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Vindicte contre des dattes

par Abdelkrim Zerzouri

Les dattes algériennes subissent en ce mois de ramadhan «une vindicte» sans nom chez le voisin marocain. Une campagne de boycott des dattes algériennes, lancée sur les réseaux sociaux au début du mois d'avril, et qui se poursuit encore de nos jours, tire son argumentaire d'une solidarité avec les agriculteurs marocains expulsés de l'oasis d'El Arja et vise également à inciter les Marocains à la consommation des dattes locales. Même si, au détour, les commerçants marocains, eux-mêmes, qui gagnent leur vie en écoulant les dattes algériennes paient le prix fort de cette campagne.

Une affaire de petite importance cette expulsion de petits producteurs marocains qui exploitaient une palmeraie située en territoire algérien ? Elle n'a pas été commentée par les autorités des deux pays, mais cette petite affaire a été un mobile pour déclencher une vague de patriotisme dans les médias marocains, notamment sur les réseaux sociaux. Cela ne veut pas dire que le Makhzen n'y prête aucune attention. On ne dit rien, on ne peut rien dire, car on sait pertinemment que l'Algérie est dans son droit de fermer l'accès de son territoire à des producteurs marocains de dattes. Comme on sait pertinemment que la région est tombée sous le contrôle des trafiquants de drogue et que l'intervention de l'armée algérienne pour neutraliser ce couloir de la drogue est plus que justifiée.

Côté marocain on grince des dents, donc, et on n'a pas trouvé mieux que de boycotter les dattes algériennes pour répondre à cette décision des autorités algériennes. Car la main du Makhzen ne peut pas se cacher dans cette entreprise. En témoigne cette saisie, opérée ces derniers jours par les autorités locales de la préfecture d'Al Fida-Mers Sultan, de 18 tonnes de dattes algériennes, déclarées «impropres à la consommation». En considération que l'un des additifs de conservation de ces dattes n'est pas autorisé par la règlementation marocaine, selon les explications de la commission chargée du contrôle de la qualité et des prix. Dès lors, il ne s'agit plus d'une campagne de boycott des dattes algériennes inspirée, seulement, d'un mouvement citoyen sur les réseaux sociaux, qui a trouvé un fort impact sur la toile, faisant du hashtag # boycott des dattes algériennes une tendance nationale sur les plateformes virtuelles (Facebook, Twitter, Instagram et YouTube) dans le royaume, mais bien d'une entreprise sponsorisée par les plus hautes autorités du royaume. Avec le concours des producteurs de dattes israéliennes.

Car, si on se demandait à qui profiterait ce boycott des dattes algériennes, on ne trouverait que trois pays producteurs de dattes qui se livraient une rude concurrence sur le très important marché marocain (les dattes sont incontournables à la table de la rupture du jeûne des Marocains), l'Algérie, la Tunisie et Israël. Ironie du sort, ce sont les dattes israéliennes qui étaient à chaque mois de jeûne objet de boycott au Maroc, jusqu'en 2020, soit avant cette nouvelle ère de la normalisation des relations bilatérales, qui a concrètement conduit à un renversement de la situation, passée désormais au boycott des dattes algériennes ! La réaction émotionnelle des internautes marocains a été inévitablement exploitée par les producteurs israéliens de dattes, qui misent beaucoup, depuis toujours, sur le marché marocain, notamment durant le mois de ramadhan, pour écouler leur marchandise.