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Covid-19 : propagation de la pandémie et faiblesse de communication

par Mostéfa Khiati*

Le dimanche 12 juillet 2020, 230.000 nouveaux cas de Covid-19 ont été enregistrés dans le monde. Selon le directeur général de l'OMS : «Près de 80% de ces cas ont été signalés dans 10 pays seulement et 50% dans deux pays seulement». Depuis le début de l'épidémie, plus de 12.685.374 cas d'infection ont été officiellement diagnostiqués dans 196 pays et territoires avec plus de 565.000 morts dans le monde.

Dans notre pays depuis la fin juin, tous les jours c'est un nouveau record qui est battu en nombre de nouveaux cas. L'Algérie a franchi la barre des 600 nouveaux cas le samedi 18 juillet 2020. Quand est-ce que cette courbe ascendante infernale va s'arrêter ?

Pour arrêter la chaîne de transmission du virus, les fondamentaux de la prévention sont connus par tous : distanciation physique, mesures d'hygiène, port du masque ou rester à la maison lorsqu'on est malade.

Le problème aujourd'hui est essentiellement un problème de communication et de perception du message. Le directeur de l'OMS l'a répété dans son message du 13 juillet. Le Chef de l'Etat avait déjà soulevé le problème dès le 10 juillet en demandant «la révision de la stratégie de communication basée sur la simple énonciation des chiffres». Le message éculé de chiffres débités tous les jours était sans âme et n'arrivait pas au citoyen. La stratégie devrait «s'appuyer sur des explications plus pertinentes à travers les radios locales et des messages plus éloquents pour sensibiliser les citoyens aux dangers du non-respect de la distanciation physique et des mesures de prévention dans les lieux de rassemblement». Parallèlement, la loi devra s'appliquer avec toute sa rigueur contre les contrevenants et les personnes qui ne respectent pas les directives sanitaires.

Dans le même temps, il faut continuer à sensibiliser les gens et de faire de façon permanente. C'est la seule arme qui nous reste pour stopper le virus dans sa folie morbide et meurtrière.

Le niveau de perception du message chez les citoyens algériens peut les faire classer en trois catégories. Il y a ceux qui ont perçu le message et sont convaincus que l'interruption de la chaîne de transmission du virus passe par leur comportement et leur respect des mesures de prévention. Il y a ceux qui sont négligents et pensent que le virus choisira une autre victime qu'eux, parfois ils respectent les mesures de prévention, parfois ils les transgressent. Il y a enfin les irréductibles pour qui le virus n'existe pas, certains parmi eux croient même à la théorie du complot, alors que d'autres nient tout en bloc.

C'est vers ces deux dernières catégories qu'une communication argumentée doit être dirigée. Les techniques de communication utilisées jusqu'à présent ont montré leurs limites et n'arrivent pas à atteindre leurs objectifs. Ceux qui écoutent n'ont pas forcément la même perception que ceux qui dispensent les conseils, pour être plus clair, on peut dire qu'ils ne sont pas sur la même longueur d'onde.

En matière de communication, l'Algérie comme le reste du monde est passée d'une phase où les médias lourds monopolisaient l'essentiel de la communication à une phase où les réseaux sociaux ont pris la relève et s'imposent aujourd'hui comme le principal média. Il faut à ce sujet citer comme exemple la polémique qui a lieu entre le Pr Didier Raoult et le journal le Monde qui l'avait critiqué. Le directeur général de l'EHU de Marseille a répondu au journal en disant qu'une seule de ses vidéos était vue par trois plus de personnes que l'ensemble des lecteurs du journal !

La communication en Algérie pèche donc par les méthodes de communication éculées utilisées mais aussi et surtout par la qualité du communicateur. La lecture sèche de communiqués ou l'énonciation quotidienne du nombre de personnes testées positives ou décédées du Covid-19 n'a plus d'impact sur les auditeurs parce qu'elle n'est pas développée et n'attire plus par conséquent l'intérêt des citoyens.

Pourquoi monopoliser cette information au niveau du ministère de la Santé et faire taire des directions de santé de wilaya. Il y a présentement près de 70.000 praticiens et deux fois plus de paramédicaux répartis sur tout le territoire national. Ne peut-on sélectionner quelques-uns au niveau de chaque wilaya et leur permettre d'intervenir sur les ondes des radios locales ?

L'Algérie dispose en outre d'un grand potentiel de personnes qui peuvent parler et convaincre les citoyens. On peut se demander pourquoi après avoir suspendu les prières dans les mosquées, les 20.000 imams que compte le pays ont été invités à aller se reposer chez eux. Ils ont la capacité moyennant un haut-parleur de passer dans les quartiers et de dispenser des messages qui peuvent être perçus par les gens même les plus imperméables. Le ministère des Affaires religieuses en signe d'ouverture sur l'époque dans laquelle nous vivons aurait pu demander à tous les imams d'ouvrir des pages Facebook ou des comptes Twitter pour communiquer de façon efficiente avec la génération présente et augmenter ainsi le champ de couverture des messages diffusés. Il en est de même pour une bonne partie du demi-million d'enseignants des trois cycles de l'éducation nationale et des 60.000 enseignants du supérieur. Les potentialités existent mais demandent simplement à être orientées et encouragées.

Nous vivons une phase délicate de notre existence en tant que Nation, il convient à tout un chacun d'œuvrer dans le sens de la réussite de la prévention contre la Covid-19 par une communication tous azimuts. C'est aujourd'hui notre seule arme de défense contre une pandémie qui progresse chaque jour davantage, en attendant la production de vaccins dans quelques mois !

*Médecin chercheur