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LA MONNAIE, ARME DRACONIENNE

par Abdou BENABBOU

Il est prématuré de déduire que la mise en circulation des nouveaux billets de banque ne soit qu'une simple opération commémorative de l'indépendance du pays. Un billet n'est pas assimilable à un timbre postal et sa symbolique pourrait paraître fantasque au moment où on chuchote sur la place publique que plus de 50 milliards de dollars seraient tapis dans l'ombre déstructurant la totalité de l'économie du pays.

Il n'est sans doute pas courant qu'une nouvelle monnaie soit injectée dans le marché, mais dans la conjoncture économique actuelle et au regard des promesses fermes du président de la République pour maîtriser et normaliser l'activité bancaire et commerciale, l'injection de nouveaux moyens de change ne peut paraître anodine. De l'aveu même du ministre des Finances, la nouvelle émission monétaire doit servir à lutter contre les transactions informelles, mais on ignore encore si toute la monnaie en cours doit être totalement changée.

Si le ministre met en avant l'impératif d'installer la confiance, le procédé choisi pour y arriver, s'il est seul, a toutes les chances de s'avérer d'une tiédeur certaine car une monnaie nationale n'est pas seulement un symbole d'une indépendance relative et d'une vague souveraineté. Si elle est dans la discrétion illégale pesée et non dans la franche transparence comptée, elle n'a que la valeur du sac poubelle dans lequel elle est enfouie et ira jusqu'à placer la justice et ses tribunaux au centre de démêlés incroyables où une panoplie de chefs de gouvernement, de ministres et de walis deviennent des invités forcés.

Elle est représentative du degré de puissance d'une nation et vers laquelle converge tout ce qui concourt à la vraie stabilité et à la force d'un pays.

Ce n'est pas elle qui crée la confiance et au contraire ce sont les innombrables rigoles des comportements variés qui nourrissent la judicieuse gouvernance pour bien asseoir la véritable harmonie d'une nation.

Pour une société de justice et de progrès et pour une confiance retrouvée, la monnaie doit être l'arme draconienne qui impose à la banque d'être au service du citoyen. Sinon la société entière gardera à l'esprit qu'elle n'est qu'une servitude contrainte à la disposition des pouvoirs et à la cupidité des magnats.