Dans
son programme d'action adopté, jeudi dernier, à la majorité par les membres de
l'Assemblée populaire nationale (APN), le gouvernement n'a que brièvement
évoqué la réforme du système d'aide sociale.
Tout
au plus, le Premier ministre révèle dans ses réponses aux préoccupations des
députés que la réforme du système de subvention sociale se fera «en passant au
virement au profit des familles nécessiteuses qui bénéficieront d'un revenu
supplémentaire comme indemnisation de la hausse des prix». Ce n'est pas la plus
brûlante des difficultés que devrait rencontrer cette réforme, mais on sait au
moins ce que sera le mode opératoire de la compensation des catégories
démunies. Ni politique des bons alimentaires ni chèques bancaires, donc, car
selon le Premier ministre, les concernés bénéficieront d'un virement direct
d'une somme d'argent, qui reste à déterminer, dans leurs comptes ccp. L'argent
en question devrait compenser la hausse des prix des produits jusque-là
subventionnés et qui seront libérés après coup. Cela est porté par l'un des
cinq axes inscrit dans le programme d'action du gouvernement, en l'occurrence «
le développement humain et une politique sociale renforcée », qui se présente
comme un grand défi. Car, si on sait quelle forme prendrait la réforme de
l'aide sociale, plusieurs autres paramètres restent à déterminer. La levée des
subventions étatiques touchera quels produits en premier lieu, si l'on convient
d'aller progressivement à la réalité des prix ? Et, il y a également
l'inénarrable carte nationale des démunis, véritable base permettant le ciblage
des catégories sociales à protéger, qui fait figure de boussole de cette
réforme de l'aide sociale, et qui reste encore et toujours à établir. Ou
choisirait-on d'y aller à l'aveuglette dans cette direction, et corriger au fur
et à mesure les défaillances, du moment que cette carte sera sujette à
changements fréquents, avec des retraits et des rajouts pour actualiser cette
liste, selon la déclaration de nouveaux nécessiteux et l'élimination de ceux
qui quitteront cette zone après avoir décroché un emploi conséquemment rémunéré
? De nombreuses questions restent, ainsi, sans réponse, sur ce registre. Dans
ce sens, le Premier ministre s'est engagé devant les représentants du peuple à
leur communiquer « ultérieurement » tous les aspects techniques liés au ciblage
des familles concernées par les virements. Un «ultérieur » qui dénote d'une
politique pas bien affinée ? Et, pour parler pleinement et justement d'une
justice sociale, il ne faut pas ignorer que les subventions aux prix des
produits de première nécessité ne profitent pas uniquement aux nécessiteux, car
il y a la classe aisée, qui pourrait encaisser le coup de la réforme sociale,
et une classe moyenne, qui tient la forme grâce à cette aide étatique, et qui
s'en sortirait très mal dans le cas où l'Etat lèverait son soutien. Pour
libérer les prix faut-il songer concomitamment à lever la chape de plomb qui
pèse sur les salaires ?