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Déficit commercial, régulation de l'importation Echec sur toute la ligne

par Yazid Alilat

La dégradation du solde commercial de l'Algérie, durant le premier semestre 2019, était prévisible et liée à la nature de la structure de l'économie nationale, marquée par l'absence de moteurs de la croissance des exportations, ont expliqué des économistes algériens.

L'Algérie qui a vu, encore une fois, son déficit commercial se creuser à fin juin 2019 à 3,18 milliards de dollars contre 2,84 milliards de dollars à la même période en 2018, est aujourd'hui dans l'obligation de changer de cap et s'orienter efficacement vers l'investissement productif, selon ces économistes. Pour Mustapha Mékidèche, expert et vice-président du CNES, il faut « trouver des solutions efficientes pour réaliser une croissance économique diversifiée », ce qui est pour lui « un défi fondamental», car la dégradation du solde commercial de l'Algérie durant les six premiers mois de 2019 est «structurelle» depuis plus d'une décennie.

Pour cet expert, et ancien président de l'Union nationale des entreprises publiques (UNEP), « l'absence d'autres moteurs de la croissance des exportations, conjuguée à l'instabilité du marché pétrolier, ont mené l'Algérie tout droit vers cette situation de déficit commercial ». « C'est devenu mécanique !», a-t-il estimé, avant de relever que pour sortir de cette situation, l'économie nationale devrait s'orienter vers une politique de diversification « significative » en relançant le secteur industriel. « Tant qu'on n'aura pas réglé ce problème structurel, la situation de notre commerce extérieur va inévitablement s'aggraver», a prévenu M. Mékidèche.         

Ce qui n'arrange guère la situation, c'est que les prix de pétrole ne se sont toujours pas stabilisés à des niveaux avantageux du fait d'un contexte géopolitique international stressé par les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, et politiques entre Téhéran et Washington. Dès lors, il faudra « mettre à plat l'ensemble de la politique de ré-industrialisation de l'économie nationale », préconise encore M. Mékidèche, pour qui cette politique « ne produit pas des ressources en devises pour le pays. » « L'Algérie a mis en place un modèle économique qui absorbe plus de devises et qui ne permet pas, en contrepartie, à ses produits de se positionner sur les marchés internationaux », a-t-il argumenté, avant de souligner que « pour le moment, on a manqué d'efficacité pour diversifier notre économie. Il s'agit d'un véritable problème ». Pour sortir de la dépendance des mono-exportations et aller vers une diversification des produits à l'export, il a ainsi préconisé la tenue « d'assises nationales sur l'économie, et ouvrir ce dossier loin de tout populisme ou toute surenchère, car une telle situation ne peut durer».

De son côté, Smaïl Lalmas, expert en commerce extérieur, estime important d'encourager « l'investissement productif et la création d'entreprises », mais aussi de renforcer la compétitivité des PME. « On ne peut se limiter uniquement au contrôle des opérations d'importation et ignorer le développement de l'économie nationale qui passe inévitablement par la création d'entreprises et de richesses », explique-t-il. Le déficit commercial enregistré durant le 1er semestre démontre que « tout les mécanismes et mesures mis en place visant à réguler les importations et promouvoir les exportations hors hydrocarbures ont échoué », estime-t-il. Le constat alarmant de la situation de blocage de l'économie nationale établi par des experts et des économistes est loin des déclarations péremptoires de responsables, dont le ministre du Commerce, qui avait fanfaronné en décembre dernier que l'Algérie allait passer à l'exportation de voitures montées localement en 2019. Ou celles de l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, actuellement en détention provisoire, qui affirmait que l'économie nationale était capable de dépasser le cap des deux milliards de dollars d'exportations hors hydrocarbures.

La balance commerciale de l'Algérie a enregistré un déficit de 3,18 milliards de dollars durant le 1er semestre 2019, contre un déficit de 2,84 milliards de dollars à la même période en 2018, selon la direction générale des Douanes (DGD).

Les exportations algériennes durant la même période se sont établies à 18,96 milliards de dollars contre 20,29 Mds Usd à la même période de 2018, soit une baisse de -6,57%, selon la même source. Les importations ont atteint 22,14 Mds Usd contre 23,14 Mds Usd, enregistrant une baisse minime de 4,30%.

Durant cette période, les hydrocarbures ont représenté l'essentiel des exportations algériennes au cours du 1er semestre 2019 (93,10% du volume global des exportations) soit en valeur 17,65 Mds Usd, contre 18,84 Mds Usd durant la même période en 2018, en baisse de 6,31%. Quant aux exportations hors hydrocarbures, elles sont marginales, à seulement 1,31 milliard de dollars au 1er semestre 2019, soit 6,90% du volume global des exportations, contre 1,45 milliard de dollars à la même période en 2018, en baisse de 10,01%.