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Raffinerie d'Augusta, partenariat: Les explications du PDG de Sonatrach

par Ghania Oukazi

Abdelmoumène Ould Kaddour a tenu hier à préciser la stratégie du groupe Sonatrach notamment pour ce qui est du raffinage et de l'acquisition d'Augusta. Il déclarera «sa frustration» pour le retard de réalisation de celle de Sidi Yacine. Il jugera aussi «le code des douanes trop compliqué».

Ciblée comme elle l'est depuis plusieurs années, l'Algérie a obligé hier le président-directeur général du groupe Sonatrach à appeler à plus de vigilance notamment pour ce qui est de l'information qui est donnée. «Nous sommes scrutés par tout le monde, entres autres raisons, celles politiques, nous sommes sur un site géographique très complexe, la situation sécuritaire de nos voisins, chaque information donnée est étudiée, évaluée et a un impact direct sur l'Algérie, il faut que nous soyons responsables de ce que nous disons», a souligné Ould Kaddour en avant-propos de la conférence de presse qu'il a animée hier au siège de l'entreprise. Il rappellera que depuis «une dizaine d'années, nous avons enclenché un processus pour redorer l'image de l'Algérie, il faut qu'on le fasse ensemble». Il promet alors qu'il s'engage à informer «tous les trois mois» l'opinion publique de tout ce que fait Sonatrach.

Hier, il avait chargé Farid Ghazali, un de ses cadres, de rendre public ce qu'a réalisé le groupe au 1er trimestre 2018. Entres autres réalisations, la mise en production du champ de Timimoun en association avec Total et SipSa et celle des deux gazoducs pour alimenter en gaz de ville Tamanrasset et Djanet. La stratégie de Sonatrach à l'horizon 2030 est aussi évoquée. Le premier périmètre entré en production primaire a réalisé au 1er trimestre de cette année «pratiquement le même niveau qu'à la même période de l'année dernière à savoir 49,6 millions de tonnes/pétrole». Précision de taille de Ghazali : «Nous devons respecter notre quota OPEP», a-t-il dit. Une production marquée par un déficit de 400.000 tonnes sous l'effet de la maintenance apportée «pendant un mois» au champ de Hassi Berkine. La production du gaz a cependant augmenté de 10% par rapport à la même période de 2017 «elle a été de 35 milliards de m3, 103% de nos objectifs trimestriels». «Nous avons respecté nos engagements vis-à-vis de nos clients et aussi des besoins du marché national, nous avons satisfait toute la demande», affirme le cadre de Sonatrach.

Raffinage à Hassi Messaoud en 2020?

Le volume de l'exportation, selon lui, a été en légère baisse due à la production de 400.000 tonnes de brut pour être «envoyées pour le processing et rapatriées en carburants (gasoil et essence)».

Mohamed Kharoubi, un autre cadre de Sonatrach, emboîte le pas à son collègue pour aborder la fiscalité pétrolière, le chiffre d'affaires de Sonatrach et sa stratégie de raffinage. Les principaux agrégats financiers du 1er trimestre de l'année en cours ont évolué de 27%. «Le chiffre d'affaires de Sonatrach est de plus de 9,8 milliards, il aurait été plus important s'il n'y avait pas eu d'opération de processing», note-t-il. Sonatrach voit les revenus de ses 331 périmètres ponctionnés de 70% par le Trésor public au titre de la fiscalité pétrolière.

La stratégie de raffinage semble tenir à cœur l'ensemble du staff du groupe pétrolier. Ses cadres affirment en premier que «nous avons importé des carburants par appels d'offres à partir de 2011 pour plus de 12 millions de tonnes de gasoil et 500.000 tonnes d'essence». Kharoubi signale «la volatilité des marges de raffinage même si le prix du baril de pétrole ne bouge pas». Le pétrole raffiné vaut ainsi plus cher que le brut exporté. «Des pics de la volatilité de la marge du raffinage nous font payer 1,8 fois plus par rapport au pétrole brut», indique-t-il. Sonatrach réfléchit à «comment satisfaire le marché national en carburants tout en ayant le moins possible recours à l'importation par appels d'offres». Il faut, soutient l'orateur, «augmenter les capacités de raffinage et de transformation en Algérie, recourir au processing à l'étranger, raffiner à l'étranger, investir dans le raffinage avec un partenaire étranger?». Augmenter les capacités de raffinage à Hassi Messaoud est jugé plus économique «que de remonter le brut au nord et faire descendre au sud les produits raffinés».

Sonatrach a ainsi opté pour la réalisation de ce projet en lui finalisant un cahier des charges et dont la mise en exploitation est prévue à partir de 2020. Craquer le fuel à Skikda est aussi prévu. «Le projet de la réalisation d'un hydrocraqueur est prévu pour 2020», précise Kharoubi. Le PDG de Sonatrach a voulu clarifier certaines données relatives à l'achat du groupe de la raffinerie italienne Augusta. «Ça nous permet de processer notre pétrole brut, et d'économiser une partie des frais de processing à l'étranger, dégager des produits en surplus pour les marchés internationaux, disposer d'un actif dans le raffinage (source d'optimisation), et avoir de gros débouchés pour nos charges pétrolières», soutient-il.

«La raffinerie Augusta a 46 ans d'âge»

Il sera aussi permis à Sonatrach de «déconcentrer son portefeuille de clients qui se limitent pour l'heure à 4 gros». Sur «au moins trois autres opportunités qui ne traitent que le pétrole moyen alors que le notre est léger, nous avons opté pour Augusta sur la base d'un cahier des charges et à la condition acceptée par Exxon Mobil de reprendre les lubrifiants pendant une dizaine d'années», fait savoir Kharoubi. Sonatrach se targue donc «d'avoir des revenus garantis sur dix ans». Prévue d'être acquise à la fin de l'année en cours, la raffinerie Augusta l'italienne a plu aux gestionnaires de Sonatrach pour avoir des critères intéressants. «La taille en est un puisqu'elle traite 10 millions de tonnes par an, donc aucun risque de fermeture, la complexité de la raffinerie avec un ensemble d'unités et de procédés qui garantissent un rendement en carburant élevé(?) .»

Augusta est «la 2ème raffinerie de Sonatrach après Skikda (16 millions de tonnes), elle a un meilleur rendement en carburants et en traitement de base (8 fois plus) (?).» Les cadres affirment qu' «Augusta est équipée de plusieurs procédés qu'on ne connaît pas, qu'on va expérimenter après la réalisation du projet de Hassi Messaoud, ce sont donc des opportunités d'apprentissage unique en plus c'est une très bonne école en maintenance». Elle est aux normes internationales (2020) des organisations maritimes. Géographiquement, bien qu'elle se trouve en Italie, elle est, dit le cadre de Sonatrach, «à 200 km de plus qu'entre Skikda et Arzew». Elle est la première raffinerie en Méditerranée qui produit des lubrifiants (moins sensibles que les carburants).

Les expertises technique et environnementale ont laissé paraître qu' «Augusta est fiable à 98,1%, bien classée au niveau mondial, très économique». Et pour rassurer davantage, «Augusta a 46 ans d'âge et pas ce qui a été rapporté par la presse», affirme Kharoubi. «Et même si elle a un siècle, l'ennemi d'une raffinerie ce n'est pas le temps parce qu'il est traité par la maintenance». Sonatrach a fait évaluer le passif environnemental de la raffinerie par «un cabinet d'avocats italien qui a accordé le permis d'exploitation pour 12 ans à partir de mars 2018, c'est le maximum qui est donné pour une raffinerie en Italie». Cependant, il est signalé un problème d'«émission journalière d'oxyde de soude pour lequel nous avons présenté un plan de remédiation pour réguler le niveau journalier, sur l'année, il n'y a aucun problème».

«Le code des douanes est trop compliqué»

Autre problème, «la contamination des sols sur un périmètre de 20 hectares mais sur une très faible profondeur, problème évalué dès le départ par l'expertise technique». Il est assuré que «le coût du traitement est déjà intégré dans le coût d'acquisition, mais il n'y a aucune urgence pour y remédier». Le PDG de Sonatrach pense qu'avec Augusta «on va améliorer notre positionnement au plan international». La raffinerie italienne est «la première acquisition à 100% par Sonatrach à l'international auprès du premier raffineur mondial Exxon Mobil». Ould Kaddour ne cachera pas que le code des douanes ne permet pas trop à Sonatrach de s'étendre (en raffinage) sur l'international. «Le code des douanes ne nous permet pas d'exporter un produit pour l'importer raffiné, il nous faut des autorisations, il fallait travailler avec l'administration pour pouvoir le faire».

Le PDG affirme encore que «le code des douanes pour l'importation temporaire est trop compliqué, le processus administratif et bureaucratique est tellement lourd, mais on l'a réglé pour le processing». Pour atténuer de ces propos, Kharoubi précise : «Les codes des douanes sont universels, il faut des dérogations, c'est ce que nous avons obtenu». Ould Kaddour reste optimiste et indique que «nous avons les quantités nécessaires de pétrole pour répondre à nos besoins de raffinage, mais il y a beaucoup de travail à faire, beaucoup de partenaires étrangers veulent venir». Exxon Mobil compte-t-elle exploiter le gaz de schiste en Algérie ? «J'espère que c'est vrai !», répond Ould Kaddour, «on cherche des partenaires pas pour le gaz de schiste mais pour faire beaucoup de choses, il faut les connaître avant de passer aux choses sérieuses». Il ne cache pas qu' «on fait tout pour que Exxon Mobil vienne en Algérie».

Le patron du groupe pétrolier se dit «frustré de ne pas voir nos raffineries réalisées (par exemple celle de Sidi Yacine qui a pris beaucoup de retard alors que c'est un projet important et stratégique pour Sonatrach)» Il fait savoir au passage que Sonatrach se réunira les 24 et 25 juin prochain avec des entreprises publiques et privées «pour faire savoir ce qu'elle compte faire sur les dix prochaines années et ce qu'elles pourront faire avec elle». Il conclut en soulignant que «si Sonatrach ne tire pas l'économie nationale vers le développement, je ne vois pas qui pourrait le faire». Il estime aussi que «si certains de nos voisins font beaucoup de politique (on ne sait pas si leurs informations sur le raffinage sont réelles), l'Afrique reste notre terrain de travail, on fait tout pour développer cette activité, nous avons d'excellentes relations avec le Niger, la Libye, et beaucoup d'autres pays qui veulent profiter de l'expérience algérienne dans les hydrocarbures». Il pense néanmoins que «c'est un processus qui peut être cassé du jour au lendemain(?).» Il affirme «il faut qu'on fasse du business». Le PDG et ses cadres seront aujourd'hui à In Salah pour présenter les projets de Sonatrach pour la région.