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Loi de finances 2021: L'optimisme des députés et le pessimisme des experts

par El-Houari Dilmi

Si les experts sont d'accord pour estimer que les conséquences sanitaires de la crise économique seront pires que le coronavirus (Covid-19), les députés algériens font montre d'un optimisme jugé «peu prudent».

En effet, la loi de finances 2021, adoptée mardi à la majorité à l'Assemblé populaire nationale (APN), table sur une croissance de 4% du Produit intérieur brut (PIB), ce qui ne correspond pas à la réalité selon l'analyste économique et financier Mahfoud Kaoubi qui a estimé que vu le contexte actuel et les réticences en matière d'engagement de réformes et surtout dans son volet assistance aux entreprises qui connaissent une situation très critique, «cet objectif sera difficile à atteindre». Intervenant lors de l'émission «L'Invité de la rédaction» de la chaîne 3 de la Radio algérienne, l'expert a indiqué que le taux de 4% est basé sur des hypothèses très optimistes dont une croissance des hydrocarbures de plus de 7,2%.

«D'ailleurs, comment peut-on atteindre cette croissance dans un secteur d'activité qui connaît une conjoncture mondiale pratiquement instable et pleine d'incertitudes ?», s'est interrogé Mahfoud Kaoubi, rappelant que le gouvernement a projeté une augmentation des exportations de 10% en se basant sur un prix de vente à 45 dollars le baril. «Est-ce possible avec cette deuxième ou une probable troisième vague du Covid-19», s'est-il encore demandé. Dans leurs prévisions, «la Banque mondiale et le FMI ne plaident pas et ne justifient pas une croissance aussi optimiste que celle prévue par le gouvernement dans le cadre de cette loi de finance 2021 », rappelle l'expert dans son analyse, estimant que cet optimisme des gouvernants algériens pourrait être révisé dans la réalité.

«A chaque fois on prévoit des hypothèses assez optimistes, en matière d'élaboration de budget, le gouvernement se confronte malheureusement à la réalité du terrain, comme c'était le cas pour la loi de finances 2020 où les réalisations ont été assez loin des prévisions», a tranché l'analyste financier pour lequel la priorité, aujourd'hui, est d'engager, le plus rapidement possible, un ensemble de réformes pour aider nos entreprises souffrantes depuis deux ans maintenant. «L'on ne peut prévoir une croissance dans le contexte actuel sans les entreprises qui devaient avoir plus d'attention de la part des pouvoirs publics», affirme-t-il, vu leur situation financière délicate. «Dans la conjoncture actuelle, nos entreprises ne pourront pas faire face à des dépenses», estime Mahfoud Kaoubi, rappelant que des aides ont été allouées aux entreprises partout dans le monde, notamment dans les pays développés pour surmonter la crise sanitaire.

«Chez nous et jusqu'à aujourd'hui, il y a plein de propositions réalistes de la part des organisations patronales. Cependant ça n'a pas été concrétisé», regrette-t-il. L'expert a, enfin, indiqué qu'il nourrissait l'espoir de voir la création d'un fonds du trésor dédié à la prise en charge des effets financiers du coronavirus sur les entreprises. «On devait revenir à une logique d'affectation par objectif du budget», a-t-il conclu.