Si on
considère bien l'histoire de notre pays, on remarquera facilement que par-delà
le Printemps Berbère de 1980, les événements d'Octobre 1988, ont remis tout en
cause : le fragile équilibre maintenu à coups des pétrodollars explosa, faisant
revenir en surface toutes les anomalies qui ont sédimenté depuis l'indépendance
et qui, pour une grande partie, sont héritées du colonialisme. Il y a d'abord,
la tare rédhibitoire de l'inexistence d'un projet de société. Celle-ci était
ballottée entre deux «para-projets», si j'ose dire, à la fois antinomiques et
contradictoires. L'un arrimé à l'Occident avec le miroir aux alouettes d'une
démocratie à géométrie variable, l'autre à l'Orient, submergé par son passé
«arabe» glorieux, mythique, avec ses épopées qui donnent plutôt envie de dormir
que de rêver.
Or, les
Algériens n'ont demandé qu'à être des Algériens à part entière, avec leur
histoire spécifique, leur culture à eux, leurs langues à eux, leurs coutumes à
eux, leurs traditions à eux. Ils n'ont voulu ni ne veulent être ni orientaux ni
occidentaux, ni Italiens, ni Français, ni Saoudiens, ni Libanais ni autres. Ils
veulent seulement être ce qu'ils sont, dans leur diversité culturelle,
linguistique, religieuse. Pourquoi notre pays a-t-il
échoué de décoller ? La réponse est toute simple : parce qu'il a tenté de
plaire aux autres sans qu'il ne se plaise à lui-même. Parce qu'il n'a pas
construit ni planifié un projet de société moderne, pragmatique, consensuel.
Lorsque je parle, personnellement, à un étranger, qu'il soit Africain,
Européen, Asiatique, Américain de mon pays, je lui précise avant tout que je
suis Algérien, issu du corps de l'Afrique, culturellement «multiple» dont la
racine est berbère. Je me définis tel que je suis, sans nier toutes mes
diverses appartenances civilisationnelles qui m'ont enrichi et m'enrichissent
davantage au fil du temps. Et voilà tout !