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Deux tonnes de kif qui coûtent 20 ans de réclusion

par M. Nadir

Interpellés en mai 2016 dans le cadre d'une affaire de trafic de drogue portant sur plus de deux tonnes de résine de cannabis, H. Abdellah, H. Ammar, B. Rachid et K. Houari Kamel ont été jugés, dimanche par le tribunal criminel d'Oran, pour importation, détention, transport, stockage de produits stupéfiants en bande organisée conformément aux articles 17, alinéas 1 et 3, et 19 de la loi 04-18 portant lutte contre le trafic de drogue.

Flagrant délit à Plateau St-Michel

Selon l'ordonnance de renvoi, ce réseau de trafic présumé avait importé plus de deux tonnes de résine de cannabis en provenance du Maroc afin de les acheminer vers l'extrême Est du pays, via Oran et Alger. Hc. Abdellah, présumé fournisseur habitant à Maghnia, aurait enjoint à B. Rachid, chauffeur de bus dans une entreprise d'agroalimentaire résidant à Oran, d'aller à Haï Emir Abdelkader, anciennement St-Rémy, pour récupérer une quantité de kif auprès de complices. Rachid aurait sollicité l'aide de son ami H. Ammar -ancien policier radié et chauffeur de taxi clandestin- qui, une fois sur les lieux, a aidé au transfert dans le bus de nombreuses valises qui étaient entreposées à bord d'une Mercédès. Rachid ira ensuite à Haï Sabbah où Hd. Ammar a récupéré la moitié de la marchandise qu'il a transportée à Aïn Beïda, au domicile de K. Houari Kamel. Ensuite Rachid se rendra dans le quartier de Plateau St-Michel où il garera son bus. Le lendemain matin, soit le 11 mai 2016, agissant sur renseignements, les services de sécurité interpelleront le chauffeur de bus alors qu'il s'apprêtait à démarrer et le mettront aux arrêts. Ainsi pris en flagrant délit en possession d'une importante quantité de kif, Rachid ne fera aucune difficulté pour passer aux aveux et aider les services de sécurité à attirer Hd. Ammar dans un piège à Haï Sabbah. Arrêté, celui-ci se mettra rapidement à table et contribuera à l'arrestation de Houari Kamel et Hc. Abdellah, considéré comme étant à la tête du réseau. D'après l'accusation, c'est même lui qui leur aurait parlé de la drogue cachée chez Houari Kamel, à Aïn el Beïda

Aveux unanimes

Lors du procès, à l'exception de Hc. Abdellah, tous reconnaîtront une partie des faits qui leur étaient reprochés (transport et détention) mais nieront appartenir à une bande organisée. « Je savais qu'il était question de drogue mais j'en ignorais la quantité», souligne le chauffeur de bus de 52 ans en affirmant que la drogue appartenait bien à Abdellah. De son côté, même s'il prétend ignorer qu'il s'agissait de drogue au départ, Hd. Ammar, 47 ans, reconnaît avoir pris part aux différentes phases de transport des stupéfiants: «C'est Abdellah qui m'a appelé pour me recommander de cacher une partie de la drogue au domicile de Houari Kamel», ajoute-t-il en indiquant qu'il s'agissait de deux valises. Houari Kamel, 36 ans, admet avoir stocké la marchandise chez lui mais en jurant qu'il avait été mis devant le fait accompli par Ammar : «Quand il m'a téléphoné pour me demander de l'attendre, j'ignorais de quoi il retournait. Et lorsqu'il est arrivé avec deux valises de kif, je ne savais pas comment réagir», déclarera-t-il en niant connaître Rachid et Abdellah et en soulignant avoir eu peur de signaler le fait à la police.

Le parquet réclame la perpétuité

Seul Hc. Abdellah, commerçant en produits pharmaceutiques de 41 ans, rejettera toutes les charges retenues contre lui et affirmera être venu à Oran à la demande de Hd Ammar, pour se fournir en produits pharmaceutiques : «Quand on m'a arrêté, toute la marchandise avait été saisie et Houari Kamel avait déjà été interpellé. Comment aurais-je pu parler de la drogue se trouvant à Aïn El Beïda ?», tentera-t-il de se défendre.

Pour le représentant du ministère public, les faits sont clairs et ne souffrent d'aucune ambiguïté : les trois accusés reconnaissent les faits qui leur sont reprochés, certains affirment que la drogue appartient à Hd. Abdellah et de très nombreux échanges téléphoniques prouvent la connexion entre les accusés (de janvier à mai 2016, 495 appels ont été relevés entre Abdellah et Ammar et près de 120 entre celui-ci et Rachid, Ndlr) et établissent l'existence d'une bande organisée. Par conséquent, le magistrat requerra la réclusion à perpétuité pour l'ensemble des accusés.

Pas de bande organisée, selon la défense

Les avocats de Hd. Ammar, B. Rachid et K. Houari Kamel plaideront naturellement les circonstances atténuantes pour leurs clients mais seulement en ce qui concerne les charges de détention, transport et stockage. Pour eux, il n'est pas question d'importation ou de trafic en bande organisée, l'accusation n'ayant pas apporté des éléments de preuves matérielles accablant les trois accusés : «Le dossier d'accusation ne démontre pas l'entente préalable pour pouvoir parler de bande organisée ni de la présence d'un des accusés sur la bande frontalière avec le Maroc ou de contact avec des narcotrafiquants marocains pour évoquer l'importation», souligneront-ils en substance en réclamant l'acquittement de ces deux chefs d'accusation.

Seul l'avocat de Hc. Abdellah plaidera l'acquittement de son client pour l'ensemble des chefs d'accusation : «Il n'a pas d'antécédents judiciaires contrairement à d'autres (Houari Kamel et Ammar déjà condamnés et emprisonnés pour une même affaire de falsification de documents, Ndlr), les véhicules impliqués dans ce trafic sont tous immatriculés à Oran et Abdellah ne peut avoir parlé de la drogue cachée à Aïn El Beïda, comme le prétend l'accusation, puisqu'elle avait été saisie avant son interpellation», énumérera l'avocat de la défense en évoquant la thèse d'une conspiration de trois inculpés visant à faire de son client le responsable numéro 1 de cette affaire : «Ils protègent le véritable propriétaire de la drogue», avancera-t-il en soulignant qu'aucune empreinte de Hc. Abdellah n'a été relevée sur le corps du délit.

Après délibérations, le tribunal criminel -qui, pour rappel, siège sans la participation du jury populaire dans les procès de drogue- s'est rendu aux arguments de l'accusation et déclaré les accusés coupables des charges retenues. Hc. Abdellah écopera de 20 ans de réclusion criminelle alors que les trois autres accusés seront condamnés à 15 ans.