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Loi sur la santé: La grève annoncée des pharmaciens suspendue

par Yazid Alilat

  Grosse colère au sein de la corporation des pharmaciens d'officine après l'introduction par une commission parlementaire d'un amendement controversé à l'article 259 dans la nouvelle loi sanitaire, supprimant le principe jusque-là reconnu par tous les gouvernements depuis l'indépendance que «le pharmacien est l'unique propriétaire et le gestionnaire de l'officine dont il est titulaire».

Le Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine (Snapo) a immédiatement réagi, en appelant à une grève nationale samedi pour dénoncer cette mesure. A la dernière minute, la grève laquelle allaient participer 12.000 pharmaciens d'officine, a été annulée. Hier mercredi, le Dr Messaoud Belambri, président du Snapo, a donné un peu plus de précisions sur ce dossier, un de plus qui affecte le secteur de la santé. Le Dr Belambri a expliqué à la radio nationale que «depuis l'indépendance, le système de distribution de produits pharmaceutiques est caractérisé par la notion qui dit que le pharmacien est l'unique gestionnaire et propriétaire de l'officine dont il est titulaire». «La loi (sanitaire, Ndlr) a été remaniée à plusieurs reprises et à aucun moment cette notion n'a fait l'objet d'une révision», a-t-il dit, précisant que «c'est la base de l'exercice de la profession, qui consacre l'indépendance du pharmacien d'officine sur le plan professionnel et déontologique». Selon le président du Snapo, si cette notion est «remise en question, elle va être ouverte à l'influence financière du pouvoir de l'argent» et que «cela va aussi créer une faille de base au sein de notre système réglementaire qui va permettre une intrusion et même une dominance extérieure au pays sur le marché de la distribution du médicament». Ce «principe a été supprimé au niveau de l'APN», a-t-il regretté, le pharmacien est un professionnel de la santé, qui assume «une responsabilité individuelle et une continuité du service public». «Sous sa forme officielle actuelle, c'est une partie du système global et un mode cohérent au sein du système de santé que le pays a choisi de manière stratégique, et donc si on touche à ce mode, c'est tout un système qui sera ébranlé, et il y aura des conséquences sur la politique de santé et du médicament».

Pour le président du Snapo, l'amendement de l'article 259 aura deux conséquences: «Si on enlève cette responsabilité personnel du pharmacien, cela sera une entité commerciale qui sera gérée par n'importe qui a de l'argent et va employer un personnel de santé à son propre compte. C'est le risque immédiat sur le plan local, on est soumis à une autorité morale et déontologique, et aucun pharmacien ne sera prêt à se soumettre à une autorité de l'argent». «Sur le plan international, la suppression de cet alinéa sera la porte ouverte à des filiales internationales dont les objectifs ne sont pas ceux tracés par les autorités sanitaires, et en contradiction avec la politique nationale en matière de sécurité sociale et d'accessibilité au médicament».

Dans ce système, a-t-il poursuivi, «les médicaments ne sont plus soumis à un plafonnement des tarifs et les marges non». Face à ce danger, le président du Snapo a indiqué que son organisation a envoyé une correspondance au président Bouteflika et saisi le ministre de la Santé. Le Dr Belambri, faisant un bref rappel des consultations que le Snapo a eu avec les différents intervenants dans la confection de la nouvelle loi sanitaire, a expliqué que «cette disposition n'a pas été touchée lors de nos consultations et elle a été revue il y a 48 heures lors des débats» à l'APN. Après avoir saisi le ministre de la Santé sur cette «anomalie», le Dr Belambri a indiqué que le Pr Hasbellaoui «nous a donné des garanties que le ministère va intervenir auprès de la commission Santé de l'APN pour rétablir l'art 259 tel qu'il a été adopté par le gouvernement et le ministère de la Santé».

Sur les raisons de ce cafouillage sur l'article 259, le Dr Belambri a expliqué que «les membres de la commission Santé de l'APN ont supprimé cet article qui a été pris en charge par l'article 256. Mais, cet article 256 parle des établissements pharmaceutiques et ne concerne pas les officines, et ils sont régis par le code du commerce, alors que la pharmacie d'officine consacre un principe lié à la loi sanitaire». Il a affirmé que «c'est le code du commerce qui suit la loi sanitaire concernant la pharmacie d'officine». Sur les raisons de cette «anomalie», il relève qu' «il y a deux éventualités: ou bien il y a des lobbies qui ont tenté d'influer, car à chaque fois qu'il y a révision de la loi sanitaire en 2003, 2005 et 2011, il y a des tentatives d'influence pour faire basculer le système algérien de la pharmacie vers le système des chaînes pharmaceutiques». «Nous avons toujours résisté contre ça pour préserver l'indépendance du pharmacien. C'est une éventualité, car il y a 800 agences Endimed, dont beaucoup sont fermées, il peut y avoir tentative de récupération». Mais, souligne le Dr. Belambri, «on ne doute pas de la bonne foi de nos amis de l'APN. Ils nous ont assurés que cela a été fait à cause de raisons juridiques et techniques».

Par ailleurs, sur la pénurie de médicaments, il a indiqué qu'une cellule de veille a été mise en place depuis janvier. «On est en train de voir de quelle façon elle peut être efficace, voir les anomalies et les signaler à l'autorité sanitaire pour que des mesures rapides soient prises», a-t-il dit. Il affirmera qu' «il y a des ruptures de médicaments, pas seulement ceux importés, mais ceux produits localement également, dont l'aspirine pour les cardiaques». «Il y a des difficultés d'approvisionnement», a-t-il insisté. «Nous les signalons et espérons que cela puisse être pris en charge rapidement».