Le calice a été bu jusqu'à
la lie par les habitants de la municipalité d'Aïn El Turck, à la faveur d'une sordide coupure d'électricité, qui
a duré toute la matinée et une partie de l'après-midi du vendredi. En ce
premier week-end automnal, l'exaspération a atteint son summum dans les foyers
sombres, au sens concret du terme, où les robinets rotaient, mais sans pour
autant dégurgiter le précieux liquide inodore et incolore. Un ridicule
outrancier. Les gérants des établissements de commerces étaient dans tous leurs
états. Le risque évident de la périssabilité de leurs produits alimentaires
dans les réfrigérateurs, qui ont cessé de ronronner, a suscité leur ire. « Qui
va nous dédommager? Nous n'allons pas quand même vendre des produits pourris.
C'est incorrect à l'égard de notre clientèle », s'est insurgé le propriétaire
d'un magasin, versé dans la vente de denrées alimentaires, installé au
chef-lieu de la daïra d'Aïn El Turck.
« J'envisage de changer d'activité et me lancer dans le commerce des panneaux
solaires. Cela rapporte très gros. En bien orientant le bidule, l'acquéreur
pourrait aussi ressusciter les candélabres de son lieu de résidence, qui ne
sont utiles qu'aux chiens errants pour marquer leur territoire. N'est-ce pas
génial ? J'installerai également sur la terrasse le panneau solaire à côté de
la citerne d'eau de l'acquéreur. Il aura ainsi l'eau et l'électricité sans
interruption et il s'en tamponnera fort civilement le coquillard des coupures
de l'énergie électrique et/ou de l'AEP », s'est esclaffé un colporteur d'eau
hilare avant d'éclater de rire. Abordés à ce propos par Le Quotidien d'Oran,
d'autres interlocuteurs, à priori écœurés par le morbide, l'absurde et la pagnoterie des uns et des autres, à l'origine de la
déchéance de leur cadre de vie, ont usé de railleries similaires pour
s'exprimer sur ce qu'ils ont qualifié «d'un éventail d'inepties, qui entravent
grandement l'essor d'une région balnéaire, appelée à promouvoir le secteur du
tourisme, l'un des poumons de l'économie du pays. Nous avons vécu le calvaire
durant la caniculaire estivale, majorée par la crise sanitaire. Nous continuons
à subir l'insolente passivité toute honte bue de tout un chacun et de leur bricolage.
Il est impératif de nettoyer les écuries d'Augias pour mettre un terme
définitif à l'exaspérante et insolente médiocrité, qui a enfanté ce piteux état
de fait». Toujours est-il que l'humour noir, le sarcasme et la moquerie ont été
mis en exergue dans les propos des habitants d'Aïn El
Turck et ce, pour dénoncer ce vendredi éventé sans
électricité et sans eau courante, cadencé au rythme des notes musicales
envoûtantes de l'harpe éolienne. Un apitoiement
burlesque d'une population sur son sort.