Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une taxe de trop ?

par Abdelkrim Zerzouri

La nouvelle taxe sur la consommation des carburants imposée aux automobilistes à chaque sortie aux frontières du pays, qui a été proposée dans le projet de loi de finances (PLF) 2021, n'est pas bien digérée par les consommateurs. Idem pour les explications du ministre de l'Energie, qui a tenté de rassurer l'opinion en affirmant que cette taxe est destinée à limiter les pertes engendrées par la contrebande et n'aura pas d'impact sur le citoyen lambda. Si ce n'est pas le citoyen lambda, qui payera alors ces lourdes taxes (2.500 DA pour les véhicules touristiques, 3.000 DA pour les véhicules utilitaires et camions moins de 10 tonnes et 10.000 DA pour les camions de plus de 10 tonnes ainsi que les bus) qui seront appliquées dès le 1er janvier 2021, dans le cas où les députés approuvent le projet en question avec les articles consacrés à la question ? Et comment arriverait-on à limiter les pertes engendrées par la contrebande de carburant quand on sait que les milliers de litres de gasoil et d'essence traversent frauduleusement les frontières sur les dos des mulets et non pas par la voie régulière au niveau des postes frontières, par où passent, justement, le citoyen lambda ?

Trop d'embrouillement dans les propos du ministre de l'Energie, qui devrait donner des éclaircissements sur le paiement de cette taxe, notamment si elle concerne les nationaux uniquement ou également les étrangers. Certes, le diagnostic est bien révélateur du préjudice causé au Trésor public et que tous les arguments plaident en faveur d'une solution à cette saignée aux frontières du pays, où les ventes du carburant représentent 14% du total des ventes nationales et où la consommation de gasoil représente 70% de la consommation nationale, comme l'a rappelé le ministre, qui a également mis en avant un autre lourd justificatif, soit l'importation par l'Algérie pour près de 200.000 milliards de centimes de carburant entre 2010 et 2019.

On a même trop tardé à mettre le holà à ce trafic de carburant qui sévit aux frontières du pays depuis de nombreuses années et on semble se tourner vers la solution facile, qui ferait payer le tribut aux automobilistes qui traverseraient les frontières en toute légalité. D'ailleurs, les frontières étant fermées depuis des mois, et on ne sait pas si leur réouverture est possible dans des délais assez courts, pourquoi alors instituer une taxe qui ne provoquerait que la grogne des citoyens et ne rapporterait pas grand-chose durant cette crise sanitaire ?

Plusieurs membres de la Commission des finances et du budget de l'APN ont exprimé leur désaccord au sujet de cette taxe qui aurait de fâcheuses retombées sur les habitants des zones frontalières et sur la dynamique économique dans ces régions. De toute évidence, la taxe en question pourrait combler, très légèrement, la facture des subventions des prix de carburants importés durant la période 2015-2020 qui s'est élevée à près de 897 milliards DA, dont 145 milliards DA en 2020, mais pour traiter le problème dans le fond, il faudrait aller vers la levée totale de ces subventions qui ne profitent pas toujours ou pas uniquement au citoyen lambda, autant que cette taxe sur la consommation des carburants.