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Le tour de main des mages

par Abdou BENABBOU

Il fallait sans doute bien que l'exemple soit donné. Une tentative d'effacer les suspicions légitimes d'une large tranche de la population et de tous ceux qui s'évertuent à se prêter au change avec un pouvoir en place tenace qui ne s'agrippe qu'à la seule présidentielle. Une manière de manifester une bonne foi dans la démarche pour apparaître, par moments, comme une décharge d'une lourde responsabilité.

On est tenté de croire que ce qui reste des accointances difficiles à gommer a fait sien l'adage qui veut que pour en finir avec un serpent venimeux, il est recommandé de lui couper la tête plutôt que la queue. La mobilisation spectaculaire des tribunaux a en tout cas tétanisé plus d'un et il faut croire, pour l'instant, qu'elle a, sans conteste, évité au hirak de déraper.

Mais la tête du serpent est-elle réellement là où on s'efforce de la situer, car le phénomène de la corruption en Algérie est une hydre à laquelle il sera difficile de demander de rendre des comptes comme l'a exigé Gaïd Salah lundi à Bechar ?

La corruption n'est pas seulement une question de larcin à grande échelle, et il faut bien admettre que le peuple algérien a été victime d'une grande escroquerie depuis la nuit des temps. On se rappelle au passage de la véhémence d'un des vieux baroudeurs des frontières adressée à Houari Boumediene l'accusant de corrupteur, lui reprochant d'avoir éjecté des officiers hors d'une ANP balbutiante en les soudoyant avec des prêts financiers sans intérêt. On garde aussi à l'esprit la perversité, voulue et programmée par les décideurs, des tentacules voraces des différentes lois sur le monopole.

L'implacable couloir de la dépendance imposé par les décideurs pour leur propre bénéfice a enfanté les premières grandes fortunes indues. Il faudra bien admettre que la légitimité historique, butin de guerre et registre de commerce, a autorisé des flibustiers de la dernière heure à glorifier leur appétit et à élargir leurs épaules. Tous les Algériens sont au fait des tours de main des mages très initiés aux rouages particuliers pour arracher de la manière la plus légale des châteaux et des résidences huppées au dinar symbolique.

L'heure de rendre des comptes a peut-être sonné. Mais l'enchevêtrement pestilentiel du très lourd héritage serait impossible à démêler. Le préambule du chef d'état-major est d'autant plus ardu que la majorité de la population, bien malgré elle, n'a pas été, à bien des égards, innocente dans l'assise de ce véritable cafouillage.

Du dernier coup de semonce de Gaïd Salah il ne faudra pour le moment ne retenir que le gage.