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DES ATTRIBUTS DE ZOMBIES

par Abdou BENABBOU

Nous nous parons souvent de lunettes déformantes pour juger notre voisin immédiat et pour évaluer notre environnement. Notre jugement est fatalement subjectif, empreint d'observations plates basées sur une culture réductrice forgée par un universalisme dont nous ne saisissons pas toujours les contours. Traiter le peuple de «ghachi» et affirmer que l'on se serait trompé de société, aussi vrai que soit le constat, produit par un moment de dépit ou de colère, et aussi imparable qu'il soit perçu face à un non-respect des normes, relève cependant d'une myopie évidente quand nous occultons l'étroite dimension historique du pays et quand nous sommes réduits à ne nous comparer qu'aux nations qui imposent leur cadence de marche sur toute l'humanité.

Il y a un peu de ça dans notre désir de mettre l'Algérie au niveau des pays très avancés, bien que l'on oublie que tout n'est pas rose chez eux et l'on ne retient que leur côté jardin occultant leur immense misère à peine cachée et les drames que vivent en silence des pans entiers de leurs sociétés. On oublie que leur grande force repose sur des institutions solides bâties par des siècles de terribles turbulences et des millions de morts.

Il est vrai que par des moments de désarroi et d'incompréhension nous nous surprenons détenteurs des attributs de zombies. Par manque de lucidité et un trop plein d'infantiles fanfaronnades, par les fausses croyances et les puériles visions de nos incompétents dirigeants et par notre très court parcours perturbé depuis l'indépendance nous ne pouvions revêtir que le profil de l'inculture et de la régression mais en gardant cependant les circonstances atténuantes dévolues à de trop jeunes pays. Et s'il y avait une comparaison à faire, il faudrait orienter le regard vers des jeunes nations assises sur des richesses naturelles inouïes mais où la famine et les épidémies ont toujours leur mot à dire pour nous suggérer que notre rente pétrolière nous aurait été souvent présentée injustement comme élément à charge.

La pénible conjoncture historique que traverse actuellement l'Algérie serait donc, par le tissage et le fourmillement d'une multitude de subjectivités dangereuses, une étape naturelle. La nature est d'abord et avant tout norme et l'exigence aujourd'hui pour les Algériens est un retour à la norme.