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Un circuit corruptif normalisé

par Abdou BENABBOU

Comment peut-on se permettre d'offrir 30 milliards à un seul homme et quelle est la logique d'une telle aumône si elle n'est pas un acte d'investissement colossal libéré pour rapporter dix ou cent fois plus ? Comment l'heureux bénéficiaire qui se disait pétri par l'âme révolutionnaire, président de la République de surcroît pouvait-il se laisser vendre et se corrompre en sachant bien que c'est son pays et son peuple qu'il vendait ?

Le jugement des Kouninef, par l'immense désillusion qu'il provoque par n'importe quel bout par lequel elle est tenue, n'a rien de dissociable d'un égout qui éclate et dont la pestilence qui s'en dégage étrangle tout un chacun. Une telle déconvenue monumentale au plus haut sommet de l'Etat ne relève plus de la simple corruption mais doit être comprise comme atteinte à toute une nation.

Toute honte bue et avec une certaine contenance pas du tout désabusée et sans aucune ironie, tous les responsables et les magnats de la finance incriminés par la justice aujourd'hui se rabattent sur un argument fallacieux d'une légalité déconcertante qu'ils ont eux-mêmes instituée et légalisée.

Le donneur et le receveur sont tous les deux en cause et le bénéficiaire parce qu'il n'est pas monsieur tout-le-monde s'est embourbé plus que l'autre dans une salissure qui en dit long sur un état d'esprit d'un homme qui ne pouvait cultiver qu'extrêmes bassesses et tromperies. Sa responsabilité est plus marquée car il s'agit bien pour lui d'un monnayage d'une nation bien qu'il n'avait nul besoin de subsides financiers énormes pour être réélu.

Il ne fallait donc pas s'étonner que de tels trocs d'énormités malveillantes prennent naissance au cœur du monde politique où les sièges de députés et de sénateurs soient marchandés pour que les trahisons deviennent généralisées. Les ventes et les criées s'étant faites au grand jour à la tête d'institutions désacralisées, au vu et au su du peuple tétanisé, donnent à bon nombre d'administrations un circuit corruptif normalisé.