Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LOURDE CHARGE

par Abdou BENABBOU

Face aux inimaginables secousses judiciaires vécues actuellement, on aura tort de rester focalisé sur les agissements immoraux de quelques anciens hauts responsables politiques. La conjoncture a fait qu'ils soient pris la main dans le sac et l'erreur serait de croire qu'ils sont auteurs inconscients de comportements isolés. Ils se sont bien investis en connaissance de cause dans des procédés patrilinéaires établis par la conviction que l'Algérie leur appartenait. Le sens de la responsabilité était ainsi dessiné pour que les particulières orgies dont ils sont coupables fussent naturellement autorisées.

Il serait aussi trop simple de ne s'en tenir qu'à cette malheureuse histoire de lingots d'or car d'autres affaires plus graves restent dans l'ombre car l'accaparement des richesses indues est beaucoup plus varié. Ouyahia est tout sauf un déluré pour penser qu'il se soit aventuré dans des révélations assommantes derrière lesquelles il a tenté d'inciter à l'ouverture d'une boîte de Pandore pour que la justice et l'opinion publique découvrent ce qui est encore tu. On doit reconnaître à l'homme un minimum d'intelligence pour déduire qu'il avait un message à faire passer.

De fait, il n'avait pas besoin d'en dire plus, car l'assourdissant étalage des pirateries exposées aujourd'hui devant les tribunaux renvoie à plusieurs décennies de gouvernances et aux vilains artifices avec lesquels elles étaient largement régies. La variété des entorses est fantasmagorique. Elle va de la gestion de l'immobilier de l'Etat aux nominations souterraines des responsables étatiques pour que le tréfilage économique et politique aboutisse à une razzia sur les lingots d'or. Au départ décider de la vénération du dinar symbolique permettait d'ouvrir toutes les portes et la philosophie détournée des monopoles offrait le tissage le plus lourd des procédés secrets. Depuis l'indépendance du pays, même les crises passées permettaient la mouvance intéressée pour laisser à certains la voie libre et dégagée pour leur manigance et leur cupidité.

La charge est trop lourde pour croire que les seuls tribunaux pourraient la porter sur leurs dos.