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Foncier industriel: Mettre un terme à la spéculation

par El-Houari Dilmi

La décision prise lors du Conseil des ministres du 28 février dernier par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, ordonnant la récupération de toutes les assiettes de foncier industriel attribuées mais non exploitées à ce jour, suscite un sentiment de satisfaction chez les responsables de plusieurs organisations patronales et acteurs économiques.

En effet, la décision de récupération des terrains industriels inexploités engagée par les pouvoirs publics est considérée comme une mesure « salutaire » et « indispensable » par des responsables d'organisations patronales et d'experts dans le domaine, estimant qu'elle « devra permettre l'assainissement de ce dossier et de mettre un terme au phénomène de spéculation qui a pris de l'ampleur au détriment de l'investissement ». Dans une déclaration à l'APS, des chefs d'organisations patronales et des économistes ont été unanimes à souligner la portée et la nécessité de cette opération qui aura, selon eux, « un impact positif sur l'économie nationale étant donné que de nombreux opérateurs ayant des projets porteurs sont bloqués à cause du manque de terrains». Le président de la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC), Mohamed Sami Agli, a assuré, de son côté, qu'il existe aujourd'hui une « forte demande sur le foncier, alors que certaines zones ne sont occupées réellement qu'à moitié », a-t-il indiqué. Saluant l'instruction du président de la République de récupérer toutes les assiettes foncières attribuées, mais non exploitées à ce jour, le président de la CAPC a prôné un assainissement « graduel en accordant un ultime délai à ceux qui souhaitent réaliser leurs projets, en tenant compte de la situation difficile qu'a traversée le pays ces trois dernières années », a-t-il déclaré.

Toujours dans le même contexte, le président de la Confédération nationale des industriels algériens (CIPA), Ziani Abdelaouheb, a affirmé que « les véritables investisseurs n'avaient jamais eu accès aux terrains, contrairement aux personnes qui jouaient dans les eaux troubles; c'est pendant la crise du coronavirus que l'Etat s'était rendu compte que beaucoup d'assiettes concédées n'ont pas été malheureusement exploitées », a-t-il affirmé, ajoutant que « certains bénéficiaires avaient même loué des terrains à des opérateurs qui étaient à l'étroit », a-t-il révélé. « Il existe aussi des entrepreneurs qui n'ont pas réalisé leurs projets à cause notamment des entraves bureaucratiques et bancaires », a encore indiqué Ziani Abdelaouheb. Le président de la CIPA a souligné également l'existence « d'indus occupants de vastes terrains sans disposer d'aucun document tels que de les titres de propriété ou de concession ». Pour M. Ziani, « il est judicieux de créer une agence nationale qui aura à charge la gestion du foncier industriel récupéré ; celle-ci doit exiger un cahier des charges pour les investisseurs et choisir des projets dans des filières non saturées », a-t-il suggéré.

De son côté, le président de la fédération santé, affiliée à la Confédération du patronat algérien (CAP), Mahmoud Taffarte, a estimé que cette opération d'assainissement constituait un «point de départ, en attendant la publication du nouveau décret sur le Comité d'assistance à la localisation et à la promotion des investissements et de la régularisation du foncier (Clapiref) qui devrait mieux organiser le secteur ». « Nous n'avons pas d'autres alternatives que celles d'aller vers un investissement propre et sain », a déclaré le responsable de la CAP relevant que « les zones industrielles et d'activité dans les grandes villes sont saturées et mal gérées ». M. Taffarte a appelé aussi à la création de zones dotées de toutes les conditions pouvant aider à leur développement, notamment en matière de disponibilité de réseaux de la fibre optique, d'énergie, ainsi qu'en matière de fourniture de services (agences bancaires, guichets administratifs et hôtellerie). « Les prix appliqués sur les terrains concédés devraient être aussi étudiés selon des critères précis », a encore suggéré M. Taffarte évoquant à ce propos « des écarts importants en matière du prix du mètre carré d'une wilaya à une autre ».

Les recommandations des experts

Des experts dans le domaine à l'exemple de Réda Amrani et de Kamel Kheffache ont abondé dans le même sens, soulignant que « la démarche des pouvoirs publics pour récupérer les terrains industriels inexploités est justifiée et constitue le seul moyen possible pour valoriser ce patrimoine et le mettre à la disposition des véritables investisseurs ». Ces deux spécialistes, cités par l'APS, ont rappelé, à ce titre, que « plusieurs terrains situés au niveau des zones industrielles, des actifs excédentaires des entreprises publiques économiques, ainsi que des actifs résiduels des entreprises dissoutes avaient été attribués sans qu'ils ne soient, à ce jour, exploités ». « Certains dans les organismes chargés de ce dossier, comme le Calpiref, ont souvent fait en sorte pour que les terrains deviennent l'objet de négociations perfides et illégales ; les terrains changeaient de mains systématiquement et font encore l'objet de spéculation », a déploré M. Amrani, recommandant «l'annulation de toutes les décisions d'attribution et la création d'un établissement central qui aura pour mission la relance du projet gelé de création de plates-formes industrielles intégrées et équipées ». «Le pays ne dispose actuellement que de 29.000 hectares de zones industrielles, soit un taux de 7% de la superficie dédiée à l'industrie en France».

Pour sa part, M. Kheffache a insisté sur l'étude des dossiers des investisseurs « au cas par cas », avant de procéder à la récupération définitive des assiettes. « L'assainissement de ce dossier va prendre beaucoup temps ; il serait préférable de recourir au voie de règlement à l'amiable pour éviter les tribunaux », a-t-il proposé tout en assurant que des clauses inscrites dans les contrats de concession stipulent que l'accès au terrain est conditionné par la réalisation du projet. « Cette clause à elle seule suffit pour assainir le foncier industriel », a-t-il fait observer, appelant les investisseurs concernés par cette mesure à demander des « délais supplémentaires, mais raisonnables afin de concrétiser leurs projets ».