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Une question de stabilité

par Mahdi Boukhalfa

Cela a le mérite de la clarté: le Premier ministre et SG de la seconde force politique du pays, Ahmed Ouyahia, affirme que l'Algérie ne connaît «ni crise ni problèmes politiques». Sûr de lui, le patron du RND, qui a réaffirmé dimanche le soutien de son parti à un 5ème mandat présidentiel pour M. Abdelaziz Bouteflika, dément d'une manière catégorique que l'Algérie traverse une quelconque crise ou connaisse des problèmes politiques, à l'issue d'une rencontre avec le leader du MSP à qui il a rappelé les positions intangibles du RND sur le soutien au président Bouteflika et à la «continuité politique» qu'il incarne.

A partir de là, le SG du RND, avec sa double casquette de Premier ministre, invite tous les acteurs politiques à éviter autant d'embrigader l'armée dans le jeu de coulisses politiques que de tomber dans le piège de revendiquer une transition démocratique à quelques mois de l'élection présidentielle. Une manière comme une autre pour le Premier ministre, en troquant sa casquette de N°1 du RND, pour dire d'une part qu'il est pour que le président Bouteflika rempile pour un 5ème mandat, balayant d'un revers de la main les remarques des partis et des observateurs politiques sur l'état de santé du président, et d'autre part pour s'aligner sur la dernière sortie du vice-ministre de la Défense, mettant du coup hors jeu l'appel du MSP pour une transition démocratique et une alternance au pouvoir.

Les éclairages d'Ahmed Ouyahia sont pourtant édifiants sur la situation générale qui prévaut dans le pays, en particulier sur le volet économique et social. Car là, cependant, il reconnaît qu'il y a des problèmes. Et le confirme en relevant que «le pays connaît des difficultés économiques et sociales», mais s'obstine à affirmer qu'il n'y a pas de problèmes politiques, ce qui conforte de facto la voie à une possible candidature du président Bouteflika à un 5ème mandat. Après donc Ould Abbès, Ouyahia est on ne peut plus clair sur ce point qui inquiète cependant les partis d'opposition, rappelant que son parti a «lancé un appel public au moudjahid Abdelaziz Bouteflika pour qu'il poursuive son œuvre de construction pour assurer la stabilité de l'Algérie». Certes, si le parti du Premier ministre soutient donc «la continuité politique» et évite les écueils dangereux d'une transition politique qui ferait l'impasse sur l'échéance d'avril 2019, il reste qu'Ahmed Ouyahia est pragmatique et, surtout, veut éviter «la casse sociale» avec ces manifestations et troubles dans plusieurs villes du sud du pays qu'il a dénoncés.

En reconnaissant qu'il y a des insuffisances sur le plan social et économique, il tente de les circonscrire, estimant que leur prise en charge ne se justifie pas par «l'anarchie». Car le Premier ministre sait parfaitement que la grogne sociale est en train de monter en puissance, en particulier dans les régions du sud du pays où les conditions météorologiques ont accentué les frustrations sociales et les insuffisances en matière de couverture des besoins des populations locales, notamment pour lutter contre le chômage. Une épine dans le pied d'Ahmed Ouyahia qui doit autant en tant que Premier ministre calmer la colère de la rue, y compris donner des réponses rassurantes aux jeunes en quête d'emploi, stabiliser le front social et les grands équilibres macroéconomiques que de maintenir le cap vers la prochaine présidentielle, du moins donner du poids à la position du RND quant à un 5ème mandat de Bouteflika. En cela, le Premier ministre comme le chef du RND reste inflexible : l'Algérie, dans la phase politique et économique actuelle, a plus que jamais besoin de stabilité, de continuité.