C'est à un calcul d'épicier sommaire auquel s'est prêté le très furtif ex-ministre délégué Chaabna. Un fauteuil ministériel dont la durée aurait pu s'avérer elle aussi furtive contre un passeport français. Personne ne doit lui dénier son choix et on devine les tribulations qui lui ont été nécessaires pour se frayer un chemin entre la paperasserie et les tracasseries administratives pour obtenir son agrément alors que l'enseigne de ministre lui est tombée du ciel. L'option prise est d'une simplicité mordante et elle ne donne pas lieu à des réprimandes ni à des emphases ronflantes sur un patriotisme dont il n'a cure. D'autres hauts responsables se sont parés de plusieurs nationalités avec discrétion et certains d'entre eux ont même assumé des responsabilités ministérielles relevant de la souveraineté sans que personne n'ait trouvé à redire. La liste est longue et le nombre des demandeurs de nationalité au niveau des ambassades étrangères donne le tournis en révélant un état d'esprit prégnant aux antipodes des fanfaronnades démagogiques livrées à tout bout de champ. Le patriotisme fort et sincère existe mais il est rarement la qualité de ceux qui ont la bouche trop ouverte.

A la vérité, dans cet épisode regrettable ce n'est pas le binational qui pose problème, mais est en cause la chaîne qui a mené à sa désignation. A bien des égards, il ne pouvait en être autrement car il faut avoir l'humilité de reconnaître que le président de la République a hérité d'un maillage déglingué des responsabilités à tous les niveaux. De la petite mairie au sommet de l'Etat. Les longues et lourdes péripéties judiciaires actuelles se présentent en preuves imparables sur la vraie nature du choix des hommes et sur ce pourquoi et comment ils ont été choisis. Copinage, familles, humeurs, règlements de comptes ont servi de plateformes essentielles et bien souvent d'uniques critères pour l'attribution des postes de responsabilité pour que l'articulation politique et économique du pays ne soit qu'au seul bénéfice des clans.

Chaabna et le reste démontrent que le démaillage nécessaire est une œuvre titanesque.