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Confusion

par Mahdi Boukhalfa

Tout le monde attend ce qu'il en sortira aujourd'hui du Conseil des ministres que devrait présider, sauf imprévu de dernière minute, le président Bouteflika. Jamais un tel Conseil des ministres n'a capté autant l'attention et l'intérêt de l'opinion publique et des experts en même temps. Car ce qui est en jeu lors de cette réunion, c'est tout simplement la nature des rapports entre le pouvoir en place, les citoyens et les opérateurs économiques. Pourquoi un tel intérêt à un projet de loi de finances complémentaire 2018 ?

En réalité, ce texte, déjà retoqué par le président Bouteflika, qui a demandé à son Premier ministre de le revoir sur certains points, contient des éléments qui ont abasourdi l'opinion publique et étonné les experts. Il s'agit bien sûr des nouveaux tarifs, il faut bien les appeler ainsi, des documents administratifs les plus utilisés non pas par les Algériens, mais par tous les citoyens du monde. Or, les nouveaux tarifs que compte appliquer le gouvernement à ces documents administratifs (passeport, permis de conduire, CIN) et les explications pour justifier des niveaux de prix ahurissants laissent perplexes les plus avertis. Les explications du gouvernement ou de certains de ses membres n'ont convaincu personne. Il est donc tout à fait logique qu'aussi bien les citoyens que les opérateurs et les analystes attendent quelle sera la réaction du président devant cette seconde mouture du PLFC 2018 et, surtout, s'il va entériner ou pas le projet.

Dans les deux cas, la position du chef de l'Etat sera sans équivoque mais, à bien des égards, l'opinion publique s'attend à des aménagements de certains chapitres de ce PLFC 2018, dont les tarifs des nouveaux documents administratifs. Dans le cas où les propositions du Premier ministre sont validées, il s'agira alors d'un coup de force. Mais, il serait prématuré de prédire quoi que ce soit sur l'avenir de ce projet de loi qui comporte également, et cela a été peu évoqué, d'autres taxes qui montrent à quel point le gouvernement Ouyahia est un fervent adepte de cette politique du «un pas en avant, deux pas en arrière». Il s'agit des avantages accordés à l'industrie du montage automobile qui vont être écornés avec l'introduction, une autre proposition de ce PLFC 2018, d'une TVA à taux réduit (9%) sur les collections de voitures en CKD et SKD montées en Algérie. Résultat : les prix des voitures seront revus à la hausse pour compenser l'augmentation des coûts de fabrication. Et, en bout de ligne, là également, ce sera le citoyen qui va payer plus qu'il n'en faut son véhicule, s'il en a les moyens.

Or, le gouvernement, pour attirer les investisseurs dans le secteur de la construction automobile, avait levé les barrières administratives et accordé des avantages fiscaux. Avec le PLFC 2018, le gouvernement Ouyahia fait marche arrière, tout comme l'introduction d'un droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS) applicable aux importations de produits de luxe avec un taux variant entre 30% et 200%. Ces produits, qui seront soumis à cette taxe, devront être importés librement au lieu d'être interdits. Dans ce maelström de taxes, de décisions et contre-décisions, le gouvernement Ouyahia donne l'impression d'être un peu perdu, car il est en train de revenir sur ses décisions, notamment les grandes mesures prises pour capter l'investissement étranger, réguler le commerce international, financer la reprise économique et faire baisser les effets sociaux de la crise financière. Le président va-t-il encore le recadrer ?