Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

DES HOMMES ET DES CONJONCTURES

par Abdou BENABBOU

Au-delà des motifs et des décisions prises jeudi par le Haut Conseil de la sécurité, on a le loisir de distinguer déjà quelques éclairages sur la recette politique du nouveau président de la République. De sa prestation de serment et du ton qu'il lui avait donné, on avait déduit qu'il ne comptait en aucune façon prêter à sa démarche un profil jupitérien et le verbe comme son intonation laissait apparaître une évidente sincérité. Pour qui le connaît, l'homme a toujours été d'une droiture et d'une simplicité marquées et il a toujours gardé au fond de lui l'humilité particulière de la paysannerie, convaincu de n'être qu'un homme parmi les hommes avec ses qualités et ses défauts. Sa carrure non encore dévoilée est, de toutes les manières, totalement opposée à celle de l'ancien président déchu et, contrairement à lui, la convocation du Haut Conseil de la sécurité dénote une volonté pour un travail d'équipe.

Bien évidemment, la conjoncture a changé et il ne peut en aucun cas se permettre de reprendre à son compte la navigation solitaire et outrancière d'un Bouteflika qui terrorisait ses ministres jusqu'à leur interdire de suggérer leurs avis sur des sujets qui les concernaient en premier lieu.

Cependant, Tebboune est seul responsable de ses actes et de la prise en charge de ses décisions devant le peuple et devant l'histoire. Il aura la lourde tâche de trouver une concordance positive entre ses obligations présidentielles et un peuple dans sa majorité désemparé, réclamant une nouvelle gouvernance le mettant à l'abri d'un cataclysme annoncé. On ignore s'il réussira à trouver et à appliquer une recette pour concilier les acteurs prédominants pour faire face à une situation nationale et internationale complexe où les forces sont souvent antagonistes. La métaphore sur les degrés de proportionnalité de la présidence avec ses quarts et ses trois quarts d'un passé récent est peut-être dépassée et au vu de son âge, il n'aura pas le loisir ni le temps de se figer sur une intention de pérennité disproportionnée. Mais il a déjà donné une indication éclairante sur sa volonté de donner un nouveau sens à un pouvoir politique impliquant la responsabilité positive partagée par tous. Son arme et sa grande armée seraient une nouvelle Constitution consignée par référendum.

L'idéal serait qu'elle soit intouchable et gravée pour l'éternité à l'écart du passage des hommes et des conjonctures.