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Algérie-Union européenne: De gros dossiers sur la table

par Ghania Oukazi

L'Algérie et l'Union européenne ont programmé ensemble de réunir en septembre prochain leurs six sous-comités mixtes pour évaluer les différents volets de l'accord d'association. A la mi-octobre, un conseil d'association se tiendra entre le ministre algérien des Affaires étrangères et le Haut représentant pour les affaires étrangères de l'UE.

C'est en principe à partir du 1er septembre que ces sous-comités en question commenceront à se réunir tour à tour pour procéder à l'évaluation de leurs dossiers respectifs. Il s'agit pour l'Algérie et l'Union européenne de mettre sur la table le dossier dialogue politique et sécurité, celui économique, financier et commercial. Le tout sera examiné conformément «aux accords de principe» arrêtés entre eux notamment depuis qu'elles ont signé en avril 2002 leur accord d'association et ont décidé en septembre 2005 de son entrée en vigueur. Il faut noter que cet accord prévoit, le 1er septembre 2020, l'ouverture entre les deux parties d'une zone de libre-échange après l'expiration de «la période de transition» de 15 ans qui a été accordée à l'Algérie. L'accord a prévu en effet une telle période sur une durée de 12 ans (rallongée à 15 ans) pour que l'Algérie puisse « supprimer progressivement les droits de douane sur ses produits industriels » et appliquer « une libéralisation sélective de ses produits agricoles ». La période de transition devait aussi être saisie par l'Algérie pour engager des réformes structurelles en vue de pouvoir mettre son économie à niveau. Dès le début de l'application du démantèlement tarifaire prévu par l'accord d'association, l'Algérie a commencé à se plaindre de ses mauvaises répercussions non seulement sur son économie mais surtout sur ses finances en raison des pertes sèches qu'elle a commencé à enregistrer.

« Rien ne presse pour une zone de libre-échange »

L'Union européenne avait tout à exporter vers l'Algérie qui, elle, a maintenu pas plus que l'exportation de ses hydrocarbures vers ses partenaires européens traditionnels «en plus de quelques cageots de produits agricoles» disent les initiés du dossier.

Abdelmadjid Tebboune avait demandé au ministre du Commerce en janvier dernier au cours d'un Conseil des ministres de «procéder à une évaluation (...) du dossier sur l'accord d'association avec l'Union européenne (UE) qui, a-t-il dit, doit faire l'objet d'une attention particulière, faisant valoir nos intérêts pour des relations équilibrées». Le ministre du Commerce pour sa part a déclaré récemment que c'est «au gouvernement de trancher si nous devons procéder, en septembre prochain, au démantèlement tarifaire restant, ou pas». L'on nous fait savoir qu'il y a quelques mois, le ministère des Affaires étrangères et celui du Commerce ont procédé à une évaluation de la coopération commerciale entre l'Algérie et l'Union européenne sur la base des clauses de l'accord d'association et ce, depuis l'enclenchement du démantèlement tarifaire.

En fait, selon nos sources bien au fait du dossier, « il ne s'agit pas d'ouvrir tout de suite une zone de libre-échange entre l'Algérie et l'Union européenne ». Nos interlocuteurs nous expliquent que «rien ne presse, nous allons avoir - à la demande de l'UE - une période de discussions sur les zones de divergences qui sont apparues entre les deux parties depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association à commencer par les valeurs tarifaires appliquées par l'Algérie et aussi examiner toutes les réclamations d'un côté comme d'un autre ». L'on tient à nous préciser qu'« il faut savoir que le démantèlement tarifaire n'occupe que 5% de l'ensemble de l'accord d'association, donc il y a beaucoup d'autres questions qui doivent être soulevées entre les deux parties ». Les questions commerciales doivent être en évidence abordées parce que « l'Algérie a apporté d'importants changements à sa législation comme par exemple sa suppression de la règle 51/49, il y a aussi les problèmes de surfacturation qui ont fortement impacté ses importations, avec ça, il y a de nombreux secteurs d'activité qui n'ont pas été libérés à ce jour(?) », estiment nos sources. Au titre du dialogue politique et de la sécurité, les sujets ne manquent pas aux deux parties. La dégradation de la sécurité et l'instabilité de la région seront au menu de leurs prochains pourparlers. Il y a aussi aux yeux des autorités algériennes la circulation des personnes qui est fortement malmenée par les pays membres de l'espace Schengen depuis plus de deux ans.

Un Conseil d'association en octobre prochain

« C'est vrai que les choses se sont dégradées à ce niveau, on rappelle qu'en 2018, le ministre Messahel avait convoqué l'ambassadeur de France pour en discuter, il y a eu une relative amélioration mais il en faut davantage, il faut reconnaître que la pandémie sanitaire a beaucoup ralenti les échanges extérieurs de l'Algérie, voire du monde entier », notent nos sources. Elles nous précisent qu'« il n'y a pas de raison pour que la situation reste là où elle était, le principe entre les deux parties, contenu d'ailleurs dans l'accord d'association, porte sur un certain niveau de circulation de personnes, à condition que le motif soit légitime et affirme la volonté des demandeurs de visas de participer à des activités en total respect de la législation européenne, missionnaires, travailleurs, étudiants, visiteurs touristes -et 80% des Algériens le sont- doivent avoir un droit de visite dans l'espace Schengen sous couvert et en conformité avec les lois européennes en vigueur». D'autant, ajoutent nos interlocuteurs, que « l'Algérie est strictement attachée au respect du rapatriement de ses migrants clandestins, en plus elle n'en est pas un pays pourvoyeur ». Il nous est souligné que « l'Algérie et l'Union européenne retravailleront sur cet accord d'association stratégique, il y a des choses à demander, d'autres à réajuster parce que la relation entre nous est asymétrique ». Nos interlocuteurs estiment cependant «il ne faut pas oublier que l'Algérie n'a toujours pas mené les réformes nécessaires pour diversifier son économie».

Les réunions des six sous-comités prévues en septembre prochain pour évaluer la coopération Algérie-UE dans tous les domaines seront sanctionnées par la tenue d'un Conseil d'association qui réunira le Haut représentant pour les affaires étrangères de l'UE, Joseph Borel, et le chef de la diplomatie algérienne. « Il s'agira pour eux de valider tout ce qui aurait été mis au propre par les différentes réunions qui auront précédé », affirment nos sources.