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Une réforme délicate

par Abdelkrim Zerzouri

Dans son programme d'action adopté, jeudi dernier, à la majorité par les membres de l'Assemblée populaire nationale (APN), le gouvernement n'a que brièvement évoqué la réforme du système d'aide sociale.

Tout au plus, le Premier ministre révèle dans ses réponses aux préoccupations des députés que la réforme du système de subvention sociale se fera «en passant au virement au profit des familles nécessiteuses qui bénéficieront d'un revenu supplémentaire comme indemnisation de la hausse des prix». Ce n'est pas la plus brûlante des difficultés que devrait rencontrer cette réforme, mais on sait au moins ce que sera le mode opératoire de la compensation des catégories démunies. Ni politique des bons alimentaires ni chèques bancaires, donc, car selon le Premier ministre, les concernés bénéficieront d'un virement direct d'une somme d'argent, qui reste à déterminer, dans leurs comptes ccp. L'argent en question devrait compenser la hausse des prix des produits jusque-là subventionnés et qui seront libérés après coup. Cela est porté par l'un des cinq axes inscrit dans le programme d'action du gouvernement, en l'occurrence « le développement humain et une politique sociale renforcée », qui se présente comme un grand défi. Car, si on sait quelle forme prendrait la réforme de l'aide sociale, plusieurs autres paramètres restent à déterminer. La levée des subventions étatiques touchera quels produits en premier lieu, si l'on convient d'aller progressivement à la réalité des prix ? Et, il y a également l'inénarrable carte nationale des démunis, véritable base permettant le ciblage des catégories sociales à protéger, qui fait figure de boussole de cette réforme de l'aide sociale, et qui reste encore et toujours à établir. Ou choisirait-on d'y aller à l'aveuglette dans cette direction, et corriger au fur et à mesure les défaillances, du moment que cette carte sera sujette à changements fréquents, avec des retraits et des rajouts pour actualiser cette liste, selon la déclaration de nouveaux nécessiteux et l'élimination de ceux qui quitteront cette zone après avoir décroché un emploi conséquemment rémunéré ? De nombreuses questions restent, ainsi, sans réponse, sur ce registre. Dans ce sens, le Premier ministre s'est engagé devant les représentants du peuple à leur communiquer « ultérieurement » tous les aspects techniques liés au ciblage des familles concernées par les virements. Un «ultérieur » qui dénote d'une politique pas bien affinée ? Et, pour parler pleinement et justement d'une justice sociale, il ne faut pas ignorer que les subventions aux prix des produits de première nécessité ne profitent pas uniquement aux nécessiteux, car il y a la classe aisée, qui pourrait encaisser le coup de la réforme sociale, et une classe moyenne, qui tient la forme grâce à cette aide étatique, et qui s'en sortirait très mal dans le cas où l'Etat lèverait son soutien. Pour libérer les prix faut-il songer concomitamment à lever la chape de plomb qui pèse sur les salaires ?