hydrocarbures, des paris sur le prix du baril, pour se projeter dans l'avenir. En témoigne ce changement des chiffres du FMI concernant la croissance économique en Algérie dans un laps de temps très court. Logiquement, cela n'exclut pas un changement rapide du bilan vers le pire dans le cas où le baril plonge.

Le FMI ne croit-il pas en la capacité de l'Algérie de diversifier son économie ? Dans un dernier communiqué sanctionnant les travaux de sa mission en Algérie, le FMI avait salué les efforts des autorités pour réduire les restrictions à l'investissement direct étranger et leurs plans de modernisation du cadre juridique de l'investissement et de la concurrence, ce qui contribuerait à diversifier l'économie et réduire sa dépendance aux hydrocarbures et à favoriser l'investissement du secteur privé et la création d'emplois. Les efforts engagés dans le cadre de la diversification de l'économie sont clairement reconnus par le FMI, mais c'est comme si on ne croit pas à leur souffle long.

A cause, peut-être, des lenteurs sur cette voie. Le défi pour l'Algérie, c'est d'aller, donc, avec plus de détermination et de rapidité vers ces réformes économiques qui réduiraient sa dépendance aux hydrocarbures. Au-delà de cette vérité, toute croissance ne serait que factice.