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Mesures de confiance

par Mahdi Boukhalfa

Les bases d'un dialogue national inclusif pour une sortie de crise politique que doit mener une équipe de personnalités désignées par la présidence sont jetées. La présidence, qui tient plus que jamais à organiser une élection présidentielle comme préalable politique de sortie de crise, une priorité en fait du pouvoir, a, pour se faire entendre par la classe politique, envisagé des «mesures de confiance» pour faire aboutir son projet. En clair, et à la demande du panel de personnalités désignées jeudi pour mener ce dialogue politique national, le pouvoir a annoncé qu'il va exécuter des mesures de confiance sous la forme d'une probable libération de personnes arrêtées durant les manifestations du vendredi et envisager également un allègement du dispositif sécuritaire et la pression sur les médias.

Dans les faits, et face à l'impasse politique actuelle, tout est mis en œuvre pour imposer une élection présidentielle coûte que coûte pour couper l'herbe sous les pieds de tous ceux qui appellent à une refondation de l'Etat algérien, au départ de tous les représentants de l'ancien système et l'avènement d'une nouvelle république avec du sang neuf. Cependant, aller vite et dans la précipitation, sous la pression du pouvoir, à des élections présidentielles c'est assurément courir le risque d'un chaos politique sans pareil, puisque les fondements de l'organisation d'une élection présidentielle dans les meilleures conditions politiques et sociales possibles ne sont pas garantis, encore moins réunis. En même temps, tout a l'apparence, avec l'offre du dialogue politique élaboré par la présidence, d'une condescendance envers le « Hirak » et la société civile auxquels on ouvre une sorte de porte de sortie, une friandise politique, sinon un cadeau, empoisonné quand même, pour permettre à l'opposition de ne pas perdre la face et au pouvoir de négocier en position de force.

Avec les dernières offres politiques annoncées ces derniers jours, elles ont pris la forme d'une offre de sortie de crise « à prendre ou à laisser ». Cela est palpable dans ces mesures de confiance ou d'apaisement, c'est selon, que concède le pouvoir à la rue algérienne. Et cette concession politique montre prodigieusement combien la distance séparant le pouvoir et les partis d'opposition et la société civile est grande. En même temps, l'offre de dialogue national de la présidence pour l'organisation d'une élection présidentielle est porteuse de tous les dérapages : d'une part, l'opposition ne veut pas d'élections dans les conditions politiques actuelles et, d'autre part, elle redoute que cette manœuvre ne soit orchestrée, sinon pensée, rien que pour maintenir, sous des formes plus démocratiques et acceptables vues de l'extérieur, du pouvoir et du mode de gouvernance décriés par l'opposition et la rue algérienne.

L'imbroglio politique qui bloque depuis quelques années la Tunisie sœur doit réveiller, ici en Algérie, tous ceux qui pensent à tort qu'aller vite vers des élections présidentielles, dans les circonstances politiques, sociales et économiques actuelles, est la bonne solution. Il reste au panel des personnalités désignées par la présidence de convaincre tout le monde que la priorité n'est pas tant d'aller vers des élections mais de réorganiser la vie de tous les jours, remettre le pays sur les rails, le sécuriser économiquement, reconstruire les fondements d'une nouvelle Algérie. Après, tout est négociable.