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Contribution à l'analyse d'un problème récurant la juste valeur de la terre (1ère partie)

par Maiza Touhami *

Nous avons beaucoup de respect pour l'édification de notre pays et ceux qui ont décidé d'y consacrer leur vie, mais le mauvais climat entre le citoyen et l'Administration n'a que trop duré et nous voulons qu'au lieu de changer tous les 15 à 20 ans de Constitution l'on analyse si le mal n'est pas ailleurs et ne vient pas d'un virus subtilement injecté.

Aujourd'hui nous allons aborder le phénomène de l'expropriation de manière inéquitable par une administration dont la partialité a été institutionnalisée par des lois qui violent la loi fondamentale de notre pays. La Charte et la Constitution adoptent l'islam comme religion de l'Etat. Ces textes fondamentaux garantissent les droits des individus et la propriété privée. Ces textes garantissent l'impartialité de l'Administration. Chaque fois revient le problème du foncier industriel insuffisant alors que des zones entières sont souvent momifiées par les uns et les autres (soit faisant partie de larges périmètres pris par des sociétés nationales en état d'hibernation, de liquidation ou de privés qui n'ont pas respecté le cahier des charges pour des raisons multiples préférant souvent les uns et les autres devenir des spéculateurs. Souvent ces terres ont été sous-estimées au départ et constituent un transfert illégitime d'une valeur d'un propriétaire légitime à un bénéficiaire spéculateur en puissance, ce qui nous amène à examiner la juste valeur de la terre et à la légitimité de l'expropriation sur la base d'une indemnisation équitable.

L'expropriation en Algérie :

1/ Le contexte général : la reconduction de la loi particulière instituée en 1960 spécifique à l'Algérie (jugée inéquitable par la Chambre française de l'Agriculture : publication de février 1962) (cette publication est sur le site «expropriation illégitime»

Il devient urgent pour l'Algérie de comprendre et de vulgariser certaines notions pour éviter de remettre sans cesse en cause des fondamentaux, tels que la Constitution, qui n'ont aucune influence sur une législation fortement inspirée d'une législation étrangère qui a été progressivement imposée en Algérie avec une vision différente de celle du pays d'origine qui était la France pour justifier un véritable déni de l'humain à l'Algérien réduit à la qualité de sujet français dès 1830 alors que Napoléon Ier avait fait émerger la Nationalité française avec ses codes fortement inspirés des codes des civilisations notamment islamique. S'il faut remonter dans le temps pour trouver la procédure d'expropriation en Algérie il faut aller par plusieurs étapes :

A/ le phénomène d'appropriation pour créer un patrimoine de l'Etat français en Algérie

Le 8 septembre 1830 l'on découvre l'Arrêté du général en chef portant détermination des bien du domaine : (au travers de 6 articles ont été intégré au domaine les biens Houbous qui finançaient La Mecque et Médine. Déclaration dans les 3 jours sinon amende équivalent à un an de loyer et celui qui dénonce celui qui ne déclare pas reçoit la moitié de l'amende.

Le 7 décembre 1830. Arrêté du général en chef attribuant les revenus au domaine et y rajoutant les biens affectés aux lieux du culte musulman et aux œuvres de bienfaisance : en 7 articles) avec le même délai de 3 jours, l'amende et le partage de l'amende avec le délateur.

Le 26 décembre 1842 : institution d'une curatelle (mise sous tutelle) des biens de tout indigène décédé dont les biens seront gérés à partir du 21e jour par un tuteur et seront transférés au domaine après un délai de 3 ans. Les héritiers éventuels devront justifier par titres de l'origine de la propriété familiale (27 articles décrivent les mécanismes).

Le 1er octobre 1844 : Ordonnance relative à la constitution de la propriété en Algérie (B. O 1944 p190. Ce texte assez étoffé, comportant 115 articles, définit entre autres les modalités de l'expropriation qui se font sous l'égide de la justice. Ce que nous avons relevé c'est qu'en son article 48 le texte précise bien après la décision de la justice que l'Administration ne peut prendre possession qu'après avoir payé l'indemnité ou l'avoir consignée. Le texte prévoit aussi le recours à des experts externes à l'Administration des domaines.

Le 16 juin 1851. Loi sur la constitution de la propriété en Algérie (senatus consul du 22 avril 1863 et loi du 26 juillet 1873 en moduleront la consistance).

Les principales caractéristiques : le titre 1 : Domaine national en Algérie : intégration en plus de ce qui a été récupéré par les textes antérieurs les forêts, les cours d'eau, les marais. Le second titre définit ce qui est concédé au domaine départemental et au domaine communal. Le titre 3 concerne la Propriété privée : l'article 10 la déclare inviolable qu'elle soit détenue par des Indigènes ou par des Européens. Ce texte reconnaît la jouissance des tribus antérieures à la conquête. Ce texte transfert progressivement la compétence aux tribunaux français. Le texte prévoit un dispositif sur l'expropriation qui introduit une nouvelle notion (à savoir la plus-value qui pourra être apportée au bien restant entre les mains de l'exproprié pour réduire l'indemnisation). D'autres tendances se feront jour à travers d'autres décrets et transféreront les litiges entre Musulmans et Israélites aux tribunaux français (décret du 30 octobre 1858). Il faut noter que les terres des villages de colonisation sont déclarés incessibles, ce qui explique le recours à la concession en faveur des grandes compagnies (algérienne 100.000 hectares et genevoise 14.000. hectares).

Cette vision juridique à l'algérienne préconisée distinguait dès le départ plusieurs justices :

1/ La justice européenne appliquée aux gens du premier collège (Européens et Juifs à partir de 1870). Jusqu'à cette époque le régime militaire était de rigueur même à Alger.

2/ La justice des autochtones (justice rattaché au culte musulman)

3/ La justice administrative (pratiquée à l'égard de la seconde catégorie (les sujets français) qui a été codifiée (code de l'Indigénat qui a sévi longtemps pour justifier les sanctions allant de punition collective, les confiscations, l'internement, l'éloignement et jusqu'aux transferts vers d'autres contrées (Calédonie) (sans aucun contrôle judiciaire à la discrétion de l'appareil administratif). Les lois françaises étaient donc souvent adaptées au contexte algérien et l'administration y bénéficiait de larges pouvoirs et la consistance de la loi souvent était vidée de son contenu par des décrets laissant de larges pouvoirs à l'administratif «HOUKM EL HAKEM». Le pouvoir administratif n'était souvent qu'un dérivé d'un régime militaire à peine masqué. Le Sénat français devait s'intéresser à ce particularisme et l'Administration de l'Algérie s'est justifiée en prétendant avoir reconduit un régime antérieur préexistant.

Cette manière de faire va donner des pouvoirs et un cadre juridique à l'Administration française des Domaines à l'époque et à l'Administration algérienne des Domaines qui lui succéda et des outils pour justifier les actes de spoliations des propriétaires terrains autochtones (les Européens sont protégés par le cadre juridique spécifique et les recours ouverts qui peuvent remonter jusqu'à Paris jusqu'à maintenant). Les lois en Algérie résultent des lois antérieures venant de la période coloniale puisqu'elles ont été reconduites après juillet 1962 jusqu'en 1975 et qu'après 1975 les rédacteurs ont été fortement conditionnés par le régime autoritaire et pour s'y adapter les juristes ont souvent élaboré des textes qui transfèrent des pouvoirs du législatif vers l'administratif et cela d'autant que la Charte et la Constitution, adoptées à la même époque, n'étaient que des cadres purement formels. L'Algérie a voulu en 1975 rompre le cordon ombilical mais le virus avait bien mûri et a trouvé le cadre pour s'épanouir.

A suivre...

*Expert-comptable et propriétaire terrien. Beni Fouda, wilaya de Sétif