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NOUVELLE CULTURE DU MOINS COÛTEUX

par Abdou BENABBOU

Une curiosité poussée peut aboutir à des observations profondes. Des marchands de la bouffe, toutes catégories confondues, se dégage une culture de consommation et d'alimentation prenante chez un large pan d'Algériens. Crise économique, distanciation des membres des cellules familiales imposée, nullement due à la pandémie, pénibilité de survivance, marché du travail bouleversé par une modernité indéfinie où la ruée des femmes occupe une bonne place en investissant des estaminets qui offrent des casse-croûtes pour quatre sous, font que l'on soit enclin à se nourrir sur le pouce pour animer ce qu'il y a du moins coûteux à avaler dans la journée. Les comportements ne sont pas en reste du chamboulement des habitudes quotidiennes, y compris dans la manière de s'habiller pour convaincre que l'Algérie n'est plus celle du siècle d'avant. Par on ne sait quel travail en profondeur, la symbolique du tissu tergal a disparu pour laisser place à la toile et au règne de la pudeur manifeste puisée dans la religion. Et ce n'est pas un effet de mode mais une option acceptée et décidée pour que le soi invite les regards à voir ailleurs.

La société algérienne vit incontestablement une mue en profondeur par la force de la considération, de plus en plus, visible que l'on a fini, par attribuer à la valeur réelle de l'argent. On a appris à le compter. Les fruits ne sont plus achetés en kilos mais à l'unité. Pour une multitude de ménages, la côtelette et le bifteck sont définitivement honnis. Ce qui ressemble à du pois-chiche moulu sorti chaud des fours a investi les dessous de balcons et les cages d'escaliers dans la durée.

Il est certain que ce Ramadhan qui survient dans moins d'une semaine, ne sera pas comme les autres. Il sera marqué par de nouvelles empreintes, toutes marquées de multiples restreintes que le temps va figer. Il invitera une normalité alimentaire incontournable comme si le jeûne était devenu une aubaine à saisir pour surfer sur les secondaires assortiments et garnitures de tables des temps anciens.

La nouvelle culture, circonspection et rationalité budgétaire obligent, il est sûr que les Algériens se limiteront à l'essentiel. Cet essentiel est devenu un label.