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LES LAMPIONS DU TRIBUNAL

par Abdou BENABBOU

Sans préjuger de l'issue du procès mettant en cause les Toufik, Tartag, Saïd Bouteflika et la cohorte des personnalités à venir pour se présenter devant les prétoires, se détacher d'une amertume profonde est impossible. Qu'ils soient passibles de la peine extrême ou élargis importe peu. Bien qu'ils soient responsables du choix de leurs engagements à un moment de leur vie, qu'ils soient pendus ou libérés, l'événement qu'on qualifie aujourd'hui d'historique ternit, par-dessus tout, la conscience nationale.

Il ne s'agit pas de les dédouaner ou de les créditer d'on ne sait quelles circonstances atténuantes. Il est permis de s'avouer, la mort dans l'âme, que ces personnalités, justement ou injustement incriminées, ne sont pas tombées du ciel. Elles ont été acteurs et victimes en même temps d'une gouvernance déboussolée où les égos surdimensionnés se nourrissaient de tares variées et multiformes à la limite des attributs sataniques. Elles ont été aussi des marionnettes bourrées d'un mauvais esprit de suffisance, trompeusement convaincues qu'il suffisait de bomber le torse pour qu'un peuple entier soit convaincu de leur divinité.

Moult exemples du genre sont offerts par l'histoire pour qu'elle s'attribue à travers les siècles de fabuleux rictus à l'adresse d'hommes qui se prenaient pour des dieux. On sait ce qu'il est advenu des crapules et des monstres qui ont traîné leurs peuples vers la déraison et la décrépitude. Des centaines de millions d'êtres sont morts à cause de faux tsars et de leurs folies entraînantes.

Reste que les lampions du tribunal militaire de Blida, subitement aveuglants, imposent un éclairage déchirant. On a eu un chef d'Etat paraplégique au regard évanescent sur un engin roulant et on a aujourd'hui un ancien rab dzair sur une chaise roulante. Les images livrées hier matin sont si interprétatives qu'elles contraignent à se demander qui de la société, de la mortelle gouvernance ou des institutions délabrées mériterait la potence.

Le crime dont ils doivent être jugés, eux et ceux qui les ont accompagnés, serait aujourd'hui celui d'avoir embarqué un peuple entier dans un fauteuil déglingué roulant.