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Santé: Les dépenses de soins jugées trop élevées

par M. Aziza

Le citoyen algérien paye des dépenses des soins directes à hauteur de 97%. Des dépenses liées aux actes médicaux, aux analyses et autres prestations de santé qui ne sont couverts ni par les services

de la Sécurité sociale, ni par les assurances publiques ou privée ou les mutuelles.

Pourtant, la contribution globale des ménages aux dépenses de santé, ne doivent pas dépasser les 10%, selon les recommandations de l'OMS. Il est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de pays qui ont atteint cet objectif, selon le professeur Ahcene Zehnati, expert en économie de santé et directeur de recherche au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD). Mais, dit-il, si les dépenses ou la contribution des ménages dépasse les 40 %, là il y a un vrai problème et un grand risque d'appauvrissement, les citoyens dans ce cas vont peut-être renoncer aux soins, ou ils peuvent renoncer à la scolarité des enfants ou encore réduire considérablement les dépenses en habillement et en produits alimentaires. Lors d'une session de formation autour de «l'accès aux thérapies innovantes en Algérie : Etats des lieux et recommandations » organisée par les laboratoires Roche, au profit des journalistes, lundi dernier, le Pr Zehnati a présenté quelques données de cadrage sur le financement de la santé en Algérie.

Il a précisé, lors de son intervention, que le budget global alloué, en 2020, au secteur de la Santé s'élevait à 410 milliards de Da, soit le quatrième budget après la Défense nationale, l'Education et les Collectivités locales. Selon l'intervenant, certains pays consacrent moins de ressources et réalisent de meilleurs résultats sanitaires que notre pays. Il a été précisé que le financement des dépenses de santé est assuré par trois agents à savoir : l'Etat, la Sécurité sociale, et les ménages.

En 2018, la part de chaque agent était respectivement de 39,6%, 26,3%, et 34,1%. Le Pr Zehnati a précisé que depuis une décennie, la contribution des ménages dépasse celle de la Sécurité sociale, alors que la part des ménages ne dépassait pas 20% à la fin des années 80. Ces chiffres précise-t-il, « nous interpellent encore une fois sur la réalité du principe de la gratuité des soins et le statut de la santé en tant qu'un bien collectif ».

Les autorités du pays consacrent, par ailleurs, des ressources importantes dans le traitement et la prévention contre les cancers. Selon l'ex-ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, un budget de 63 milliards de Da est alloué aux établissements de santé, pour l'acquisition des médicaments destinés au traitement du cancer, soit un taux de 59% du coût des acquisitions de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) en 2018, mais en dépit de cette enveloppe financière, la prise en charge des malades atteints du cancer n'est toujours pas à la hauteur des dépenses, ni des objectifs. Evoquant l'incidence financière des cancers, le Pr Zehnati, a affirmé que l'évaluation des pertes de production dues aux cancers est un exercice dans le contexte algérien caractérisé par un système d'information statistique et sanitaire assez fruste.

Et d'affirmer que selon une étude faite par lui-même en 2021, le cancer a généré des pertes de production au niveau des entreprises (arrêt de travail de 3 mois), de 16,1 millions de dollars en 2018. Sans parler du taux de mortalité élevé pour certains cancers en Algérie.

L'assurance maladie complémentaire doit avoir sa place

Le Pr Zehnati recommande l'accès aux thérapies innovantes qui réduisent les coûts d'hospitalisation, et les pertes financière dues aux arrêts de travail, notamment pour certaines maladies.

Il a tenu a préciser que selon une étude menée par IQVIA, en 2018, dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord et Turquie, et selon des données confirmées en Algérie, sur 78 traitements innovants couvrant différentes maladies, 33% seulement des produits sélectionnés sont disponibles en Algérie.

En ce qui concerne le lancement des produits après enregistrement, l'Algérie a les plus longs délais. En précisant que parmi les 16 innovations thérapeutiques dans la prise en charge du cancer du sein, seules 8 sont enregistrées en Algérie et seulement 4 sont disponibles. Les spécialistes recommandent le déblocage du financement des thérapies innovantes et d'autres traitements, à travers une loi contribuant à la prise en charge des patients dans le secteur privé. Avec notamment la contractualisation de la prise ne charge des cancers entre les organismes de la Sécurité sociale (CNAS, CASNOS) et les cliniques privées. Encourager la population algérienne à recourir à des assurances complémentaires privées pouvant couvrir la prise en charge de certaines maladies dites lourdes, tels que les cancers. La révision en urgence de la nomenclature et surtout une nouvelle tarification des actes médicaux de tous types. Il faut parallèlement, trouver des mécanismes innovants pour financer le système de santé, notamment en matière de taxes.