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Acheter la rumeur et vendre la nouvelle !

par El-Houari Dilmi

Paris, via le Quai d'Orsay, a trouvé le moyen de réagir au retrait de l'accréditation à la Chaîne d'information française ?France 24' par les autorités algériennes : «La France défend la liberté d'expression et la liberté de la presse, en Algérie comme partout dans le monde. La liberté d'informer est un droit fondamental, qui doit partout être protégé et auquel la France est profondément attachée», a déclaré, sans sourciller, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Mais cela ne dédouane en rien notre pays et ses errements persistants en matière de communication, au niveau institutionnel surtout. Qui croit devoir fermer les yeux sur quelque chose se voit bientôt forcé de les fermer sur tout», disait je ne sais quelle caboche bien née. Parce qu'ici, comme partout ailleurs, il est connu que les potins peuvent faire partie des néo-techniques d'influence - dans le cadre de la stratégie de diversion et/ou de propagande - travaillées dans des officines sans lumière du jour. Parce qu'aussi, l'histoire de la communication est aussi ancienne que celle de l'humanité, il existe aussi une communication dite «virale»: celle qui consiste à développer des programmes de communication qui puissent se transmettre, non pas par la voie de la raison ou des organes sensitifs, comme la bouche et l'oreille par exemple, mais par celle du sang, un peu comme un virus qui fait mauvaise œuvre dans un corps malade.

A rebours de l'ère dite «numérique», sous nos latitudes toujours aussi particulières, communiquer c'est un peu comme les hommes du désert, lesquels, par une curieuse conception du temps et de l'espace, ont tendance à rapetisser les choses, jusqu'à leur portion infiniment petite. Faut-il, encore une fois, se résoudre, un doigt... dans l'oreille, que la rumeur est la seule diseuse de choses «vraies», dans un pays où communiquer est le seul métier que nous n'ayons jamais su faire ? Sans se laisser embarquer dans les mauvaises galères, force est de constater que dans un pays qui a un mal fou à se parler à lui-même, la rumeur s'est toujours incrustée dans la brèche, laissée grande ouverte, de l'espace public laissé vacant par une stratégie de communication institutionnelle si inopérante que pour l'homme de la rue, la «vérité» est partout sauf là où le personnel politique, en charge de la gestion du secteur de la communication, veut qu'elle se «niche».

De nos peurs «ataviques» de nous dire la vérité en face, à cette manie tenace de croire que la «vérité», vient toujours «d'ailleurs» et pas de chez nous, comment veut-on qu'un peuple sous-informé échappe aux grilles des lectures formatées en laboratoires clandestins pour inoculer «une infox», clefs en main, à une opinion publique qui veut simplement comprendre ce qui se passe dans son propre pays et exercer son droit à être informée sur la gestion des affaires publiques de la nation? Le droit à l'information étant «en théorie» constitutionnellement consacré, faire le «choix stratégique» de dire la vérité, toute la vérité et rien de plus que la vérité, au peuple (et pas seulement à la gent des votants !), c'est se prémunir contre les retours de manivelle trop dangereux pour la survie du pays. Aussi simple qu'une démocratie vidée de sa sève - celle du droit à l'information - pousse le citoyen à se désintéresser de la gestion des affaires de la cité; un citoyen bien informé est un citoyen (et pas seulement un électeur !) qui exerce son droit : celui de savoir ce qui se passe dans son propre pays, mais aussi savoir comment il va, et surtout où il va...