Un ami, me
croyant dans la béatitude du pouvoir ou ayant un facile accès à sa magique
messagerie, m'avait demandé en me précisant niaisement:
« Vous les journalistes, dites à Bouteflika de se présenter encore pour un
autre mandat à condition qu'il apporte cependant une révolution déferlante dans
la pratique de ce pouvoir ». Il s'enthousiasmait pour me dire : « Dites-lui de
gommer radicalement et dans son entièreté le gouvernement actuel. Dites-lui de
nous nommer des ministres jeunes et surtout neufs. Des ministres qui ne lisent
pas des discours, toujours des discours et encore des discours, lesquels, à
défaut d'être pleins de vides et vides de vérité, ne sont que des idées
brouillées cherchant à séduire et à plaire. Des ministres qui ne font pas de la
fonction une carrière longue et chanceuse, mais une mission honnête et une
charge morale ». Pourtant cet ami ne cultive pas l'amour du système, encore
moins de pouvoir s'inscrire dans l'opposition qu'il fustige à boulets de canon.
Pour lui, tout est dans la complaisance, dans la compromission. Il ne voit la
politique qu'à travers ceux qui la pratiquent, m'affirmait-il, et ainsi, il en
a gros sur le cœur. Ce ministre, qui, pris en otage par ses secondaires,
n'arrive plus à se décanter pour extirper les causes des effets d'un phénomène
migratoire, n'est plus apte à régenter les prochaines élections, tenait-il à
m'indiquer, me prenant pour un puissant décideur. Cet autre, parlant de
l'emploi au lieu de constater et réduire le chômage, faisait de son fils ado un
investisseur potentiel. Dites-lui que tous ces ministres dont les uns ou les
autres arrivent mal à battre leur nudité en essayant de la faire suppléer par
une élégance qui n'est pas la leur. Ils n'ont aucun résultat au moment où ils
défilent leur bilan, dont les seuls applaudisseurs sont ceux-là mêmes qui les
ont conçus. Le peuple n'en a rien vu ou presque. C'est vrai, dites-le lui, que
l'Etat a consenti beaucoup d'efforts dans le logement, les écoles, les routes,
les minarets, les bancs publics, les infrastructures quoi ! Mais ceux en charge
de faire vivre ces réalisations ont ?'criardement''
manqué de leur insuffler l'âme qui leur manque. Le logement est mal fait, mal
distribué. L'eau ne coule pas dans tous les robinets, la neige dévoile le
mauvais asphalte, la pluie dérange les ponts, l'économie tousse au moindre
frisson pétrolier, le choléra tue, l'agriculture est dans une aigrie-culture,
la bureaucratie a pris d'autres formes inintelligentes, le permis à point ne
pointe pas encore son nez. Parole, parole ! Alors, le cinquième mandat, me
disait-il, passera si vite, pas aussi longuement qu'ils nous ont fait subir ces
ministres comme diabète généralisé et hypertension collective. Dites-lui que
nous avons la phobie jusqu'au cou de les voir et revoir en boucle de journée
dans les télés, les réseaux sociaux, mais jamais dans la rue, les cafés, le
marché ou à côté de chez nous, enfin là où nous sommes, là où nous existons, où
nous mourrons. Ainsi, nous voulons des ministres à nous, qui partagent nos
paliers d'immeubles, empruntent les mêmes embouteillages, qui connaissent le
boulanger du quartier pas les grands minotiers, l'épicier du coin pas les gros
importateurs, qui voyagent à Timgad, Touggourt, Tébessa, Tiaret, Sétif, Tlemcen
pas Paris, Rome, Genève ou Barcelone. De jeunes ministres, tous neufs qui
pensent à nous pas à leur p'tits enfants où à leur proche agonie. L'autre
condition, s'il le permet, dites-le lui, c'est de dissoudre, supprimer, broyer
l'Assemblée nationale et à jamais radier, écraser ses mauvais élus actuels.
Repenser la fonction élective, oui comme dans le parti unique, par noms et
prénoms, non pas par des lots en gros et des listes concomitantes. Ceci dit,
avant de reformuler tout le paysage des partis et leur mode de fonctionnement.
Mon ami boumediéniste dans le sang, ancien
progressiste, déplore la situation actuelle, là où la postérité ou bien la
providence, croit-il, a rangé Bouteflika au crépuscule de son parcours. Lui,
l'ami de Boumediene, lui qui avait connu tous les grands du dernier siècle et
côtoyé ses sommités, se trouve hélas entouré de tels faciès, de tels mal-habiletés. Wallah, c'est une
honte en face de l'histoire. Dites-lui, en baroud d'honneur, en ultime salve
chevaleresque, par serment de moudjahid, par devoir sacrificiel et à la mémoire
des chouhada, de sauver la dignité nationale en
congédiant tout ce personnel politique frappé de ménopause et d'infertilité.
Rien ne l'empêcherait de réviser la Constitution en enracinant le pays
profondément dans la vraie démocratie, souhaitait mon ami, par l'instauration
d'un régime pluriel, diversifié et équilibré où la plénitude de la souveraineté
reviendra au peuple, seul héros. Vu et transmis en lui précisant que ceci sera
fait en toute évidence après le 18 avril prochain, cinquième ou pas.