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Vendredi «5»

par Mahdi Boukhalfa

Hier, les Algériens ont consommé un 5ème vendredi consécutif, sous la pluie, de manifestations pour le départ du pouvoir, du président et le changement politique. Dans un parfait mouvement de protestation pacifique, digne, ils étaient des milliers à faire pression pour le départ du pouvoir qui ne semble pas prêter une oreille attentive à cet appel d'air des Algériens. Le pouvoir s'accroche, et ne veut pas lâcher prise, et s'est perdu dans une vaine tentative d'aller défendre à l'international le bien-fondé d'une feuille de route que les Algériens ont rejetée. Et, pour la 5ème semaine consécutive de protestations depuis ce vendredi 22 février, la moisson est conséquente: le pouvoir est ébranlé, les partis qui le soutiennent commencent à se disloquer et les « retournements de veste » s'accélèrent.

La folie de cette candidature de trop, qui a fait sainement réagir les Algériens pour reprendre leur destin en main et ne plus déléguer une autre autorité que ses représentants pour les gouverner, est maintenant en train de sourdre de ce pouvoir, longtemps considéré comme un totem à vénérer dans la conception du parti unique, qui se déchire. La sortie ubuesque du porte-parole du RND dénonçant «des forces anticonstitutionnelles» qui gouvernent le pays, le Journal officiel qui confirme que le 5ème mandat a bien été l'objectif du président et l'absence de propositions concrètes aux marches et manifestations populaires depuis le 22 février dernier, hormis le plan «B» d'ailleurs rejeté de la conférence nationale inclusive, montrent bien par ailleurs que le pouvoir est actuellement bloqué. D'autant que le «gouvernement de compétences nationales» dont a été chargé le Premier ministre Noureddine Bedoui accumule les échecs et reste peu crédible aux yeux de l'opinion publique et des acteurs de la société civile. Beaucoup estiment qu'il aura du mal à former un gouvernement de transition consensuel dès lors qu'il représente le pouvoir qui continue d'ignorer les revendications du peuple.

Autre camouflet, la démarche du vice-Premier ministre Ramtane Lamamra à aller défendre à l'international le plan «B» du président Bouteflika montre à quel point le décalage entre le peuple et ses gouvernants est grand et qui se creuse chaque semaine, chaque vendredi un peu plus. Car au même moment il n'y a eu aucune annonce rassurante ou de nature à montrer que les revendications populaires ont été entendues par le pouvoir. Par contre, la pression populaire est en train de faire imploser les partis de la majorité qui, sans honte ni retenue, commencent à se ranger, peut-être plus par opportunisme que par courage politique, du côté des revendications du peuple.

Au soir du 5ème vendredi de protestations populaires consécutives, rien ne laisse entrevoir un recul du président quant à son intention de prolonger son 4ème mandat et de se retirer au 28 avril prochain, date butoir de la fin de sa dernière mandature, la plus catastrophique sur les plans politique, économique et social. Quant à sa requête auprès des capitales occidentales de le soutenir pour prolonger son 4ème mandat avec le fallacieux prétexte de partir après des élections transparentes, sans fixer de date précise, elle explique autrement que le pouvoir, qu'il soit le président Bouteflika ou ceux qui sont derrière lui, n'a jamais eu l'intention de partir au bout de sa mandature actuelle qui s'achève dans un peu plus d'un mois.