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Point de rupture ?

par Abdelkrim Zerzouri

Y a-t-il menace sur le front social ? La dernière sortie tonitruante du SG de l'UGTA, Salim Labatcha, un syndicat qui prône le dialogue et la concertation, plutôt prompt à la conciliation que le recours aux bras de fer pour régler les conflits, sonne comme un avertissement clair à propos du lourd fardeau sur le dos des travailleurs, et qui risque, sérieusement, de leur faire perdre patience. En tout cas, le concerné n'a pas pris de gants pour asséner ses vérités et ses critiques envers un Gouvernement qui a perdu le contrôle de la situation, fera-t-il constater, face à l'envolée sans précédent des prix de la majorité des produits. Des prix qui nécessitent un salaire minimum de plus 70.000 DA pour permettre aux citoyens de rattraper la perte de pouvoir d'achat provoquée par la hausse des prix qui poursuivent des semaines durant une courbe ascendante, a-t-il encore estimé.

Certainement en connaissance de cause, le patron de l'UGTA s'indignera du fait qu'on débatte sur l'importation des voitures alors que l'urgence du moment est de se soucier gravement de la sauvegarde de l'emploi et des entreprises publiques menacées de fermeture. Cela laisse-t-il entendre que l'UGTA ne pourra plus jouer aux pompiers ? Va-t-on vers l'ouverture des hostilités avec le Gouvernement, à travers des revendications salariales ? L'augmentation des salaires est inévitable pour rattraper la perte de pouvoir d'achat, assène le patron de l'UGTA. Non sans rappeler que la revendication relative à la révision de la loi sur la retraite reste d'actualité pour son syndicat, notamment le droit à la retraite pour le travailleur ayant exercé 32 ans. Quand l'UGTA hausse le ton, que dire des autres syndicats autonomes ? Ces derniers se préparent-ils à passer à la riposte ? Le gouvernement avoue qu'en partie, la hausse des prix de plusieurs produits alimentaires est due à la la baisse du dinar, en sus d'autres paramètres liés à l'augmentation des coûts mondiaux des matières premières et des coûts de la logistique, mais est-ce convenable de faire payer au citoyen la facture du déficit public, en procédant à une douloureuse dévaluation du dinar ? La politique de la dévaluation du dinar devrait avoir ses limites, tous les spécialistes en conviennent, face à ses répercussions sur les prix et des conséquences d'une gronde sociale imparable à la longue. Aucun pays, du plus proche espace géographique au plus lointain, n'est à l'abri de la grogne sociale. Un dogme qui découle de source de la longue crise sanitaire avec ses effets dévastateurs sur les économies. L'Algérie a un peu oublié cette réalité, au point où le Gouvernement vaque à mille lieux du risque d'éclatement de frondes sur le front social, croyant que les dispositions de solidarité limitées aux couches précaires, ou encore les subventions aux produits de large consommation, préservent parfaitement l'équilibre social. Pourtant, le malaise qui plane sur le front social, depuis plus de deux ans, ne s'est jamais estompé, et le couvercle risque de sauter à tout moment. La protestation socioprofessionnelle s'est tue lors du ?hirak', en 2019, parce que les syndicalistes et les masses laborieuses admettaient qu'il fallait garder toute la concentration sur les revendications populaires, qui se résumaient à faire dégager le système, et le répit a été prolongé avec l'élection d'un nouveau président de la République, mais il semble que le point critique est atteint. L'alerte trouvera-t-elle écho auprès des hautes autorités du pays et les inciter à négocier un vaccin pour prémunir la paix sociale ?