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Santé: Des détails sur les revendications des médecins résidents

par Ghania Oukazi

Le Collectif autonome des médecins résidents algériens conforte sa demande de suppression du caractère obligatoire du service civil par une déclaration du Premier ministre français. Pour soutenir ses revendications socioprofessionnelles, il rappelle aussi une «des mesures incitatives» prise par le gouvernement français.

Dans un document de 68 pages, contenant une plate-forme de revendications, signé par 12 0membres de son bureau national issus de différentes régions du pays et soutenus par «la collaboration» de 4 autres du même corps, «le Collectif autonome des médecins résidents algériens, en sciences médicales (médecine-médecine dentaire- pharmacie)» note en premier à l'attention du ministre de la Santé que : «on est honoré par votre ouverture au dialogue avec nous, en tant que représentants dûment élus de plus de 10.000 résidents en sciences médicales, à travers le territoire national, notre vision des choses est basée sur un vécu réel et une volonté sans égale quand au vouloir de l'optimisation de la dynamique dans le secteur de la Santé». Il promet au Professeur Mokhtar Hasbellaoui à qui il a remis le document en question, en janvier dernier, que «ce document vous est adressé comme plate-forme de revendications et de suggestions, ceci dit, nous restons disponibles et ouverts à toutes propositions de votre part, puisque le souci est commun et l'intérêt l'est autant» (Page 2).

Les médecins résidents grévistes commencent à déployer la liste de leurs revendications en page 3. Première de leurs références, la Constitution dans son chapitre VI relatif aux droits et aux libertés. (articles 32,34 et 37). Ils en déduisent « de ce fait, le médecin algérien en général, et le médecin résident en particulier n'est pas traité selon les textes de la constitution du fait qu'il a plus de devoirs et moins de droits que le reste des citoyens algériens comme s'il n'en faisait pas partie», puisque, disent-ils «il est le seul à passer deux services civil et militaire, il ne bénéficie pas de la dispense du service militaire comme tous les autres citoyens, ni des ?uvres sociales (?)». Ils demandent alors à être associés à la discussion sur le nouveau projet de loi sur la Santé pour inclure leurs revendications en premier, «l'abrogation de l'obligation du service civil et son remplacement par un autre système de couverture sanitaire pour l'intérêt du patient et l'épanouissement socioprofessionnel du médecin spécialiste, le droit à la dispense du service militaire comme tout citoyen algérien, le droit à une formation de qualité pour le résident en sciences médicales, la révision du statut général du résident, le droit aux ?uvres sociales comme tous les salariés et travailleurs algériens.» Ils incluent, aussi, «une discussion sur les revendications des spécialistes en biologie clinique, en ce qui concerne l'agrément d'installation à titre privée.»

«Ainsi a parlé le Premier ministre français », selon les résidents

Dans le chapitre I de leur document, les médecins résidents soulignent, au titre du service civil que «son obligation est une mesure anticonstitutionnelle et discriminatoire envers le médecin spécialiste, seul assujetti au service civil». Pour en être exempts, ils veulent «la révision des lois et des décrets relatifs au service civil des médecins spécialistes, notamment l'abrogation de la loi 84-10, du 11 février 1984, relative au service civil, l'abrogation des articles 205 et 206 de la nouvelle loi de la Santé 2017 qui astreignent et obligent le spécialiste à l'exercice, dans le cadre du service civil et le prive de son droit à l'évolution dans une carrière hospitalo-universitaire, en passant la maîtrise pendant le service.»

Pour appuyer leur rejet du service civil, les rédacteurs du document rapportent, curieusement, «un extrait de la déclaration du Premier ministre français en ce qui concerne les déserts médicaux» paru le13-10-2017 dans un journal français. «Ça ne sert à rien d'ordonner, d'obliger. Dans tous les pays européens qui l'ont tentée, la voie coercitive a été un échec,» avait déclaré Edouard Philipe (comme rapporté en page 5 du document.) Les médecins résidents reprennent aussi «les rapports du CNES (Conseil national économique et social) sur le développement humain, en Algérie (2007-2013-2015), où, écrivent-ils, «tous les experts confirment l'échec du service civil et son retentissement négatif sur la Santé publique des citoyens, et sur l'épanouissement professionnel et social du médecin assujetti.» Entre autres extraits des rapports en question «cette inégalité (des soins) est en grande partie liée à la qualité inégale des institutions chargées de la formation initiale, théorique et pratique, des personnels de santé (Facultés de médecine et de pharmacie, Ecoles dentaires, Ecoles de formation paramédicale) et à l'insuffisance de la formation continue.» Enfin, ajoutent-ils encore, «l'absence de perspectives de progression liée à l'acquisition de compétences, en cours d'emploi, l'insuffisance des salaires et rémunérations, ne tenant pas compte de la qualité du travail accompli contribuent à démotiver les personnels des services publics, dont certains associent, parallèlement, une activité privée (légale ou clandestine) pour compléter leurs revenus. D'autres abandonnent le service public et cherchent à s'établir dans le secteur privé ou à émigrer à l'étranger».

Les résidents rappellent le travail du CNES

Le rapport du CNES les aiguillent sur la question en notant que «des mesures correctrices s'imposent d'une part pour ralentir la déperdition de personnels de santé qualifiés, et d'autre part pour garantir la qualité égale des soins à la population par la délivrance, à la fin de la formation initiale des personnels de santé, de diplômes d'Etat ayant la même valeur sur tout le territoire national, ce qui n'est pas le cas actuellement». Autre référence aux travaux du CNES, la synthèse de son rapport concernant la couverture sanitaire. «On peut, donc, relever en guise de synthèse, et à la lumière de cet examen, que les défis à relever au cours de la décennie qui vient, imposent une réforme profonde de la politique de santé et de protection sociale, il s'agit de passer de la réforme hospitalière à la réforme du système de santé, dans son ensemble, en vue de contribuer à un développement humain durable en Algérie et de rétablir, dans une première étape, la confiance de la population, dans son système de santé ». Ils formulent alors «des propositions d'articles» pour consacrer la suppression du caractère obligatoire du service civil. Ils réclament sa réduction en proposant «la durée d'un contrat de deux années (02) pour la catégorie A et une année (01) pour la catégorie B». Ils soutiennent au titre de l'article 1 en page 7 que «durant cette durée, les permutations et transferts sont possibles». Ils veulent aussi qu' «il soit institué une commission nationale de suivi et d'évaluation de l'établissement de santé et d'affectation des praticiens spécialistes (?), (art. 2).» Ils estiment en alinéa de cet article que «les directeurs des établissements hospitaliers sont dans l'obligation de mettre en ligne une présentation de leurs établissements (nombre de lits, nombre de blocs opératoires, description technique du plateau disponible, les spécialités médicales et chirurgicales couvertes par l'établissement). Tout établissement ne recevant pas cette dite certification ne peut être en droit de demander l'affectation de médecin spécialiste.» Dans leur article 3, ils exigent que «les assujettis au service civil bénéficient d'un logement de fonction meublé et convenable, concédé par nécessité absolue de service (arrêté ministériel du 12 janvier 1995 du ministère des Finances).» Toutefois, précisent-ils, «une indemnité mensuelle de logement de 80.000 DA, est allouée à l'assujetti lorsque le logement n'est pas, immédiatement, disponible, et ce, en attendant une mise à disposition, ou à sa demande». Ils écrivent que «le logement de fonction est octroyé de droit si l'assujetti occupe son poste, pour une durée de 05 ans» en plus du «remboursement à concurrence de 100% des frais de consommation domestique de gaz, d'électricité, de téléphone, câble et d'Internet.» Ils ont pris le soin de lister «les objets mobiliers fournis pour servir à l'usage de l'assujetti par suit : une literie (avec drap et couvertures), en rapport au nombre de personnes composant la famille de l'assujetti, deux armoires, une table de cuisine avec chaises ou salle à manger, un salon de standing moyen, un réfrigérateur, un téléviseur, un appareil de chauffage si le logement n'est pas doté de chauffage central, climatisation, une cuisinière, une machine à laver, vaisselle et lave-vaisselle, micro-ondes, hotte.»

Regroupement familial et «mesures d'exception»

Autre demande «lorsque l'assujetti décide d'utiliser en plus son mobilier pour garnir son logement, le service employeur prend en charge les frais de déménagement aussi bien au moment de l'entrée dans les lieux que celui de leur libération.» Ils exigent «un regroupement familial de droit sans commission, dans un périmètre de 40 km du lieu de travail du conjoint justifiant d'un contrat a durée indéterminée et dans la même structure pour les couples médecins, avec un délai d'ouverture de poste de 15 jours, tout dépassement de ce délai sera comptabilisé de la durée du service civil. (Art.4, P.10).» Est considéré, également, en position d'activité (art.5), le fonctionnaire en congé annuel, en congé de maladie ou accident de travail, en congé de maternité, en autorisation d'absence, telle que prévue aux articles 208 à 212 de la présente ordonnance, rappelé dans le cadre de la réserve, admis à suivre un cycle de perfectionnement». Ils réclament de plein droit aussi «lorsque le conjoint du fonctionnaire est affecté auprès d'une représentation algérienne à l'étranger, d'une institution ou d'un organisme international ou chargé d'une mission de coopération, le fonctionnaire, qui ne peut bénéficier d'un détachement, est placé, de droit, en position de disponibilité. Nonobstant les dispositions de l'article 149 ci-dessous, la durée de la mise en disponibilité est égale à la durée de la mission du conjoint du fonctionnaire». Si le médecin résident passe son service militaire, l'article 7 tel que proposé stipule que «dans cette position, il conserve les droits à la rémunération, à l'avancement et à la retraite auprès de son employeur d'origine. A l'expiration de la période de service national, le fonctionnaire est réintégré de plein droit dans son poste d'origine, même en surnombre». Ils exigent la dispense à l'âge de 30 ans du service militaire (comme tous les Algériens) et «si besoin, le jumelage des deux services afin de réduire sa durée. (P.24)» Dans leur article 12, les grévistes veulent que «les praticiens médicaux spécialistes assujettis au service civil peuvent exercer une activité complémentaire lucrative, à titre privé, en rapport avec leur spécialité. L'assujetti peut à sa demande conclure avec des structures sanitaires publiques ou privées des conventions pour exercer son activité, dans le cadre de sa spécialité, à raison d'une journée par semaine, d'une durée d'une année renouvelable et dans les limites de deux conventions (?).».

Le gouvernement français, une référence pour les grévistes

«Garantir le transport au médecin spécialiste en cas d'éloignement du logement de fonction de plus de 5 km ou prévoir une prime mensuelle de transport estimée à 20.000 DA selon l'éloignement et la nature du terrain ainsi que la disponibilité des moyens de transport», «Accorder des remises de 100% aux billets d'avion dans le territoire national pour tout médecin spécialiste assujetti au service civil et les personnes composant sa famille.(Art.14).» «Une prime de première installation d'un montant équivaut à 12 mois de salaire net est versée, immédiatement, à l'assujettit dès sa prise de poste. (Art.15)» Au titre des indemnités exigées, l'article 18 porte sur «une prime d'avantage : 150% du salaire brut pour toutes les wilayas, indemnité d'encadrement : 100% du salaire brut, indemnité de documentation : 26.000 DA, prime d'amélioration des performances : 40% du salaire brut, indemnité d'astreinte en soins spécialisés : 100% du salaire brut, indemnité de qualification : 100% du salaire brut» en plus d'une indemnité d'isolement familial, allant de 40% à 80%, selon les zones d'affectation, d'une prime de zone (?), d'une augmentation de la prime de garde de 100% et de l'acquisition d'une carte ?Chifa' d'un taux de remboursement de 100%. Au titre de «mesures d'exception» et par l'article 23, les résidents exigent en cas «d'activités multi-centre» que «le déplacement et les commodités sont à la charge de la structure d'accueil, l'assujetti ouvre droit à une prime multi centre.» En plus d'autres nombreuses et diverses mesures incitatives qu'ils inscrivent dans leur document, les médecins résidents s'appuient sur des décisions du gouvernement français pour noter, en référence à un article de presse diffusé par des médias français, en octobre 2016 que «les jeunes médecins pourront toucher une prime allant jusqu'à 30.000 euros s'ils exercent au moins 3 ans dans le public. Les personnels plus expérimentés verront leur gratification revalorisée,» dit l'écrit qu'ils reprennent pour faire savoir «comment le gouvernement français veut retenir les médecins dans les hôpitaux publics.» (P.19). Dans le chapitre 3, ils évoquent la formation et la pédagogie et exigent une mise à niveau de tout le système. Ils abordent le «Statut général du résident en sciences médicales» dans le chapitre 4 du document. Ils consacrent des chapitres entiers à la chirurgie dentaire, aux spécialistes en biologie clinique, à la plate-forme de revendications des résidents en sciences pharmaceutiques et fondamentales, à la toxicologie?En plus des propositions de réorganisation de la médecine du travail, des maladies infectieuses, de la pédiatrie?

Les médecins résidents concluent leur document par un sorte de slogan de circonstance (p.68) : «Prenez soin de vos médecins résidents, ils prendront probablement soin de votre santé un jour».