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Gestion et dispensation des psychotropes: Un décret, deux sons de cloche

par M. Aziza

Officiellement, le nouveau décret régissant la gestion et dispensation des psychotropes est en vigueur, depuis hier, le 03 novembre. Mais selon certains échos, un accord de principe aurait été donné par le SGG (secrétariat général du gouvernement) pour son report.

Le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens qui a déjà formulé une demande de report, avait appelé à l'application des dispositions réglementaires des anciens textes. En précisant que le projet de report du décret exécutif 19-397 est déjà sur rails. Le président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, le Dr Abdelkrim Touahria, a affirmé au Quotidien d'Oran que le report de l'application du décret a été décidé à l'issue d'une réunion de concertation regroupant les ministères de la Santé, de l'Industrie pharmaceutique et le secrétariat général du gouvernement. Et d'affirmer que l'entrée en vigueur du décret est envisageable dès la finalisation des textes d'application pour que les objectifs visant la sécurisation du circuit des psychotropes soient réalisables. Et d'enchaîner «c'est-à-dire d'ici trois à six mois», précise-t-il.

Les arguments de report avancés par le président de l'Ordre reposent sur le fait que la majorité des pharmaciens dans les structures publiques ne sont pas inscrits au tableau de l'Ordre des pharmaciens. Pourtant la commande se fait au niveau de la PCH sur la base du numéro d'inscription du pharmacien au tableau de l'Ordre qui doit être mentionné sur le bon de commande. Il affirme que 50% de médecins qui sont les principaux prescripteurs de ces médicaments ignorent ce texte et 80% des médecins qui sont au courant du décret ignorent son contenu. Pour la simple raison, dit-il, qu'ils n'ont pas été associés à l'élaboration dudit décret. Sans parler des inspections qui devront se faire chaque trois mois, sachant que les inspecteurs pharmaciens se comptent sur les bouts des doigts. D'où la nécessité de préciser qui devrait remplacer l'inspecteur pharmacien dans les missions de contrôle. Pour le Dr Touahria, appliquer le décret tel qu'il est «provoquera une catastrophe notamment pour les malades qui seront doublement pénalisés par la rupture des médicaments, notamment dans les structures publiques», sans parler autant, dit-il, de la liste des psychotropes qui est très restreinte et limitée et dont la révision est nécessaire.

Ce qu'en pense le SNAPO

Le Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine (SNAPO) a, pour sa part, appelé les pharmaciens à respecter les procédures réglementaires établies par le nouveau décret. Affirmant que le report du décret exécutif est possible mais, précise-t-on, «en l'absence de publication d'un nouveau décret exécutif au Journal officiel annonçant explicitement et officiellement ce report, les procédures du décret exécutif 19-379 sont considérées comme obligatoires et exécutoires sur le terrain». Et d'expliquer «qu'aucune décision administrative ne peut avoir le pouvoir légal de reporter un texte réglementaire de la taille d'un décret exécutif».

Messaoud Belambri, président du Syndicat national des pharmaciens d'officine, a précisé pour sa part qu'«aucune prescription de ces médicaments ne sera satisfaite désormais, conformément au décret exécutif 19-397, avec une ordonnance ordinaire mais ça sera avec une ordonnance à souche, à plusieurs copies de différentes couleurs et avec un numéro de série».

En absence d'un document officiel, le SNAPO s'est dit dans l'incapacité de parler de report effectif de l'application des dispositions règlementaires dudit décret. Et de s'interroger pourquoi le report du moment, dit-il, que ce décret a mis du temps pour qu'il soit publié au Journal officiel, et ce, après des modifications qui ont été apportées dans un cadre de concertation. Et d'affirmer «au contraire, nous avons toujours appelé à l'accélération de la publication de la liste des psychotropes destinés à des fins sanitaires dans le but de protéger le pharmacien du point de vue sécuritaire et judiciaire et protéger en général la société et le malade».

Le président du SNAPO a affirmé que le ministère de la Santé avait promulgué en 2015 dans le Journal officiel un décret relatif à ces produits, sans la publication de la liste nominative des médicaments psychotropes et depuis ce temps-là les choses ont changé. «Nous avons participé une année après en tant que professionnels dans les travaux de la commission multisectorielle, avec d'autres acteurs actifs dans le secteur, nous avons apporté quelques modifications pour que le texte soit approuvé par le gouvernement en juillet 2019 et sa publication au Journal officiel a été effective depuis le 5 janvier dernier». Il enchaîne «je pense que dix mois sont assez suffisants pour s'organiser dans le but d'appliquer le nouveau décret».

Il a même affirmé que ses troupes «sont déjà prêtes, du moment que les registres d'ordonnance d'entrée des produits et d'autres sont déjà parafés». En poursuivant «les ordonnances à souches sont déjà imprimées et selon nos échos les producteurs, les distributeurs et tous ceux qui activent dans le circuit, la PCH, sont tous prêts pour appliquer les nouvelles dispositions du décret en question, d'ailleurs les DSP ont déjà saisi les prescripteurs». En s'interrogeant, pourquoi un report qui sème le doute, qui retarde davantage l'outil de contrôle, ainsi que le recadrage et la recommandation de la distribution et la commercialisation et surtout la sécurisation du circuit des psychotropes ?

D'autant plus que seulement 10 médicaments sont considérés officiellement comme des psychotropes, en l'occurrence les Bomazepam (Lexomil, kietyl), Buprenorphine (Temgesic, Buprinal), Chlordiazepoxide (Librium, Librax), Clonazepam (Rivotril, Clona), Clorazepate (Tranxene, Cloraxene), Diazepam (Valium, Valzepam, Xavel), Lorazepam (Temesta, Orzepam), Phénobarbital (Gardenal, Phenoxal), Prazepam (Lysanxia, Preziva), Zolpidem (Stilnox, Zolidrate). Alors que, précise-t-il, il y a d'autres médicaments qui ne sont pas sur la liste des psychotropes, mais qui sont détournés et utilisés comme des psychotropes pour leur effet secondaire (relaxation intense, hallucinations, euphorie, etc.).

Le président du SNAPO propose un travail de fond pour identifier et lister l'ensemble des médicaments qui peuvent être utilisés comme des psychotropes, dans une deuxième phase.