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LE LOGEMENT, LE PAIN ET L'ESPRIT

par Abdou BENABBOU

Alors ? Nous en sommes où ? Hier, le peuple comme tous les vendredis n'a pas encore marqué le pas dans sa marche dont on ne retient que le symbole des arrestations qui se veulent spectaculaires qui donnent naissance à la dérision d'un Rebrab qui ronfle à la prison d'El Harrach ou un Haddad et des Kouninef qui se pavanent dans des «cages dorées».

On n'en sait pas plus et nous restons coincés entre des communiqués contradictoires révélateurs d'un désarroi national car le mal est si profond que trouver le bon itinéraire est devenu aujourd'hui un exercice impossible.

Il est quand même significatif et en même temps paradoxal qu'une majorité de doléances veuille s'en remettre à l'armée après qu'elle ait été depuis un demi-siècle par cette majorité décriée. Le paradoxe devient si fort quand ce sont le canon et le fusil qui ont intronisé ce contre quoi le peuple continue de marcher. La marche n'est sûrement pas aveugle et il émane d'elle, mêlée des odeurs d'espoir, de lassitude et d'impuissance. Les slogans et les récriminations aux couleurs d'un printemps particulier n'arriveront pas à cacher que distribuer des logements gratuitement n'est pas œuvre de démocratie et que payer une baguette de pain à son mauvais prix n'est pas preuve de justice et d'équité.

Rebrab, Haddad, Kouninef ne résument pas à eux seuls la malédiction nationale tant est qu'on puisse cependant prouver la tacheté de leurs mains. Le petit fonctionnaire dont le salaire est à peine équivalent à deux fois le Smig et qui a réussi à ériger une habitation à trente milliards démontre si besoin est que la consonance que l'on prête à la corruption est plus profonde que n'importe quelle chansonnette à l'adresse de quelques personnes qui ont forgé leurs auréoles sur une culture de la cupidité et des passe-droits généralisés.

Figés, nous en sommes là. Quand un chef d'Etat instruit un wali devant tout le monde pour attribuer sur-le-champ un appartement à une demoiselle repue, il se met au même niveau qu'un rançonneur gardien de parking. Il ne se rendait pas compte que c'était tout un peuple qu'il logeait dans cet esprit.